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ARCTICA
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Conférence de l’Institut Schiller 2012
L’Arctique, eldorado ou projet commun de l’humanité ?

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Présentation d’Ulf Sandmark à la conférence de l’ Institut Schiller à Berlin, les 25-26 février 2012.

Avez-vous entendu parler de l’expédition scientifique internationale qui eut lieu dans la mer arctique canadienne, où les participants russes ont apporté des cartes du secteur bien meilleures que celles de la marine canadienne ? Avez-vous entendu parler des missiles balistiques nucléaires, des satellites polaires et des routes aériennes civiles ? Tous passent par l’Arctique. Avez-vous entendu parler du plus gros brise-glace du monde, le Typhoon ? C’était un sous-marin russe lanceur de missiles conçu pour briser la calotte glaciaire de l’Arctique par en-dessous. La technique dérivait d’efforts menés pour lancer des missiles depuis des positions cachées sous la glace.

Pourquoi les militaires, les agences spatiales et les compagnies aériennes ont-ils été les premiers à aller dans l’Arctique ? Parce que pour eux c’était normal de penser en dehors du bocal. Pourquoi ne pensons-nous pas naturellement à l’espace arctique ? Notre perception des dimensions n’est-elle pas formée par la terre et la mer, et par tout ce que nous voyons avec nos sens ? La science cependant nous permet d’avoir un accès à cet espace nouveau. (Images de l’extraction sous marine de pétrole et de gaz par Statoil et du système de pipeline de l’Atlantique Nord).

L’Atlantique fait-il partie de l’Arctique ? Si vous regardez une carte depuis l’Arctique, vous voyez ces morceaux de terre correspondant à l’Alaska, à la Sibérie et au Canada du nord. Si vous tracez un cercle depuis Anchorage jusqu’à la pointe sud du Groenland, il se prolonge vers Oslo, Stockholm, Helsinki et Saint-Pétersbourg ! En raison du Gulf Stream dans l’Atlantique, un bon morceau de l’Europe se trouve dans l’Arctique, comme la Scandinavie, l’Irlande, l’Écosse, l’Angleterre et la mer du Nord et les états des côtes de la Baltique. A l’exception de la navigation et de la pêche, nous n’intégrons pas l’Arctique dans nos esprits.

Les Norvégiens, depuis le démarrage de la première exploitation pétrolière dans la mer du Nord sur le champ d’Ekofisk en 1969, ont été de plus en plus entraînés dans la mer arctique. Pourquoi ? Si les revenus de l’industrie pétrolière, qui sont les revenus de la compagnie pétrolière publique, Statoil, ne sont pas investis, alors ils sont placés dans un fond géant qui les place non pas dans le développement physique, mais dans des titres. C’est la raison pour laquelle, ils préfèrent de l’investir toujours dans une expansion des capacités pétrolières dans l’Arctique. Et c’est pour cette raison qu’ils ont aujourd’hui le meilleur savoir faire pour travailler dans l’Océan Arctique. Ils sont les premiers à démarrer la production dans les conditions très hostiles de la mer de Barents.

Gazprom, ENI, Total et les compagnies pétrolières de l’Alaska connaissent ce même type de poussée auto-entretenue vers l’Arctique, mais, comme les compagnies de matières premières prisonnières de leur business, ils sont plus concentrés sur l’exploration. Ce sont là des éléments moteurs importants dans l’Arctique.

Avant ces projets, il y a eu l’impulsion donnée il y a plusieurs décennies par le scientifique Russe Vladimir Vernadski à une colonisation de l’Arctique afin d’étendre la Noosphère. L’on retrouve cette impulsion dans l’ambitieux Plan de développement de l’Arctique russe présenté par le Premier Ministre Vladimir Poutine au forum arctique international d’Arkhangelsk en 2011. La nation russe exprime sa souveraineté sur cette région par le développement de nouveaux brise-glaces, les plus puissants du monde, qui permettront de maintenir la route maritime du nord, au nord de la Sibérie, ouverte à la circulation toute l’année.Toute une flotte de ces brise-glaces est en construction à l’heure actuelle. La Russie est aussi le seul pays au monde à produire actuellement une centrale nucléaire flottante qui fournira de l’électricité aux villes situées le long de la côte de l’Arctique sibérien. La plateforme est déjà construite sur la mer et ils sont sur le point d’installer des réacteurs de 35 mw, de la même puissance qui est utilisée dans les brise-glaces.

On peut dire que les moteurs qui poussent actuellement au développement de l’Arctique sont les projets portés par les États, une présence militaire et des compagnies de matières premières.

Pourtant, il y a ici des problèmes que Lyndon LaRouche avait prévus depuis longtemps, quand, dans le livre Les Cinquante Prochaines Années de la Terre il avait traité de la nécessité d’une véritable culture eurasienne. Il écrivait :

« Dans le cours de l’histoire, la civilisation européenne est restée moins peuplée, avec un écart relativement grand, avec celle de l’Asie. Pourtant la puissance exprimée par la civilisation européenne a été plus grande, spécialement depuis l’ascension de la culture classique grecque vers le VIIème siècle av. J.-C. (…) Cela tient essentiellement (...) à cette image de soi de l’individu comme membre créateur de la société. L’augure d’une catastrophe potentielle en Asie, même dans les pays qui émergent comme nouvelles puissances mondiales, n’est pas à écarter, à moins que l’image de l’homme reflétée dans la condition de la grande masse des pauvres, n’est pas rehaussée du statut de main d’œuvre bon marché, à celui de masse créative et innovante, intellectuellement éclairée. Cette tâche devient, évidemment, un problème crucial dans le contexte de toute discussion sur la question du dialogue des cultures. »

Vous pouvez poser la question d’une autre manière : où en est le peuplement et le développement d’une classe moyenne dans l’Arctique ? Peut-elle s’y transporter, elle et ses marchandises en passant par des pipelines ?

Le problème oligarchique dans l’Arctique aujourd’hui est presqu’aussi important qu’à l’époque des "gueules noires". On voit cela maintenant dans le boom minier au nord de la Suède, avec le manque de logements pour les travailleurs. Regardez les nouveaux mineurs suédois dans leurs mobile-homes à Kiruna. On le voit dans le manque de développement des infrastructures, alors que 6 millions de tonnes de minerai de fer par an, tirées de la nouvelle mine de Pajala, sont transportées, non par rail, mais par des camions Caterpillar de 90 tonnes se suivant toutes les 6 minutes sur une route large de 9m et longue de 150 km, entre Pajala et Svappavaara, un trajet de cinq heures. Même dans l’Etat providence suédois, les travailleurs de la mine sont traités comme du bétail et les infrastructures ne sont pas développées.

Avez-vous déjà entendu parler d’une compagnie minière qui soit humaine ? Désirez-vous obtenir un emploi dans les mines de sel ?

Qu’en est-il des populations indigènes de l’Arctique ? Savez-vous où est le Groënland ? Il est à Oslo ! C’est le bas quartier proche de la gare ! Dans l’Arctique les gens sont traités comme du bétail par l’oligarchie.

A l’opposé de cette conception oligarchique, nous avons les cités de la science. La conception de la cité d’Umka que les Russes proposent dans l’Arctique montre que les besoins humains doivent primer, rendant possible y compris une vie de famille, même dans l’Arctique. Mais la contribution unique de l’Europe occidentale à l’Arctique doit être le développement de l’esprit scientifique pour tous, pas seulement pour la classe restreinte des intellectuels ou des spécialistes typique de l’Europe orientale.

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La cité scientifique d’Umka Projet russe de cité scientifique sur l’île d’Umka en Sibérie, une ville sous dôme pouvant héberger quelque 5000 résidents.

Comment pourrions-nous élever les pauvres hors de leur statut de main d’œuvre bon marché ? En fournissant aux processus de production et à la population une énergie de plus haute densité, ainsi que la science.

•Partout où une nouvelle mine sera ouverte, il y aura une confrontation avec les populations indigènes. Comme ce sont les infrastructures de sécurité qui déterminent l’espace des activités humaines, les indigènes peuvent être recrutés à cette effort si on y apporte des hélicoptères, des moyens de communications et des services de secours, de santé et de sécurité. Faisons en sorte qu’ils deviennent l’ossature du système de secours et de sécurité, alors qu’ils sont déjà le fer de lance du peuplement de l’Arctique.

• On discutait tout à l’heure de l’exploration minière sur la lune. Organisons de la même façon l’exploitation minière au fond de la mer ou au fond des puits, avec les technologies les plus avancées, tirant ainsi le progrès dans l’éducation, le bien-être et les salaires de la force de travail. Où sera le conducteur de bennes dans la nouvelle mine ? Il sera assis à la surface du sol. Je ne sais pas combien de mains il aura, mais il conduira en réalité cinq bennes.

•Construisons chaque cité minière sur le modèle des cités de la science, avec des logements décents et des moyens de communications associés avec les infrastructures d’éducation et de culture. On aura ainsi une force de travail à la fois qualifiée et cultivée.

•Promouvons la recherche et la connaissance nécessaires pour la transformation et le raffinage des matières premières aussi bien que la « bioprospective », de façon à développer des PMI/PME hautement technologiques (mittelstand) dans cette région. Il faut créer les conditions d’un peuplement et de l’émergence des classes moyennes dans ces régions. Il y en a au Groenland, mais c’est un développement basé sur des industries de pêche et commerciales, non des mines. Peuplons le centre universitaire du Spitzberg, les universités arctiques de Tromsoe en Norvège, d’Akureyri en Islande, de Nuuk au Groënland, d’Umea en Suède, d’Oulu en Finlande et d’Arkhangelsk en Russie, ainsi que la nouvelle cité de la science russe à Umka.

•Organisons le transport non seulement pour les pondéreux mais aussi pour le développement industriel de la région. Pour ceci nous avons besoin de chemins de fer à grande vitesse vers le nord. Profitons du contrôle public sur l’exploration des matières premières pour développer aussi des couloirs infra-structurels vers l’Arctique, comme le fait la Norvège. Brisons la politique monétariste de non-investissement du Danemark, de la Suède et de la Finlande. Ouvrons des lignes de transport vers le Nord à partir de l’Europe continentale, comme le pont de Fehmarn, et des trains à grande vitesse sur le triangle nordique, de Copenhague à Oslo, Stockholm, Helsinki et St-Pétersbourg, le lien Rail Baltica, le tunnel Talinn-Helsinki, l’Arc Baltique, le chemin de fer Rovaniemi-Kirkenes, les trains à grande vitesse entre Saint-Pétersbourg et Moscou, le chemin de fer Belkomur entre Arkhangelsk et Perm, et le nouveau corridor de transport de marchandises de la Chine aux États-Unis.

•Répondons aux invitations de la Norvège, de la Russie et du Groënland à participer dans ces projets. Coopérons avec les projets arctiques de la Chine, de la Corée du Sud, du Japon, de l’Inde, du Canada et des États-Unis, en suivant la devise que plus nous collaborerons haut dans le Nord, plus basses seront les tensions. Comme le ministre norvégien des affaires étrangères Jonas Gahr Störe le souligne, il n’y a pas de course pour l’Arctique puisque toutes les frontières y sont fixées. Il n’y a donc pas de course pour les ressources, mais une course commune pour la connaissance.

Pour finir : La mer de Kara est ouverte cette année en février pour la première fois ! Faisons comme nos ancêtres d’il y a 10 000 ans, qui ont suivi le retrait des glaces. Allons vers la côte de l’Arctique, pas seulement celle de la Baltique.