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Classical Revolution / Révolution classique
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Notes d’agendas (1929-1949)
Wilhelm Furtwaengler

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Notes d’agendas (1929-1949) —
Extraits du journal intime de Wilhelm Furtwaengler :

1948

Pour bien écouter la musique, il faut deux choses : de la musicalité (c’est un don), et une ardeur vitale assez soutenue organiquement pour recevoir les grands courants de passion et de vie chaleureuse qui se dégagent des chefs-d’œuvre. L’une sans l’autre ne saurait suffire. Mais il est rare de les trouver réunies.

1945

Pourquoi exécute-t-on si mal Beethoven ? Parce que, suivant la loi de son tempérament, il incarne des états extrêmes. L’exécutant doit aussi se trouver dans un état extrême. Beaucoup ne le peuvent pas de prime abord. D’autres ne le veulent pas : ils ne se rendent pas compte de toute l’harmonie et de la mesure qui sont à la base de ces états extrêmes. Seul celui qui est capable d’exprimer à la fois le caractère d’universalité et le caractère d’exception peut concevoir comme il convient, l’interprétation d’une œuvre de Beethoven.

… ils comprennent tout : l’allusion, l’esprit, l’ironie – ils savent laisser deviner un monde derrière une grimace : il n’y a qu’une chose qu’il ne comprenne pas : le langage simple du cœur, le langage du grand et du noble. Mon naturel fait que je préfère celui-ci à tout autre chose.

Ce qui fait le grand artiste, ce n’est pas seulement l’esprit d’intuition, les qualités du cœur, — mais avant tout, un ordre parfait dans les pensées. L’Harmonie de ces pensées doit être un reflet de l’harmonie du cosmos. Tout génie artistique doit être ce reflet, et apparaît comme une force créatrice d’ordre : même, et particulièrement, Beethoven « le désordonné ».

1940

Vraiment, si les hommes savaient ce qu’est l’Art véritable, ils feraient tous les efforts possibles pour y accéder.

1936

Une grande partie de la musique pure – déjà depuis Haydn – est faite de tensions et de détentes : le langage musical se condense, et se dénoue à nouveau… Ne pas suivre ces fluctuations dans sa manière d’indiquer la mesure, c’est n’être pas fidèle à l’œuvre. – La musique italienne ne connaît pas ces « condensations ». Elle n’a pas de chance !

On doit toujours passer la moitié de sa vie à lutter contre l’homme habile, le penseur trop intelligent mais à la vue trop étroite. Et l’on se demande si l’aboutissement de cette sorte d’ivresse où la volonté de dominer le monde s’associe à la volonté de tout attirer dans le champs de la conscience, peut-être autre chose que l’épuisement général, l’indifférence, la barbarie ?

1932

La tisane insipide et sans vitamines qui est tout ce que les auditeurs de la Radio ont la possibilité de recevoir d’une exécution, ne peut être un total remplacement que pour ceux qui ne savent plus ce qu’est un concert.