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Conférence de presse de début d’année à l’ESA : « L’espace, c’est l’avenir de la Terre »

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Benoit Chalifoux

C’est avec cette affirmation, exprimée par le directeur général de l’ESA Jean-Jacques Dordain lors d’une conférence de presse de début d’année au siège de l’institution hier, que l’on peut caractériser le dynamisme de l’agence, qui détonne face à la crise économique frappant toute l’Europe.

Cette année 2013 sera une année particulièrement dense avec le lancement de nombreux instruments scientifiques et satellites, le départ du quatrième véhicule automatique d’approvisionnement de la Station spatiale internationale (l’ATV Albert Einstein), l’envoi de l’astronaute italien Luca Parmitano pour un séjour de 6 mois à bord de la Station spatiale, une conférence internationale sur les débris spatiaux, un symposium sur l’observation de la Terre et le spectaculaire survol en rase-motte de l’une des deux lunes de Mars, Phobos, par la sonde Mars Express, à une distance de 58 kilomètres seulement !

Tout cela sans compter les 17 programmes qui sont en cours de développement, comme les missions ExoMars prévues pour 2016 et 2018, où le travail progresse à grands pas dans les industries concernées ; l’accord final avec le partenaire russe Roscosmos sur ExoMars doit être dévoilé dès qu’il sera entériné par le Conseil de l’ESA des 13 et 14 mars. Il ne faut pas oublier non plus les programmes qui seront dans leur phase opérationnelle tout au long de l’année ; on en compte 21.

Une telle densité d’activité peut sembler étonnante pour certains, étant donné la crise et surtout la dépendance financière de l’ESA à l’égard de ses Etats membres, à hauteur de 75 % de son budget de plus de 4 milliards d’euro. Or, comme l’a expliqué Dordain, c’est bien parce que les Etats membres ont compris le rôle fondamental que joue l’agence dans la compétitivité technologique de l’Europe qu’ils ont décidé de ne pas succomber à la tentation de l’austérité. Il a développé l’impact de l’un des 7 centres d’incubation d’entreprise mis sur pied en coopération avec des administrations régionales ou locales, citant en exemple celui de Bavière, en Allemagne, où le millième emploi sera créé sous peu, dans l’une des 120 start-up qui y sont nées.

C’était d’ailleurs un risque non négligeable que de placer le débat sur le terrain économique lors du dernier Conseil ministériel de l’ESA de novembre dernier, a-t-il précisé. Mais c’est bien parce que l’espace est un important facteur de progrès économique qu’il a pris cette décision. « L’espace n’est pas une dépense, mais un investissement. » Tel a été le mot d’ordre, qui a bel et bien été entendu, mais dans les limites d’une vision de l’espace qui reste étriquée dans les milieux politiques, comparativement à celle que nous avons connue à l’époque du programme Apollo.

Ceux qui ont suivi de près la campagne présidentielle de Jacques Cheminade se souviendront qu’il avait lui aussi insisté sur l’idée de l’espace comme investissement et non pas comme dépense, dans une campagne malheureusement dominée par une vision comptable virant souvent à l’obsession.

Une nouvelle approche concernant les résultats

Dordain a souligné que l’ESA adoptera une nouvelle approche pour mieux faire connaître son rôle de vecteur scientifique. L’agence insistera davantage sur la récolte des résultats scientifiques, et non plus seulement sur le lancement des instruments dans l’espace. Une fois lancés, ils avaient tendance à être perdus de vue par la population, car l’exploitation et l’interprétation des données récoltées est un processus long et fastidieux, qui attire en général l’attention des seuls experts scientifiques.

Ainsi, une conférence où seront présentés les travaux réalisés à partir des résultats de la mission SMOS (Soil Moisture and Ocean Salinity) aura lieu à Madrid le 22 février. Ce satellite lancé en 2009 a collecté une multitude de données sur l’humidité des sols et la salinité des océans, qui nous aideront à mieux comprendre le cycle global de l’eau. Cet apport sera appréciable dans le contexte des événements météorologiques extrêmes des dernières années : ouragans, sécheresse, pluies diluviennes.

Un autre événement intéressant la science fondamentale sera la publication de la première carte complète du rayonnement ou fond diffus cosmologique, qui nous en dira plus sur l’évolution de l’univers. Une conférence de presse est prévue le 21 mars au siège de l’ESA à Paris. Une autre publication spectaculaire aura lieu à l’occasion du dixième anniversaire de la sonde orbitale Mars Express : il s’agit de la carte minéralogique complète de Mars, qui comprendra en particulier la répartition des hydrates sur l’ensemble de la surface martienne, des substances minérales incorporant des molécules d’eau et renfermant en quelque sorte une partie de l’histoire de l’eau sur Mars. Cette carte servira également à sélectionner les lieux d’atterrissage pour les missions ExoMars de 2016 et 2018.

Du côté des lancements

Parmi eux, la mission Gaïa devrait nous intéresser plus particulièrement car cet instrument fournira, après avoir fait le relevé de plus d’un milliard d’étoiles au cours des 5 prochaines années, une carte 3D précise de notre galaxie, la Voie Lactée. Chacune de ces étoile sera observée quelque 70 fois en moyenne, depuis des positions différentes grâce à la rotation de la Terre autour du Soleil ; nous serons ainsi mieux en mesure de connaître leur position exacte et la direction de leur mouvement. Signalons que l’astromètre spatial précédent, Hipparcos, avait permis de compiler un catalogue de mesures précises pour 120 000 étoiles « seulement ». Gaïa pourra compter sur la plus grande caméra digitale jamais utilisée dans l’espace, avec son milliard de pixels sur une surface de 0,38 mètres carrés.

Les nouvelles données permettront, entre autres, de mieux connaître l’histoire de notre galaxie, de même que le parcours de notre système solaire en son sein (voir encadré). En attendant, les résultats de la mission Herschel lancée en 2009 seront annoncés fin 2013. Herschel avait elle-aussi pour tâche de cartographier la Voie Lactée, mais en se concentrant sur les étoiles nouvellement nées.

Gaïa pourra compter sur la plus grande caméra digitale jamais utilisée dans l’espace, avec son milliard de pixels sur une surface de 0,38 mètres carrés. (Photo ESA)

Autre lancement à signaler, celui des trois satellites SWARM en juin prochain, spécialisés dans l’étude du champ magnétique terrestre, incluant les signaux émanant depuis le cœur de la Terre jusqu’à sa magnétosphère, en passant par l’ionosphère. Ces instruments de haute précision survoleront notre planète en orbite polaire, c’est-à-dire qu’il survoleront régulièrement les deux pôles, lieux de passage obligées de toutes les lignes du champ magnétique de notre planète.

Ces satellites nous aideront non seulement à étudier le champ magnétique terrestre en tant que tel, mais aussi l’effet du Soleil sur la magnétosphère qui nous protège. Il est à espérer que ces données puissent être intégrées au centre IGMASS récemment mis en place pour la prévision des tremblements de Terre et autres processus associés au magnétisme terrestre.

Pluie de comètes

Bien au-delà des planètes extérieures, on pense que le Système solaire est enveloppé par un grand nuage de corps glacés, les comètes. Au cours des éons [de longues périodes se situant à l’échelle du temps géologique, ndlt], des étoiles de passage peuvent avoir perturbé quelques unes d’entre elles, les faisant tomber vers l’intérieur du Système solaire en de vastes pluies, saupoudrant le Terre et autres planètes d’impacts destructeurs.

Gaïa fera un inventaire complet de toutes les étoiles situées à moins de 150 années-lumières de notre Soleil, mesurant précisément leur mouvement. En rembobinant ces mouvements dans le temps, nous découvrirons les étoiles qui sont passées près de notre Système solaire et qui auraient pu causer de telles pluies de comètes. De la même manière, les données de Gaïa permettront aux astronomes de prédire les rencontres à venir. [1]

Extrait de « Gaïa : ESA’s galactic census », BR-296, publié par l’ESA, juin 2012.


[1Ndlt : Ajoutons que Gaïa pourra mesurer également la position et la vitesse de plus de 200 000 astéroïdes, afin de déterminer leur orbite avec une plus grande précision : une contribution notable aux efforts visant à mieux protéger notre planète contre d’éventuelles collisions avec des astéroïdes.