News / Brèves
Back to previous selection / Retour à la sélection précédente

2014 : déjouer le piège de Thucydide

Printable version / Version imprimable

Un siècle après le début de la première guerre mondiale en 1914, de nombreux historiens s’interrogent sur l’éventualité d’un nouveau conflit mondial.

Pour Graham Allison, directeur du Centre Belfer pour la science et les affaires internationales, à la Kennedy School of Government de l’Université de Harvard, le danger est plus que réel. Allison commence par rappeler ce que les stratèges appellent le « piège de Thucydide », du nom de l’historien de la Grèce antique et auteur du récit sur la Guerre du Péloponnèse :

« Lorsqu’une puissance en croissance rapide représente un défi pour une puissance dominante, des troubles s’ensuivent. Dans 11 des 15 cas répertoriés au cours des 500 dernières années, le résultat a été la guerre. »

Thucydide avait, comme l’explique Allison dans un article publié dans The National Interest du 31 décembre dernier, «  identifié les tensions structurelles comme étant la première cause de la guerre entre Athène et Sparte dans la Grèce antique. Dans une de ses remarques souvent citées, ’’c’était la montée d’Athène et la peur qu’en éprouva Sparte qui a rendu la guerre inévitable’’. »

Selon Allison, les Spartes et Athène de 2014 sont les Etats-Unis et la Chine.

« Aujourd’hui, une Chine montante s’attend naturellement à plus de respect et demandera à pouvoir s’exprimer plus librement sur la résolution des différents entre les nations. Pour les Etats-Unis, habitués à [leur] position dans l’ordre de préférence, les appels à la révision du status quo soulève des inquiétudes. »

Allison ne croit pas que le conflit viendra directement d’une confrontation entre les forces des deux pays, comme l’incident entre le USS Cowpens et un vaisseau chinois en décembre dernier : « Thucydide aussi bien que 1914 nous rappellent le rôle d’un second groupe de facteurs qui, dans ces conditions, peuvent servir d’élément déclencheur de la guerre, emmêlant les relations entre les alliés. »

En 2014, le Japon a plus de chance de devenir le déclencheur d’une guerre entre les Etats-Unis et la Chine que toute autre confrontation directe, selon Allison. Il cite la dispute territoriale à propos des îles Senkaku/Daioyu, ainsi que les « décennies perdues » pour le Japon en raison de la stagnation économique et le déclin. La Chine a entre-temps pris sa place comme numéro deux à l’échelle mondiale.

Le Premier ministre japonais Shinzo Abe est non seulement déterminé à renverser le déclin économique de son pays, écrit Allison, mais a également de « grandes ambitions » pour reconstruire ses capacités militaires, révisant dans le même temps les restrictions imposées par voie de traité par les Etats-Unis à la fin de la deuxième Guerre mondiale. Abe entend démontrer que le « Japon peut se tenir debout et défendre son territoire  ».

Allison décrit ensuite ce qu’il entrevoit comme le scénario le plus probable pour 2014. Tout commence par une initiative chinoise comme la déclaration, en novembre dernier, d’une zone d’identification de défense aérienne au dessus de la mer de Chine orientale, déclenchant une réponse de la part du Japon.

« Des prises de risque de plus en plus grandes au niveau des représailles pourraient s’ensuivre, produisant un petit conflit naval et aérien entre le Japon et la Chine, au cours duquel des douzaines de navires et d’avions seraient détruits  », écrit Allison. Les Etats-Unis seraient appelés à la rescousse, espérant que la combinaison des deux convaincraient la Chine de céder, sauf qu’il n’est pas clair selon lui si cette dernière se comporterait de la manière prévue.

Allisson « parie » qu’une grande guerre n’aura pas lieu en 2014, mais ajoute cependant une note de prudence. Même si la guerre est « inconcevable » pour beaucoup, il ajoute que «  le fait que les présidents Obama et Xi comprennent que la guerre serait une folie tant pour la Chine que pour les Etats-Unis est significatif mais ne permet pas de disposer de la question ».

Le chantage d’Attali

Comme d’habitude, Jacques Attali, interrogé par Europe 1 le 28 décembre, se veut menaçant pour faire accepter les recettes politiques qu’il préconise.

S’il estime qu’une nouvelle crise bancaire frappera bientôt, elle ne sera résolue que par une crise d’hyperinflation mondiale, ou

« par une guerre qui viendra remplacer l’inflation comme moteur de croissance. Ça, on a toujours connu. (...) Une guerre, cela peut être une tension militaire très forte entre la Chine et le Japon qui entrainerait les États-Unis, par le jeu des alliances, comme en 1914. Cela pourrait être autre chose, mais celle-là est l’hypothèse la plus vraisemblable (...) Il faut chercher tous ce qui peut, par un jeu des alliances, entraîner les grandes puissances à se mêler. Et ça, c’est possible. Je pense qu’il y aura une forte tension quelque part pour créer les conditions pour l’émergence d’une sorte d’économie de guerre qui viendrait permettre d’avaler la dette publique mondiale. Parce que la dette publique, elle s’avale soit par la croissance soit par la transformation de la dette en un impôt. Et aujourd’hui, l’on est plutôt dans le deuxième scénario. »

Déjouer le piège

Rappelons que l’actuel chef d’état-major des armées américaines, le général Martin Dempsey, a lui aussi développé au cours des derniers mois ce concept de « piège de Thucydide  », non pas comme une fatalité mais pour ramener le président Obama à la prudence à chaque fois qu’il s’apprêtait à lancer une nouvelle attaque militaire. Si Thucydide a écrit cette histoire, c’est précisément pour nous permettre aujourd’hui d’échapper à ce piège.

Avec un personnalité instable comme Barack Obama à la présidence de la plus grande puissance militaire du monde, et plusieurs membres de l’élite transatlantique estimant qu’une guerre pourrait être gérable une fois déclenchée (comme ceux qui prônaient l’été dernier quelques «  frappes sommaires » contre la Syrie), nombreux sont les historiens et stratèges patriotes qui pensent, comme l’économiste américain Lyndon LaRouche, qu’Obama devrait être rapidement destitué.