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Transition énergétique : Pour une vraie révolution industrielle

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Certains seront tentés de tomber dans le piège d’une transition énergétique vers des énergies du passé, alors qu’il faut au contraire une transition vers des énergies plus denses, capables d’engendrer une vraie révolution industrielle au service de la justice sociale et d’une population mondiale en expansion. Notre dossier :

I. Et si l’enfer était vert ?

Déçus par la bataille de François Hollande contre le « monde de la finance » ? Rassurez-vous, ses amis les Verts lui mettent la pression sur le dossier « écologie » ! Son gouvernement a organisé un grand débat de janvier à juillet 2013 sur la transition énergétique, et en automne sera voté le projet de loi qui engagera notre économie vers l’avenir, le long terme : la « sobriété » énergétique et les énergies renouvelables. Belle utopie… ou cauchemar ?

Si pour beaucoup, ces huit mois de débat n’ont pas créé de consensus satisfaisant, la synthèse publiée le 18 juillet fixe clairement le principe de cette « transition énergétique » : diminuer drastiquement notre consommation énergétique d’ici à 2050 (on parle de 50 % !) et augmenter considérablement la part des renouvelables (solaire, éolien, biomasse, géothermie, hydraulique, etc.). Eh oui, ce serait nécessaire pour ralentir le réchauffement climatique (nous ne traiterons pas ici de la polémique sur son origine) ! Mais pas de soucis, cela se fera sans douleur, grâce aux innovations technologiques de la nouvelle économie verte. L’objectif serait d’isoler tout le parc immobilier d’ici à 2050, de généraliser l’utilisation des compteurs électriques intelligents, d’avoir des voitures qui ne consomment pas plus de 2 l. aux 100 km, de développer les systèmes de stockage de l’énergie… La logique ? Grappiller toute énergie à notre portée. Voilà la croissance, les emplois, les investissements de demain ! Dans cette société conviviale, chacun pourra être fier de « maîtriser sa consommation » et de produire localement son énergie, même les pauvres, puisque l’Etat subventionnera l’accès aux technologies leur permettant d’être plus économes. Ainsi : « Demain, en vivant mieux, nous préserverons les ressources de la planète pour les générations futures. »

Bien-sûr, l’on ne peut pas être contre les économies d’énergie en tant que telles, ni les renouvelables pour certains cas spécifiques. Mais prétendre que ce soit la seule réponse à apporter à l’épuisement des ressources et aux problèmes environnementaux, c’est signer l’arrêt de mort de notre pays en tant que nation développée.

Pourquoi ? Réduire la consommation des ressources ne fait que ralentir leur épuisement. C’est donc juste repousser à plus tard le jour où il n’y en aura plus. Mais, me dira-t-on, c’est pour cela que l’avenir est dans les renouvelables : le vent, le solaire, la biomasse, etc., ce sont des énergies qui se reconstituent ! Certes. Mais quel est le coût, l’effort nécessaire en terme de main d’œuvre, de matières premières, d’espace occupé pour capter ces énergies tellement moins denses que les énergies fossiles ? D’ailleurs, la production de panneaux solaires, d’éoliennes, le forage des puits de géothermie, tout cela ne consomme-t-il pas des ressources ?

La seule véritable solution face à l’épuisement de telle ou telle ressource, ce sont ces bonds dans la pensée que l’homme fait et qui lui permettent d’utiliser une nouvelle ressource, jusqu’alors insoupçonnée, et de produire plus avec moins (ce que permettent les énergies plus denses, cf. schéma). Sans une telle évolution, comment assurer un développement durable à une population croissante ?

Ces conceptions, aussi basiques soient-elles, sont totalement absentes du débat sur la transition énergétique. C’est bien pour cela que contrairement aux renouvelables, le nucléaire n’a été considéré que du point de vue des dangers liés aux technologies existantes. La fusion n’a même pas été mentionnée comme perspective d’avenir, encore moins les pistes existantes pour construire des réacteurs à sécurité intrinsèque, utiliser d’autres ressources que l’uranium et retraiter les déchets radioactifs (cf. II. L’ABC de l’énergie). Et il est clair que François Hollande n’investira pas dans le nucléaire du futur, lui qui s’est engagé à réduire la part du nucléaire à 50 % du mix énergétique !

Mais, en fin de compte, le vrai problème de l’atome ne serait-il pas l’abondance et la prospérité qu’il promet à l’humanité ? A l’heure où l’austérité et le pillage financier détruisent massivement le niveau de vie des populations, il est bien plus commode pour nos dirigeants de nous prôner la « sobriété » comme une nécessité imposée par la nature, plutôt que de défier les malthusiens de la City et Wall Street !

C’est quoi, le malthusianisme ?

Vous pensez que nous sommes trop nombreux sur Terre et que nos maux viennent de là ? Alors, regardez en face le fantôme qui vous hante. Cette idée est née de l’économiste britannique Thomas Malthus (1766-1834). Niant la faculté de créer de l’homme, il stipule qu’il naît plus d’enfants que les ressources du milieu ne permettent d’en nourrir et que, de ce fait, les moins aptes doivent être éliminés en laissant faire la famine, les guerres ou autres catastrophes « naturelles ». Voilà l’une des recettes qu’il propose dans son Essai sur la population : « Plutôt que de recommander la propreté aux pauvres, (...) nous devrions construire les rues plus étroites, loger plus de gens dans les maisons, et aider au retour de la peste ... ».

Cette logique, appliquée aux relations internationales, c’est l’impérialisme de type anglo-hollandais qui vise à empêcher le développement démographique des « pauvres » dans les pays du Sud pour pouvoir mieux les piller. Mais comme les génocides et l’eugénisme passent plutôt mal depuis la chute du nazisme (Hitler parlait de l’ « espace vital » des Aryens), le fantôme de Malthus a dû repeindre la vitrine en vert et en lutte contre le réchauffement climatique ! « Si j’étais réincarné, j’aimerais l’être sous la forme d’un virus mortel afin de contribuer à résoudre le problème de la surpopulation » : ce sont les paroles prononcées en août 1998, selon la Presse Agentur (DPA) , par le prince Philip d’Edimbourg, fondateur du WWF (le Fonds mondial pour la nature) avec le prince Bernhard des Pays-Bas.

Pour donner un vernis de science à tout cela, le Club de Rome publie en 1972 Halte à la croissance ?, un rapport qui deviendra une référence dans les milieux universitaires et dirigeants, et qui préconise de limiter la population humaine à 3 milliards au maximum. En avril dernier, dans Sette Green , le mensuel vert du Corriere della Sera , l’un des co-auteurs (Joergen Randers) relance sa guerre contre la surpopulation et déclare sa confiance en l’ « élitocratie » de la Commission européenne pour établir le type de « dictatures temporaires » nécessaires à empêcher le réchauffement climatique.

par Johanna Clerc


II. L’ABC de l’énergie

1er mensonge : on peut réduire, sans douleur, la consommation énergétique

Le Conseil national du débat sur la transition énergétique prétend que l’on peut à la fois réduire massivement la consommation énergétique et assurer aux 2 milliards de laissés pour compte l’accès à un monde « plus juste ».

Faux ! Dans l’histoire de l’humanité, le lien entre hausse du niveau de vie – et donc justice sociale – croissance démographique et augmentation de la consommation d’énergie est direct. Autrefois, on ne parlait pas d’énergie mais de « force » ; le savant Leibniz parlait même de « force vive » . C’était la force de soulever un poids, de faire marcher une machine, de transporter des objets.

Limitée à sa seule force physique, l’espèce humaine n’aurait pu dépasser quelques centaines de milliers d’individus. En mettant à son service, grâce à son intelligence et au progrès technique, les forces de la nature (vent, eau, hydrocarbures et atomes), elle a pu décupler sa capacité de travail et créer les ressources pour accueillir plus de monde. C’est simple : au Moyen Age, une meule broyait 150 kg de grains par heure – le travail de 40 hommes –, et la machine à vapeur de Papin a remplacé cent rameurs dans un bateau.

La main d’œuvre ainsi libérée peut se consacrer à d’autres activités non productives mais garantes du progrès humain (éducation, recherche, santé, art…). La consommation croissante d’énergie par personne et par an (de 0,4 tep, ou tonne équivalent pétrole, dans l’antiquité, 2 tep en Europe au XIXe siècle, à 4 tep pour un Français en 2011) est le reflet de ce processus.

C’est pourquoi, sans ces 4 tep, la France ne pourrait plus offrir à ses citoyens une éducation, un système de santé performant, une retraite méritée, même en éliminant force smartphones, ordis, consoles, etc. Et pour réaliser le type de progrès qui permettra par exemple aux paysans africains d’être assez productifs pour libérer leurs enfants du travail des champs, il faudra hisser à notre niveau la consommation d’énergie des pays les plus pauvres, aujourd’hui aux alentours de 0,3-0,5 tep par personne et par an. En tout cas, revenir en arrière équivaudrait à éliminer de pans entiers de population.

2e mensonge : toutes les énergies se valent

Le Conseil national du débat prétend que la transition vers les énergies renouvelables serait l’équivalent actuel des deux premières révolutions industrielles.

Ceci présuppose que toutes les énergies se valent et que pour porter l’humanité, il suffit qu’elles bénéficient au départ d’importants apports de l’Etat et des recherches de savants pour améliorer leur productivité. C’est comme le nucléaire, répète-t-on : l’État l’a subventionné et petit à petit, il est devenu rentable !

C’est ignorer ce que l’on appelle la densité, ou le contenu énergétiques. C’est-à-dire que la quantité d’énergie libérée par kg de matière première n’est pas la même. Ainsi, comme l’illustre le graphique ci-dessous, pour 1,86 grammes d’uranium, on obtient la même quantité d’énergie qu’avec 1,6 millions d’éoliennes !

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Crédit : Fabien Ramel - S&P

De plus, chaque source d’énergie ne permet pas d’accomplir le même travail. On ne fait pas voler un avion avec du bois sec, ni décoller une fusée avec du gaz ou du pétrole ! Comme le disait Leibniz, toute énergie a sa propre violence (sa densité de flux énergétique).

Or, pour être rentable, non du point de vue financier mais économique, toute énergie doit produire, grâce à son travail, plus de richesses qu’elle n’en consomme pour être produite.

Est-ce le cas des renouvelables ? L’exemple de l’énergie solaire est caricatural. Peu importent les technologies utilisées, les panneaux solaires ne pourront jamais recueillir plus que l’ensoleillement au sol, dont la densité ne dépasse pas, en Europe, 200 à 350 watts par m2 (deux ampoules de 100 W, et uniquement dans la journée).

Le solaire a déjà été testé. En 1983, EDF mit en service Thémis, une centrale solaire géante de 10 800 m2 de panneaux solaires installés sur 7 ha de terrain. Elle a été fermée en 1986, car son énergie coûtait 20 fois plus cher que celle des centrales nucléaires.

Pourtant, l’État oblige EDF à acheter le MWh de solaire à 600 euros, contre 40 pour le nucléaire, ponctionnant toute la collectivité nationale au nom de cette mode verte.

3e mensonge : les ressources sont finies

Si chaque ressource naturelle est finie, le pouvoir de la créativité humaine à en découvrir de nouvelles n’est-il pas infini ? Le passage d’énergies moins denses vers de plus denses représente un saut qualitatif permettant de produire beaucoup plus, à moindre coût, et de libérer une partie de la population pour la recherche.

Le défi auquel nous sommes confrontés est la maîtrise de l’atome. Au XIXe siècle, l’homme découvrit qu’en brisant les puissantes forces reliant les éléments du noyau atomique, protons et neutrons, il pouvait libérer une énergie si abondante et puissante qu’elle pouvait garantir la survie de l’humanité. La fission de l’atome génère 100 000 fois plus d’énergie que les hydrocarbures, la fusion de l’atome, encore plus !

La maîtrise du noyau atomique sera aussi, à travers la séparation isotopique, la fabrique des matières premières du futur. Lorsque des éléments ont le même nombre de protons mais pas de neutrons, on les appelle isotopes d’un même élément. Ils ont des caractéristiques physiques différentes, par exemple le carbone 14 qui est radioactif, alors que les 12 et 13 ne le sont pas.

La transmutation – transformation d’un isotope en un autre – est un phénomène naturel, mais provoqué délibérément, il a des applications révolutionnaires. D’abord la transformation des déchets en éléments beaucoup moins radioactifs. Irradiés au sein du réacteur de recherche Myrrha que construit la Belgique, les actinides (terres rares), plutonium, neptunium, américium et curium laisseront place à de nouveaux produits radioactifs mais de vie plus courte (3 à 7 ans). La transmutation créera aussi de nouveaux matériaux, tel le xénon, gaz très demandé obtenu en bombardant l’iode 129 avec des neutrons.

Les réacteurs de IVe génération, réacteurs à neutrons rapides (RNR) ou à sels fondus associés au thorium, en plus d’être bien plus sécurisés, multiplieront la ressource (plutonium et thorium) et permettront d’incinérer des déchets hautement radioactifs. Ils offrent également de multiples possibilités d’utilisation industrielle : cogénération d’électricité et de chaleur, d’électricité et d’hydrogène, production de carburants de synthèse, etc.

par Christine Bierre


III. L’espace : la vraie révolution industrielle

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Grâce aux images satellitaires, l’agriculteur de demain pourra augmenter ses rendements et baisser ses coûts, tout en devenant un allié de la nature. Ici un projet européen mené par Thalès Alenia Espace au Botswana.

Nous présentons ici la preuve éclatante du potentiel que représentent les investissements dans le spatial pour augmenter la production sur Terre, tout en réalisant de réelles économies et une hausse du niveau de vie. L’espace, l’un des domaines de la 3e révolution industrielle que nous défendons, illustre le mieux ce principe universel selon lequel les investissements à la pointe de la science, dans la haute densité énergétique, sont le véritable moteur d’une économie productive.

Au moment où des milliards sont engloutis dans des recherches sur les renouvelables dignes de la Laputa de Gulliver, tels le stockage et la création des réseaux et de compteurs « intelligents » pour une énergie finalement très « bête », car elle ne pourra jamais subvenir aux besoins de notre espèce, les dépenses spatiales en Europe ne dépassent pas 10 euros par an et par habitant.

Pourtant, les retombées du spatial dans trois domaines essentiels permettent d’entrevoir l’impact potentiel de ces technologies sur notre vie quotidienne.

L’agriculture de précision

Dans un discours prononcé en 1974, Krafft Ehricke, l’une des chevilles ouvrières, avec Werner Von Braun, du programme spatial américain, évoquait les conditions d’une nouvelle révolution verte, grâce au domaine spatial.

« Il y a actuellement, globalement, 1,8 milliards d’hectares de terres arables en culture. Une extension des terres arables, même de 10 à 20 %, coûtera des milliards de dollars et aura un impact conséquent sur la biosphère (…).

Ceci exige de vastes dépenses d’énergie surtout pour la production de fertilisants, mais aussi pour l’irrigation, la machinerie agricole, la distribution, les pesticides et biocides. Une réduction dans l’usage des deux derniers éléments permet d’économiser de l’énergie, de soulager le fardeau écologique et d’améliorer la qualité de l’eau avec un impact bénéfique sur les coûts d‘irrigation. (…)

L’observation de la Terre par satellite permettra d’optimiser cet ensemble complexe d’objectifs d’une manière non seulement efficace en terme de coûts, mais en économisant en même temps des millions de litres d’essence qui seraient autrement utilisés pour la surveillance aérienne traditionnelle. »

L’agriculture de précision était née. Dans les années 80, des chercheurs du Minnesota publièrent une cartographie de haute précision des terres agricoles, destinée à organiser, grâce aux technologies spatiales, une répartition fine des engrais et des pesticides. Dès les années 1990, les technologies « à taux variable » ont permis, en mesurant en temps réel les rendements au mètre carré, de réaliser d’importantes économies de carburant en variant le débit de pesticides, d’eau et d’engrais selon l’état des sols et des cultures, et le moment de la journée ou de la saison.

La santé

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Le camion Diabsat du CNES permet la détection et la prévention du diabète dans les zones rurales.

Le secteur Santé et Satellites du Centre national d’études spatiales jouera un rôle majeur dans la lutte contre les maladies du vieillissement, dans un Occident où la proportion de personnes âgées ne cesse d’augmenter. Depuis 2010, des camions dotés d’équipements capables de détecter les troubles du diabète pouvant conduire à la cécité ou à la mort opèrent déjà dans le pays.

La mise en place de réseaux terrestres ou satellitaires (GPS et Galileo) et le développement des nanotechnologies, biocapteurs et bio-senseurs, ouvrent de nouvelles perspectives : consultation médicale depuis des sites isolés (régions rurales, bateaux, avions et expéditions civiles ou militaires), prévention, suivi de santé à domicile. Une équipe de télé-échographie existe déjà en France.

A l’échelle mondiale, ces technologies sont déjà appliquées aux maladies transmises par des moustiques ou des oiseaux : toux et fièvres hémorragiques, paludisme, méningites et choléra. Les satellites suivent de près les pluies, les taux d’humidité, la température, autant de facteurs favorisant l’apparition de moustiques. Rappelons que chaque année, la malaria frappe 250 millions de personnes, dont 1 million en meurent.

Des chercheurs de Barcelone ont élaboré des cartes associant données recueillies au sol, aux données de satellites d’observation de la Terre (végétation, pluviométrie, hygrométrie) afin de prévoir de possibles épidémies. Elaborées tous les trois jours et remises aux organismes de santé publique, ces cartes permettent, à Dakar ou ailleurs en Afrique subéquatoriale, de déterminer les endroits à risque.

22 réseaux sont déjà implantés en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie. En France, 47 PME employant près de 1250 personnes œuvrent dans ce secteur prometteur, avec un chiffre d’affaires d’un milliard par an.

Énergie

Les retombées les plus importantes se situeront dans le domaine de l’énergie. Pas d’exploration de notre système planétaire sans mise au point d’un moteur à fusion nucléaire.

L’aller-retour Terre/Mars permet de mieux mesurer les possibilités offertes par une énergie plus dense : avec les moyens chimiques actuels, la durée serait de 550 à 900 jours, de 180 jours avec des moteurs à fission, et de 10 à 15 jours avec un moteur à fusion thermonucléaire. Sur terre, la maîtrise de la fusion ouvrira la porte à une économie dont la productivité dépassera de loin celle fondée sur les hydrocarbures et la fission.

par Benoit Chalifoux