Lyndon H. LaRouche
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Salaires et démographie chap.8

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Le livre référence sur la méthode LaRouche-Riemann en économie physique

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Henry C. Carey

Le troisième volume des Principes d’économie politique de Henry C. Carey (1840) traite des relations existant entre l’accroissement de la population et la production de richesses. Dans le quatrième chapitre de notre livre, nous avons sommairement décrit les principales sous-catégories des ménages et de leurs composants, indispensables à la comptabilité du revenu national. Nous ne souhaitons pas reprendre ici le travail de Carey ; nous nous limiterons à définir les principes qui déterminent la relation fonctionnelle, nécessaire, liant l’accroissement de la population à celui des salaires et autres revenus nets dans des conditions de progrès technologique.

Dans ce même chapitre, nous avons réparti les membres des ménages entre les catégories et les sous-catégories rappelées dans l’encadré ci-dessous.

Nous avons divisé les ménages selon l’emploi principal de leurs membres actifs, en notant que cette distinction fait apparaître des ambiguïtés. Toutefois, c’est le changement dans la composition de l’emploi de la population active qui est de première importance, et il suffirait donc d’une méthode cohérente de recensement appliquée au petit nombre de cas ambigus pour venir à bout des problèmes posés par cette distinction.

Toujours dans le chapitre 4, nous avons réparti les opérateurs au sein de la population active en remontant le flux de la production des biens physiques vers l’amont (Figure 1). Nous avons fermé le cycle de maintenance des ressources naturelles en incluant l’infrastructure économique de base dans le panier des biens d’équipement nécessaires, auquel elle appartient.

La Figure 2 indique comment nous avons classé les catégories d’emploi de la population active relevant des frais généraux.

En n’utilisant que ces trois sortes de distinctions, et en appliquant les notions de notre fonction mathématique générale, nous devons expliquer les effets qui doivent se produire, par principe, dans des conditions de progrès technologique ou suite à des erreurs politiques considérées comme telles par rapport à ces conditions.

Nous commençons en examinant les rapports des trois principales classes d’âge l’une par rapport à l’autre, en tenant compte des modifications dans la définition des limites qui les séparent.

Tant que la société progresse technologiquement, l’âge de fin d’études tend à s’accroître jusqu’à une certaine limite. Aujourd’hui, l’obtention par la population active d’un niveau technologiquement suffisant exige qu’elle poursuive un enseignement général jusqu’à un âge compris entre 16 et 18 ans (sans prendre en compte la dégradation accélérée de la qualité de l’enseignement et des professeurs depuis une vingtaine d’années, plus particulièrement depuis 1967). Un enseignement supplémentaire dans une école de commerce exige au moins trois à quatre années de plus. Une licence universitaire amène à un âge de fin d’études compris entre 21 et 23 ans. La formation au-delà de ce niveau, comme dans le cas des études médicales supérieures ou de l’agrégation, exige environ quatre années d’études supplémentaires après la licence. L’obtention du diplôme d’une grande école suppose, lui, au minimum deux ans de préparation entre le baccalauréat et le concours d’entrée et trois ans au sein de l’établissement. [Nous avons ici adopté, pour simplifier la lecture, les références du système français d’enseignement, NdT]

Pour des raisons que nous avons déjà mentionnées, on pourrait considérablement réduire le temps passé dans les institutions d’enseignement, tout en préservant un même niveau de qualité en fin d’études. Si nous nous débarrassons des politiques de John Dewey et des fanatiques de la déscolarisation qui ont suivi ses pas, et si nous revenions aux principes d’éducation classique de Humboldt, les bacheliers parviendraient à un niveau supérieur à celui des titulaires de diplômes universitaires actuels. On pourrait inclure l’enseignement du grec classique et d’une langue étrangère dès le CE1 et renforcer en même temps la géométrie synthétique au détriment de l’algèbre, tout ceci permettant d’aboutir, à l’issue de l’enseignement secondaire, à une bonne maîtrise des éléments de la physique mathématique du domaine complexe. Actuellement, la plupart des années scolaires sont gaspillées à cause de mauvais programmes, de manuels scolaires encore pires et de plan de cours désastreux imaginés par des enseignants toujours plus incompétents. A l’aide de ces indispensables réformes de l’enseignement secondaire, le bachelier aurait couvert au moins deux ou trois années de l’enseignement universitaire actuel, et aurait développé une capacité d’apprendre bien supérieur à celle des étudiants qui sont aujourd’hui en licence. Ceci fait que la durée totale des études exigées pour obtenir un doctorat pourrait être réduite d’environ quatre années : réduction à deux années pour l’obtention d’une licence et à un maximum de deux ou trois années supplémentaires ou un doctorat.

Il est erroné de penser que l’accumulation des connaissances au cours de générations successives nécessite que l’on ingurgite chaque partie de cette accumulation, une par une, élément par élément. En progressant sur les fondements, on simplifie la compréhension de pans entiers de la connaissance ; le progrès des connaissances tend ainsi à réduire le temps d’enseignement exigé pour maîtriser les principales matières, au moins jusqu’à un certain niveau. L’élaboration des programmes doit s’appuyer sur ce principe.

En résumé, l’âge auquel on termine ses études ne doit pas s’accroître indéfiniment (dans une société qui fonctionne bien) ; il tend « asymptotiquement » vers un âge maximum, et doit se situer, à quelques rares exceptions près, au niveau moyen actuel, compris entre 16 et 25 ans. Cependant, dans cet intervalle, le niveau de spécialisation de l’enseignement post-secondaire varie principalement en fonction des qualifications d’embauche. Ainsi, en supposant que les réformes nécessaires de l’éducation soient instituées, cet intervalle ne sera pas modifié ; cependant, les progrès technologiques ultérieurs, en élevant les exigences du monde du travail, feront que l’âge moyen de fin d’études de la jeunesse tout entière se rapproche de l’ancien niveau de 25 ans.

Cette question étant plus ou moins réglée, tournons maintenant notre attention vers l’évolution de la pyramide des âges de la population humaine depuis la culture primitive de la chasse et de la cueillette.

Le principal facteur dont il faut tenir compte, en considérant cet aspect démographique du progrès technologique, c’est que les adultes en activité doivent subvenir aux besoins des plus jeunes jusqu’à la fin de leurs études (ou jusqu’à un âge équivalent pour les formes primitives de société). Etant donné les faibles niveaux de productivité et d’espérance de vie des sociétés primitives, le travail des enfants doit être la règle. Dans les sociétés développées, non seulement l’accroissement des pouvoirs productifs du travail exige un âge de fin d’études plus élevé (ou équivalent), mais cette prolongation de la scolarité n’est pas possible sans un accroissement des pouvoirs productifs du travail.

Prenons un niveau de fécondité moyen des ménages, ainsi que la part individuelle du panier des biens de ce ménage nécessaire à chacun de ses membres en âge scolaire, et comparons entre eux les montants du panier nécessaires chaque année pour subvenir aux besoins du bébé, de l’enfant et des jeunes de ce ménage. Comparons-les maintenant à la contribution apportée par chaque membre de la force de travail active au panier moyen des biens nécessaires. Reformulons ceci en termes du nombre d’ouvriers actifs par ménage.

Reformulons ceci en termes du coût total de l’investissement représenté par la formation d’un nouvel arrivant au sein de la composante ouvrière de la population active, et de façon identique, plus généralement, pour tous les arrivants dans la population active. Nous devons tenir compte des coûts représentés par tous les nouveaux arrivants au sein de la population adulte. Rattachons ce coût, d’abord aux nouveaux arrivants entrant dans la population active adulte considérée dans son ensemble, et rattachons ensuite ce même coût total aux seuls nouveaux arrivants qui s’incorporent à la composante ouvrière. Quel bénéfice tire la société de son investissement dans l’éducation et l’entretien de la composante ouvrière des nouveaux arrivants dans la population active ? Nous devons procéder de cette manière, puisque seule la composante ouvrière de la force de travail produit des biens physiques.

Ensuite, après avoir déduit la consommation par les frais généraux des biens physiques produits, ainsi que la consommation par la production elle-même de ces biens, ce qui correspond à l’énergie du système, examinons ce qui reste chaque année, par opérateur et par rapport au nombre moyen d’opérateurs actifs par ménage. Ensuite, de cela, déduisons le panier de biens annuel alloué aux membres adultes du ménage. Combien d’années l’opérateur doit-il travailler pour « rembourser » l’investissement que représente chaque année la production de l’ensemble des nouveaux arrivants dans la population adulte ?

Ainsi, dans le cas hypothétique où l’on considère comme fixe la productivité des opérateurs, le potentiel de « remboursement » est déterminé par le nombre d’années pendant lesquelles l’opérateur travaillera efficacement. (Même en bonne santé, le maximum tolérable de pulsations cardiaques au cours de l’effort physique définit un âge limite au-delà duquel la longévité ne « rembourse » plus dans le cas d’emplois physiquement épuisants.) Il devrait être ainsi clair pourquoi il est nécessaire, pour maintenir l’économie américaine à un niveau de vie considéré comme décent aujourd’hui, d’avoir une espérance de vie supérieure à 70 ou 75 ans, au sein d’une population active dont une moitié se trouve engagée dans des activités productives.

Si nous fixons l’âge de la retraite des actifs à 65 ans, les tranches d’âge de la population retraitée seront 66-69 ans, 70-74 ans, 75-79 ans, et au-delà, chacune d’entre elles exigeant des prestations accrues en vue d’assurer leur bien-être physique. Ainsi, le coût de l’allongement de la longévité comprend à la fois les moyens de subsistance de ces tranches d’âge retraitées dans la population, et ceux des tranches d’âge n’ayant pas quitté l’école. Nous devons en tenir compte pour recalculer l’investissement total nécessaire à l’existence d’un opérateur actif de la force de travail.

La longévité, la santé et autres conditions nécessaires à l’existence de cette population impliquent, entre autres, des frais médicaux, qui doivent être évalués à l’aune du coût de la production des biens physiques nécessaires pour fournir un panier de biens complet, et les dépenses de frais généraux implicitement requis par les exigences que nous avons indiquées. Ceci définit approximativement le terme « revenu salarial nécessaire ou équivalent ».

La réduction des salaires ou des paiements équivalents en dessous du niveau nécessaire implique, selon notre construction, des effets bien précis sur la population. Lorsqu’on réduit les salaires en dessous du niveau nécessaire ( une tendance profonde de l’économie américaine depuis les décisions prises le 15 août 1971 [1] ), on est conduit à des coupes claires dans la qualité de vie des tranches d’âge scolarisées et retraitées, ainsi qu’à des restrictions en quantité et en qualité des services médicaux fournis à chaque personne.

L’une de ces coupes consiste à réduire la fécondité des ménages. C’est évidemment un moyen de réduire les revenus réels du ménage moyen sans que cela corresponde à une diminution de chaque portion individuelle du panier des biens revenant aux membres des ménages. Augmentez le pourcentage de personnes retraitées qui se trouvent séparées des foyers des ménages en activité, réduisez le niveau de vie moyen des retraités ainsi isolés en dessous de celui des ménage en activité ; en somme, diminuez les coûts de deux manières : en réduisant les allocations en tranche d’âge retraitées et en accélérant le taux de mortalité dans ces tranches d’âge. Accroissez également le taux de mortalité des tranches d’âge en dessous de 65 ans, en assujettissant les services médicaux à des critères de « rentabilité financière » : ainsi, pour mesurer ce que l’on peut investir pour soigner un patient, on considérera les impôts et les annuités de police d’assurance qui lui restent à payer avant sa retraite.

Dans ce processus de décomposition, ce qui commence par une réduction du taux de natalité mène à l’euthanasie contre les retraités, puis contre les personnes gravement malades dans la tranche d’âge des 50-65 ans.

Simultanément, un autre processus tend à accélérer la chute de la natalité et à intensifier la pratique de l’euthanasie, directe ou indirecte. La réduction de la natalité aboutit, en une génération, à une réduction du nombre des arrivants sur le marché du travail. Même si la natalité cesse de chuter, la réaction en chaîne entraînera, 20 ou 25 ans plus tard, un nombre d’arrivants sur le marché du travail encore inférieur. Si la natalité continue à chuter, le résultat sera évidemment bien pire. Ceci décrit les tendances en cours dans la population américaine et dans sa force de travail (ne serait-ce qu’en première approximation) depuis la récession de 1957-1959.

D’abord, nous devenons, en termes démographiques, une population âgée : le niveau de la population active diminue par rapport à la population des retraités, et l’âge moyen de la population active s’accroît, surtout dans les catégories de main-d’œuvre qualifiée ou relativement qualifiée. Le processus de vieillissement chez les ouvriers est plus marqué que dans la population active dans son ensemble, puisque le pourcentage des ouvriers dans la population active totale chute, du fait de l’accroissement du pourcentage de nouveaux arrivants sur le marché du travail qui se trouvent poussés au chômage ou vers des emplois précaires dans les services de main-d’œuvre non qualifiée. Du point de vue démographique, les Etats-Unis, et un nombre croissant de nations « industrialisées » (ou « autrefois industrialisées », comme la Grande-Bretagne) sont en train de mourir. Dans une centaine d’années, la langue allemande, par exemple, pourrait devenir une « langue morte », et les Etats-Unis sont sur la même voie.

Nous devons à nouveau souligner que la chute du pourcentage des ouvriers dans la population active est doublement néfaste. En réalité, si nous comptons tous ceux qui devraient être en train de chercher et d’obtenir un emploi aujourd’hui, nous en sommes à environ 25 millions de chômeurs aux Etats-Unis. Puisque la production nécessaire de biens physiques doit provenir de la composante ouvrière de la population active employée, c’est la chute du pourcentage des ouvriers dans cette population au niveau de 21% en 1983, qui explique la spectaculaire inflation des coûts au cours des dernières dix-huit années. Le phénomène se trouve aggravé par le faite qu’il manque à la population active les 25 millions de chômeurs qui en ont été écartés. Les données démographiques montrent ce qui peut être également prouvé par d’autres approches : l’économie des Etats-Unis a fonctionné en dessous de son véritable seuil de rentabilité en économie physique depuis au moins le début des années 80, et probablement depuis beaucoup plus longtemps, dès les années 1972-74. C’est sous l’angle démographique que l’on voit beaucoup plus clairement, beaucoup plus dramatiquement, pourquoi et comment tout ceci est arrivé.

Du côté positif, cette discussion souligne l’importance que revêt la prise en compte tous les coûts salariaux (et équivalents) nécessaires par tête, pour parvenir au pourcentage le plus faible possible de la composante ouvrière au sein de la population active employée dans le flux de production des biens physiques. Il s’agit de biens soit directement nécessaires en tant que composantes des biens physiques dans les paniers destinés aux ménages ouvriers, soit affectés aux postes de frais généraux dans le panier des biens de consommation des ménages ouvriers. En même temps, dans le même but, l’on doit empêcher la composante frais généraux de la portion de bénéfice brut dans la production des biens physiques de croître aussi rapidement que ce bénéfice brut ; ceci comprend, bien sûr, le panier des biens de consommation à allouer aux ménages autres qu’ouvriers.

On ne peut pas maîtriser ce processus sans effectuer de rapides progrès dans les pouvoirs productifs du travail (économie de travail). Ceci déplace notre attention du premier graphique présenté au début de ce chapitre vers le second.

En termes de comptabilité nationale,

1. à condition que le niveau nécessaire, démographiquement déterminé, des salaires (et équivalents) par ménage soit satisfait,

2. S/(C+V) et C/V doivent s’accroître simultanément, aux taux relatifs déterminés par la fonction mathématique générale.

3. Ceci signifie un accroissement du rapport entre emploi dans la production des biens d’équipement et emploi dans la production des biens de consommation, rapport qui est fonction d’un accroissement de (S’+rC), où r correspond à l’accroissement de la productivité des biens d’équipement par le progrès technologique (comme cette question a été développée plus haut).

4. Cependant, ceci doit être accompli en dépit des effets du progrès technologique qui imposent des changements dans les caractéristiques démographiques de la population, changements qui se traduisent par un accroissement de la quantité et de la qualité des biens contenus dans le panier par tête.

D’après la figure 1, ceci requiert en même temps une réduction du pourcentage de la composante ouvrière de la population active employée à la production des matières premières, et un transfert de ces emplois vers la production soit de biens d’équipement, soit de biens intermédiaires. Ce transfert doit être accompagné d’efforts soutenus visant à dégonfler la partie « gaspillage » des frais généraux, en maîtrisant la croissance des formes institutionnelles et en combattant la croissance excessive des parties administratives attachées aux formes économiques de ces frais généraux.

Dans le même temps, la population active doit croître en valeur absolue. Le progrès technologique augmente la complexité de la division du travail dans la production de biens physiques et des catégories économiques s’y rapportant. Il doit s’ensuivre une diminution de l’âge moyen des membres de la population active, même si la longévité s’améliore et que l’âge de la retraite recule. Ceci exige, bien sûr, un accroissement du taux de natalité ; mais il y a un deuxième aspect à considérer, à savoir le recul de l’âge moyen de fin d’études à l’intérieur de l’intervalle 16-25 ans, qui se traduit par un accroissement du coût social de la formation des nouveaux arrivants dans la vie active, ce qui, en retour, rend nécessaire l’amélioration de la longévité ainsi que le recul progressif de l’âge de la retraite (de préférence en améliorant la panoplie d’emplois optionnels offerts aux personnes ayant dépassé l’âge de la retraite, sans contraindre quiconque à renoncer à ses droits acquis par contrat). Le montant des salaires (et équivalents) doit être déterminé comme nous l’avons indiqué.

Dans toute politique gouvernementale, ce dernier aspect touche à la politique fiscale. Pendant la plus grande partie de la période d’après-guerre, le gouvernement américain a provoqué un déclin du taux de natalité par sa politique fiscale. Plus précisément, en augmentant beaucoup moins vite que le taux réel d’inflation les déductions fiscales liées au nombre des membres dépendant des foyers fiscaux, et en taxant simultanément plus lourdement les revenus imposables en dollars constants [2], les familles ayant des revenus d’ouvriers qualifiés ou semi-qualifiés ont été privées des moyens nécessaires pour maintenir le taux de natalité. Ainsi, et suivant cette politique, des millions d’Américains à naître sont « morts de faim » avant d’avoir pu naître ou dans la plupart des cas, avant même d’avoir été conçus.

Nous ne devons pas considérer seulement le revenu total net des ménages, mais aussi le revenu par tête des membres du ménage. Nous devons considérer le revenu le revenu net, après impôt, d’abord tel qu’il est pour les ménages existants, ensuite tel qu’il devrait être pour les mêmes ménages dans des conditions de taux de natalité normaux. Ce que représente économiquement un taux normal de natalité doit être déterminé par les méthodes indiquées jusqu’ici dans ce chapitre. Il nous permet de déterminer les paramètres du revenu des ménages nécessaire d’un point de vue démographique.

Comme nous l’avons indiqué plus haut, quoique d’un point de vue légèrement différent, la réforme de la politique fiscale doit viser à taxer les revenus de l’usure jusqu’à élimination de celle-ci, tout en allégeant l’imposition des tranches inférieures des revenus des ménages et en offrant des crédits d’impôts « incitateurs » aux épargnants investissant leur épargne dans l’amélioration de la production de biens physiques. La caractéristique la plus important à considérer dans l’allègement de la fiscalité sur le revenu des ménages est l’accroissement de la déduction accordée par personne à charge. Le montant minimum de l’allègement d’impôt à obtenir par ces mesures doit être déterminé en fonction du taux de natalité optimum, ainsi que nous venons de l’indiquer.

Maintenant, tout en gardant à l’esprit le deuxième tableau, examinons le troisième des tableaux donnés au début de ce chapitre.

Pour l’essentiel, la vitesse à laquelle une nation produit des avancées technologiques est fonction de son activité scientifique, à mesure que des scientifiques et des techniciens plus et mieux formés s’emploient à engendrer des découvertes et à les développer sous des formes propres à des applications productives. Le rythme auquel on produit le progrès technologique est, en première approximation, un reflet du nombre de scientifiques et de techniciens employés dans des fonctions de recherche et développement pour 100 000 opérateurs employés. Actuellement, aux Etats-Unis, ce rapport devrait être porté à environ 5% de la population active, en y incluant les ouvriers qualifiés employés pour assister ces spécialistes.

Ceci nous amène à considéré la question politique : comment cette activité de recherche et développement interagit-elle avec la production ? Nous avons déjà spécifié que l’apport du progrès technologique s’accroît à peu près dans les mêmes proportions que l’intensité capitalistique. Nous avons souligné que c’est le cas tant que les avancées technologiques visent à l’amélioration du processus de production des biens d’équipement (ou bien à l’accélération de la vitesse à laquelle des biens d’équipement de qualité constante sont produits). Ceci appelle notre attention sur une sous-catégorie particulière de biens d’équipement, ceux utilisés pour produire les biens d’équipement eux-mêmes. Un vaste secteur de biens d’équipement, avec un taux élevé de renouvellement de capital, doté d’un sous-secteur relativement important de machines-outils, avec un taux de renouvellement du capital plus élevé encore, est le corollaire d’un plus fort taux d’économie de travail dans l’économie tout entière. Telles sont, en gros, les priorités.

Ceci devrait être examiné d’un autre point de vue intéressant, celui de la technologie. La recherche et développement doit considérer les avancées dans le secteur des machines-outils sous deux aspects :

1. le progrès technologique incorporé dans la machine-outil elle-même ;

2. le progrès technologique imparti aux biens d’équipement produits par cette machine-outil, une avancée inhérente à l’amélioration technologique contenue dans la machine-outil.

Imaginons, par exemple, une machine-outil moderne, de type standard, utilisé en découpe, en modelage, en traitement des surfaces, et ainsi de suite. Concevons à nouveau cette machine-outil, en employant les mêmes principes de conception pour chacun de ses aspects, à l’exception d’un sous-ensemble laser que l’on introduit pour réaliser la fonction spécifique qui était auparavant à la base de la machine. Tout le progrès technologique d’un tel dispositif se situe dans ce sous-ensemble – bien que toute la machine-outil soit nécessaire pour qu’« opère » ce sous-ensemble dans lequel réside l’amélioration technologique.

Le même principe technologique s’applique dans la division du travail au sein du processus de production pris dans son ensemble. Un plombier ou un installateur de matériel qui n’emploient aucune innovation technologique récente participent néanmoins à l’installation d’un processus technologiquement avancé ; puisque l’activité du plombier est indispensable au bon fonctionnement du processus, celle-ci contribue à porter le progrès technologique dans les processus de production pris dans son ensemble. Il en est de même pour ceux qui effectuent de telles innovations ou qui contribuent substantiellement à leur réalisation, buvant du lait de vache, consommant des céréales, etc., à leur petit déjeuner ; bien qu’aucune transformation technologique fondamentale n’intervienne dans la conception du lait de vache, des céréales, etc., ils sont nécessaires à un processus par lequel le progrès technologique est transmis et, ainsi, l’activité des agriculteurs et autres, en livrant ces ingrédients à la table du petit-déjeuner, contribue à l’apport de progrès technologique dans l’établissement industriel utilisant une qualité de travail améliorée par cette consommation. Les produits industriels qui catalysent l’économie de travail en agriculture, y compris les rendements accrus par hectare, introduisent un progrès technologique dans l’économie de travail du secteur agricole, progrès transmis au secteur industriel de l’économie par le biais de cette économie de travail qui s’y manifeste par les gains effectués en fabriquant les biens destinées à l’agriculture ; comme Alexander Hamilton l’a démontré avec force détails dans son rapport au Congrès, Au sujet des manufactures, le niveau 2 du processus de production a transféré un peu de sa part de travail au secteur industriel (voir figure 1, ci-dessus).

Un mécanicien automobile, effectuant exactement les mêmes travaux sur deux automobiles dans le même état, contribue plus ou moins à la société (en valeur économique), en fonction de l’utilité relative des conducteurs et des passagers du véhicule. Si le véhicule est intégralement utilisée par un proxénète, le travail du mécanicien a une valeur économique négative, alors que le travail effectué sur la voiture nécessaire aux besoin d’un travailleur industriel et de sa famille, est positif à un degré relativement supérieur, en fonction du niveau de contribution au progrès technologique, direct ou indirect, qu’apporte le processus de production dans lequel intervient ce travailleur, même s’il est mal payé et sans qualification, ou en fonction du rôle futur, comme travailleurs ou autrement, que joueront les membres de sa famille encore en âge scolaire. De même, le travail du mécanicien sur le véhicule qui transporte le riche bureaucrate au service de l’usure financière, de la rente foncière ou de la spéculation sur les matières premières, a une valeur économique négative, de la même façon que pour le proxénète appartenant à la même catégorie des frais généraux. Tout ce qui est consommé par les ménages dont les revenus proviennent de l’usure, de la prostitution, du jeu, etc., est transformé en valeur économique négative, de telle façon que le travail consommé pour produire ces biens se transforme en valeur économique négative.

N’importe quel produit physique, comme une machine-outil, reflète la division sociale du travail au sein de la société prise dans son ensemble. Le produit, examiné à la lumière de son processus de production, reflète la démographie de la société tout entière, révèle ces caractéristiques démographiques. Ces relations sont implicitement mesurables en remontant du produit situé au sein d’un processus de production particulier pris dans son ensemble, vers la population des ménages. En conséquence, l’activité de chaque personne individuelle dans la société a une importance universelle implicitement calculable pour le présent et le futur de cette société prise dans son ensemble. Cette valeur peut être positive, négative ou nulle, et positive ou négative à des degrés divers. Usuriers, joueurs, criminels, vendeurs de drogue, etc., ont une existence négative pour la société, et ce, généralement, avec une amplitude approximativement proportionnelle au niveau des revenus qu’ils perçoivent de la société. De la même façon, les membres des ménages dont l’existence dépend de telles sources de revenus ont aussi, en tant que personnes, une valeur négative correspondante dans l’histoire présente et future de l’humanité tout entière. Ceci vaut tout autant pour les personnes dont l’activité sociale relève du commérage, du mensonge et de la tricherie, pour tous ceux qui se font les émules de Judas. Pour le meilleur comme pour le pire, chacun d’entre nous tous possède une importance universelle.

A partir des activités de recherche et de développement scientifiques, nous devons suivre, à chaque étape du processus de production, la transformation technologique qui réside à la fois dans le produit et dans son application incorporant cette transformation. La machine-outil qui contient ce changement doit être conçue pour transmettre l’effet de ce changement, sous forme d’amélioration technologique dans le bien d’équipement qu’elle produit ; la définition mathématique, l’analyse de la technologique sont les mêmes pour le bien d’équipement produit à l’aide de la machine-outil perfectionnée elle-même. On doit effectuer la même analyse pour l’utilisation du bien d’équipement dans la production. La relation entre ce progrès technologique, dont nous avons retracé le cheminement de la transmission, et l’amélioration de l’économie de travail dans la société prise dans son ensemble, ferme le cycle. De cette manière, le progrès technologique, mesuré selon une amélioration gausso-riemannienne de la définition de la technologie par Leibniz (principe de moindre action), a une relation causale, mesurable, avec le taux de croissance des capacités productives du travail et avec le taux consécutif de croissance économique.

Ceci constitue le cœur de la méthode LaRouche-Riemann.

Ainsi, les caractéristiques démographiques des ménages et les modifications structurelles de la division du travail sont des changements que l’on doit directement mettre en corrélation avec le degré de néguentropie ou d’entropie relatives du processus socioproductif. La complexité croissante exigée par le progrès technologique dans la division social du travail doit être vue comme un accroissement des « espèces » de singularités dans un autodéveloppement néguentropique du processus de production.

En corollaire, les transformations dans la composition des activités sociales représentent des transformations dans l’économie, progressives ou régressives, de même que les transformations dans la structure sociale correspondent à des changements néguentropiques ou entropiques dans cette structure. En prévoyant les changements dans la répartition des emplois et revenus qui résultent du choix d’une politique fiscale, budgétaire ou autre, nous pouvons déterminer si cette politique est intrinsèquement bénéfique ou régressive.

Notre tâche aujourd’hui – pour les Etats-Unis, par exemple – est de découvrir la composition sociale des activités des ménages engendrée par les politiques de « vecteur scientifique » que nous avons déterminées.

1. Cinq pour cent de la force de travail totale doit être employé dans les fonctions de recherche et développement scientifique, devant se concentrer sur :
a) la fusion thermonucléaire et la maîtrise des plasmas organisés à très haute densité de flux énergétique ;
b) le rayonnement cohérent à très haute densité de flux énergétique, y compris les lasers et faisceaux de particules ;
c) les principes des processus vivants en tant que tels, une révolution fondamentale en biologie réordonnant la définition de la chimie. Tous les travaux de recherche et développement doivent refléter les progrès accomplis, en ce qui concerne la technologie aussi bien que les connaissances scientifiques fondamentales, dans chacun des trois domaines frontières que nous avons indiqués.

2. Le but doit être d’avoir une composante productive qui atteigne aussi rapidement que possible au moins 50% de la force de travail totale. Ceci doit permettre d’accroître la qualité et la taille du panier de biens de consommation par tête sans accroître la proportion de la composante productive affecté à la production de ce panier. La plus grosse partie de l’expansion des emplois productifs doit être concentrée dans la production de biens d’équipement, avec au sein de celle-ci un accroissement plus marqué de la part machine-outil. Le pourcentage de la composante productive de la force de travail affectée à la transformation des matières premières (niveau 2 de la figure 1) doit tendre à baisser.

3. La politique salariale, y compris la politique fiscale, doit chercher à obtenir les changements des caractéristiques démographiques de la population que nous avons indiqués ci-dessous. Ceci inclut des équivalents salariaux tels que la réforme de l’éducation, l’essor de bibliothèques et de musées, et une vie culturelle cohérente avec les programmes classiques d’éducation à la Humboldt.

4. Il faut atteindre un taux élevé d’exportation de biens d’équipement vers les « pays en développement » et nos autres clients étrangers. Ceci doit être considéré comme une contribution à l’économie de travail dans les produits que nous importons de l’étranger, et comme une façon d’obtenir des taux élevés de croissance et de rotation du capital dans notre secteur de la machine-outil et dans l’ensemble du secteur des biens d’équipement. Plus le taux de rotation du capital dans la production de biens d’équipement est élevée, au moins 5% de la force de travail étant employée comme nous l’avons spécifié dans notre premier point, plus le taux de progrès technologique dans l’économie américaine s’élèvera ; l’accroissement de marge procuré par les exportations de biens d’équipement permettra d’accroître le taux d’assimilation du progrès technologique dans toutes les catégories de biens de production, que cela soit pour le marché domestique ou pour l’exportation.


[1Les 15 et 16 août 1971, et immédiatement après, le président Richard Nixon a lancé un programme que lui avait vendu une équipe d’experts emmenée par le secrétaire au Trésor John Connally. Ce programme promu par le sous-secrétaire au Trésor, Paul A. Volcker (depuis septembre 1979, président de la Réserve fédérale), avait reçu le soutien des démocrates libéraux responsables des affaires monétaires au Congrès. Le département d’Etat, pour sa part, joua le rôle de rouleau compresseur. Il y eut deux aspects dans les décisions de Nixon :

  • Il détruisit le système monétaire international à réserve-or et plongea le monde dans la spirale inflationniste des taux de change flottants, responsable de la crise de la dette internationale actuelle.
  • Il entyama un processus de réduction drastique à la fois des salaires nets des ménages (à travers les programmes d’austérité conjugués des années 1971-1972) et du taux d’investissement dans la production des biens physiques. Les effets de ces mesures furent brutalement aggravés par la crise du pétrole, provoquée principalement par les opérations de Henry Kissinger en 1973 et 1974.

[2Ceci a été décrit par divers économistes comme le « dividende fiscal de l’inflation ». L’inflation diminue la valeur, en dollars constants, de l’exemption fiscale par personne à charge, ce qui signifie qu’une part plus importante du revenu total des ménages se trouve imposée. Cependant, puisque les salaires nominaux doivent augmenter pour être préservés des effets de l’inflation, le contribuable se retrouve mécaniquement déporté vers une tranche d’imposition supérieure ; par conséquent, pour un même revenu en dollars constants, il se trouve imposé à un taux supérieur, année après année, et le pourcentage total du revenu des ménages imposé à ce taux supérieur est lui aussi augmenté. Ainsi, l’inflation augmente automatiquement le pourcentage des revenus des ménages imposés et cette imposition s’effectue à des taux plus élevés : c’est le « dividende fiscal de l’inflation ».