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La troisième Guerre mondiale commencera-t-elle au Moyen-Orient ?

by Helga Zepp-LaRouche

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L’Allemagne a besoin de progrès économique, pas d’exporter des armes

Même si c’est un truisme bien connu, il faut le souligner à nouveau : l’Allemagne n’est pas un État souverain ! Ce qui serait, en « temps normal », une condition injuste et exaspérante, devient insupportable à une époque où nous sommes confrontés à une menace existentielle, alors que la camisole de force européenne et de l’OTAN nous force à nous engager dans des conflits fondamentalement opposés aux intérêts de l’Allemagne et à son existence. Les manifestations massives du 14 novembre dans 23 pays européens ont montré que l’UE est au bout du rouleau. Regardons maintenant la situation au Moyen-Orient : un pas de plus, et nous nous retrouverons au milieu d’une troisième Guerre mondiale.

L’Allemagne a eu raison de rester à l’écart de la guerre d’Irak, une guerre fondée sur les mensonges de Tony Blair, et le ministre allemand des Affaires extérieures Westerwelle a pris la bonne décision en refusant d’envoyer des troupes allemandes participer à une « intervention humanitaire » en Libye, qui s’est transformée en guerre d’agression, conduisant à l’assassinat d’un président qui, en tant que prisonnier de guerre, était protégé par la Convention de Genève.

Le baril de poudre moyen-oriental

Cependant, l’Allemagne se trouve soumise à de fortes pressions pour participer à de nouvelles interventions, comme au Mali et en Syrie ; ceci serait une pure folie, étant donné la faillite lamentable de la politique de changement de régime menée en Irak, en Afghanistan, en Libye et maintenant en Syrie, où les « rebelles » sont en grande partie des militants d’al Qaïda, des salafistes ou des mercenaires. En réponse à l’annonce faite par la France de son intention d’armer les « rebelles », le ministère russe des Affaires étrangères a averti que tout pays armant ces prétendus rebelles violerait carrément les principes de bases du droit international. Or il ne s’agit pas seulement d’une violation du droit international, il n’est pas non plus très intelligent d’armer des gens qui se retournent contre leurs « bienfaiteurs » pour les massacrer, comme nous le voyons aujourd’hui en Afghanistan.

La tension monte au Moyen-Orient entre le Hamas et Israël, après l’assassinat ciblé du chef militaire du Hamas, Ahmed Jabari, ainsi que la menace proférée par le ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman de tuer, si nécessaire, le Premier ministre de Gaza Ismail Haniyeh au début d’une nouvelle guerre. Israël entend mobiliser 75 000 réservistes, tandis qu’une offensive terrestre est en préparation.

Les attaques de roquette sur Tel Aviv et Jérusalem nous font penser aux paroles de la chancelière Merkel, qui étaient aussi sincères que faux, à l’effet que la sécurité d’Israël fait partie intégrante de la « raison d’Etat » de l’Allemagne. Le journal Neue Westfälische de Bielefeld a commenté : « Comme si la situation n’était pas suffisamment dangereuse, nous approchons également du point où l’Iran aura supposément suffisamment de plutonium de qualité militaire. Ceci pose le danger d’une attaque israélienne sur l’Iran. A supposer que, par quelque miracle, [Israël] aura les armes pour ce faire. L’affrontement ne sera plus alors confiné au Moyen-Orient. »

Madame Merkel et Lady Ashton ont blâmé le Hamas pour l’escalade actuelle, ignorant de toute évidence le verrouillage presque complet de la bande de Gaza par Israël, qui rend l’endroit presque invivable. Par ailleurs, le quotidien russe Rossiyskaya Gazeta s’interrogeait le 16 novembre sur les motivations du gouvernement Netanyahou pour son escalade contre le Hamas : « Les événements prennent une certaine logique, si l’on considère qu’Israël est en train de détruire les armes palestiniennes que le Hamas pourrait tirer sur Tel Aviv dans le cas d’une attaque israélienne contre l’Iran. En d’autres termes, l’opération actuelle peut s’avérer rien de moins qu’une tentative de la part d’Israël de priver Téhéran de ses derniers atouts.  »

Vu que l’Estimation nationale du renseignement américain (NIE), fondée sur l’évaluation de 16 agences de renseignement américaines, a conclu que l’Iran n’a pas repris son programme d’armement abandonné en 2003, le gouvernement allemand devrait clairement prendre position, car soit les services secrets américains ont menti, soit c’est Netanyahou qui a menti en déclarant il y a deux mois que l’Iran aurait l’arme nucléaire dans six mois (plus que quatre maintenant) ! Et si Israël est en train d’envisager une attaque préventive contre l’Iran, alors l’Allemagne doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour s’assurer que cela n’arrivera pas.

Lorsque Obama affirme, en parlant de l’Iran, que « toutes les options sont sur la table », ceci n’exclut pas bien sûr une attaque nucléaire préventive. Et tous les experts du Moyen-Orient sont d’accord pour dire que cela signifierait une troisième Guerre mondiale, thermonucléaire, contre la Russie et la Chine. Il est d’autant plus outrageant, dans ces conditions, de voir que l’appel lancé au début de l’année par le dirigeant de la Conférence de Munich sur la sécurité, Wolfgang Ischinger, appelant à un débat public sur la politique allemande à l’égard du conflit israélo-iranien, n’a toujours pas été entendu.

En ce moment même dans les cercles gouvernementaux, militaires et de réflexion proches des gouvernements, on est convaincu que l’Allemagne n’agira jamais hors de l’OTAN et de l’UE en situation d’urgence, même si une telle situation a déjà existé dans le passé. S’ils persistent dans leur aveuglement, alors le désastre – l’extinction de l’espèce humaine dans une guerre thermonucléaire – est programmée.

Dans cette situation extrêmement tendue, le déploiement prévu de 170 soldats allemands dans une mission de l’OTAN à la frontière turco-syrienne, ainsi que la relocalisation de missiles de défense anti-aérienne Patriot à cet endroit, sont des pas supplémentaires dans la mauvaise direction : le moindre petit prétexte suffirait pour que la Turquie invoque l’article 5 du Traité atlantique [1], et après ? La raison pour laquelle Madame Merkel persisterait à présenter l’exportation d’armes vers des pays comme l’Arabie saoudite, le Qatar et Israël, ainsi qu’une participation allemande à une opération militaire au Mali, comme « moyens permettant de garantir la paix », dépasse l’imagination la plus fébrile.

Qui viole les droits de l’homme ?

Vu la situation globale, la détérioration significative des relations germano-russes, à laquelle ont contribué les activités d’Andreas Schockenhoff [2] et la résolution anti-russe au Bundestag, est plutôt inquiétante.

En fait, si l’on considère la situation des droits de l’homme et le déficit de démocratie au sein de l’UE elle-même, il est difficile de comprendre comment Madame Merkel et ces parlementaires peuvent justifier leurs prétentions. Le député à la Douma, Andrei Pushkov, a lancé une contre-attaque, suggérant que le gouvernement allemand établisse une commission des droits de l’homme pour enquêter sur les violations en Grèce.

Il en faudrait tout autant pour le Portugal, l’Espagne et l’Italie – pour commencer. Car plusieurs millions de personnes ont participé à une grève générale et à des actions de soutien le 14 novembre dans 23 pays européens, contre les politiques d’austérité de l’UE, qui deviennent de plus en plus insupportables, violent les véritables droits humains et sont même responsables de mort. 9 millions d’Espagnols sont descendus dans la rue, et une répression policière brutale, à coups de matraque, gaz lacrymogènes et balles de caoutchouc, a amené le journaliste de Die Welt Henryk Broder à se demander si le général Franco n’était pas ressuscité. En France, il y a eu des manifestations dans 130 villes ; en Belgique, des œufs et des pétards ont été jetés sur l’ambassade portugaise, et des manifestations ont eu lieu dans 40 villes ; en Italie, trois membres du gouvernement Monti en visite en Sardaigne, ont dû être évacués par hélicoptère face à des travailleurs en colère.

A Thessalonique, en Grèce, l’ambassadeur allemand Wolfgang Hoelscher-Obermaier et le secrétaire d’Etat parlementaire au ministère fédéral du Travail et des Affaires sociales, Hans-Joachim Fuchtel, ont essuyé des jets de bouteilles d’eau et de gobelets de café en plastique. L’hiver est souvent très froid en Allemagne, mais chaque mois, l’électricité est coupée à 30 000 familles parce qu’elles ne peuvent pas payer leur facture. En Grèce et en Italie, les personnes âgées se voient refuser des médicaments essentiels à leur survie, comme ceux utilisés dans le traitement du cancer du sein. Le taux de suicide a dramatiquement augmenté en Grèce, au Portugal et en Italie ; en Espagne, les suicides sont devenus tellement fréquents à cause des expulsions de logement que le gouvernement a été forcé de les suspendre pour les gens les plus pauvres, car la rage explosait dans les rues.

Le conseiller à l’ONU Jean Ziegler fait remarquer, dans une entrevue avec Junge Welt des 17 et 18 novembre, intitulée « Pour les gens du sud, la troisième Guerre mondiale a déjà commencé », que s’il a fallu au fascisme allemand six ans pour tuer 56 millions de personnes, le néolibéralisme le fait en un peu plus d’un an. Il y décrit les effets de la politique agricole commune de l’UE : «  Ce que les commissaires de Bruxelles font est profondément malhonnête. Leur politique de dumping engendre la famine en Afrique – et si les réfugiés de la faim désirent fuir vers l’Europe, ils sont brutalement rejetés à la mer par la force militaire, et des milliers se noient chaque année. »

Henryk Broder a raison lorsqu’il écrit dans Die Welt que le 14 novembre marque le début de la fin pour l’Union européenne. La seule chose que les gouvernements puissent faire est de reconnaître que l’expérience de l’euro a failli, ce que, malheureusement, ils ont du mal à faire. Il reste donc à appliquer les véritables solutions qui existent : l’adoption immédiate d’un système bancaire à deux vitesses, comme le fit Franklin Roosevelt avec Glass-Steagall, la reprise en main par l’Etat allemand de sa souveraineté monétaire (un nouveau Deutschemark), une politique économique basée sur des taux de change fixes, un nouveau système de crédit pour reconstruire l’économie réelle, surtout dans les pays du sud de l’Europe et autour de la Méditerranée.

En France, le ressentiment s’accroît dans les cercles militaires contre la politique coloniale du gouvernement Hollande au profit de l’Empire anglo-américain ; il existe également une tendance croissante à revenir à la politique de retrait de l’OTAN de Charles de Gaulle. Même si cela semble impensable pour certains en Allemagne, il faut un débat public pour déterminer s’il convient ou non de continuer à appliquer les politiques suicidaires de l’OTAN et de l’UE.

Nous devrions nous souvenir de notre serment sacré de 1945 : plus jamais de guerre !


[1Une interprétation extensive de l’article 5 signifie que si un membre de l’OTAN subit une attaque militaire, tous les autres membres doivent se considérer comme également victimes et assister leur allié.

[2Andreas Schockenhoff est l’envoyé spécial de la chancelière Merkel pour les relations russo-germaniques non gouvernementales. Il est connu pour ses attaques contre le Président russe Poutine sur les questions de « société civile ». La résolution du Bundestag, adoptée le 9 novembre à l’initiative de Schockenhoff, exprime « une inquiétude montante » à propos des violations des libertés civiles depuis le retour de Poutine à la Présidence.