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Fusion nucléaire par laser : une percée historique

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Benoit Chalifoux-Groupe Espace

Dans une lettre publiée le 20 février dans la revue Nature, des scientifiques de la National Ignition Facility au Laboratoire national Lawrence Livermore aux Etats-Unis ont annoncé une avancée importante vers la fusion nucléaire par confinement inertiel (ou fusion laser).

L’équipe de chercheurs, dirigée par O.A. Hurricane, explique avoir obtenu, lors de deux tirs effectués les 27 septembre et 19 novembre 2013, et ce pour la première fois, un gain d’énergie positif par rapport à la quantité d’énergie directement déposée dans la cible de deutérium et de tritium, sans compter toutefois l’énergie absorbée par la couche de matière plastique constituant la coquille de la capsule, ni celle transformée en rayons X dans la chambre cylindrique (hohlraum) dans laquelle baigne cette capsule (voir schéma).

Essai de fusion laser de la National Igntition Facility (E.-U.)

Ces résultats ont été obtenus après avoir changé, pour une nouvelle campagne d’essais initiée par un premier tir le 12 août dernier, deux paramètres importants.

Rapartition temporelle de l’intensité des rayons laserLe premier a trait à la forme de l’impulsion laser (la répartition temporelle de l’intensité au cours des 20 nanosecondes que dure le tir). On a fait commencer l’impulsion par une sorte de piédestal (avant que ne soit accrue brutalement l’intensité jusqu’à son maximum) à un niveau plus élevé que lors des campagnes précédentes. La « hauteur du piédestal » est ainsi plus grande que celle que l’on avait l’habitude d’utiliser auparavant (voir figure). Ceci a permis d’obtenir dès le début une température plus élevée à l’intérieur de la chambre cylindrique entourant la capsule (le hohlraum), et par conséquent une plus grande stabilité (et donc moins de déformation) dans la phase de compression de la capsule de plastique. On évite ainsi que les molécules composant la capsule ne viennent contaminer la mince couche de deutérium-tritium cryogénisé plaquée sur la face intérieure de la capsule, et qui se comprime pour former un point chaud par la suite. Ceci permet d’obtenir un point chaud de forme plus régulière et surtout plus pur, limitant les pertes d’énergie avant que ne débute la fusion.

L’autre changement est associé à la répartition de l’énergie entre les 192 lasers qui sont tirés dans le hohlraum, afin d’optimiser la lumière et le bain de rayons-X qui entourera la capsule. Ces changement dans la répartition de l’énergie se font en faisant varier la fréquence des divers lasers utilisés, en fonction de leur angle d’attaque par rapport à l’axe central du cylindre. La configuration choisie pour le tir effectué le 19 novembre a permis d’obtenir des résultats encore meilleurs, confirmant le choix heureux des ajustements effectués pour le tir du 27 septembre.

La quantité d’énergie obtenue au cours des deux derniers tirs a ainsi nettement progressé, atteignant 17,3 kJ pour celui du 11 novembre, environ dix fois plus que lors des tirs de la campagne précédente. Le rapport entre l’énergie obtenue et l’énergie déposée dans la cible a progressé lui aussi, atteignant pratiquement les deux pour un. Ce gain d’énergie de fusion par rapport à la quantité d’énergie déposée dans la cible n’est toutefois qu’un début car, comme nous l’avons dit, il faut atteindre le niveau total d’énergie dépensée par l’ensemble du dispositif laser avant que l’on ne puisse véritablement parler de « breakeven ».

Dépense et gain d’énergie pour tir du 11 novembre 2013

A Energie du combustible 9kJ

B Energie du combustible + capsule 150 kJ

C Energie du combustible + capsule + hohlraum 1,8 MJ

D Energie obtenue (fusion) 17,3 kJ

E Gain (D/A) 1,92

Même si la différence entre ces deux niveaux semble énorme (1,8 MJ/17,3 kJ : un facteur d’environ 100), il ne faut pas désespérer. Dès que l’on dépassera confortablement le seuil d’équilibre à l’intérieur du point chaud, le reste du combustible s’allumera à son tour et l’on obtiendra une croissance exponentielle du nombre de réactions de fusion et donc de la quantité totale d’énergie obtenue. Or ce seuil d’équilibre, qui est défini par un rapport de un entre la quantité d’énergie déposée par les particules alpha (noyaux d’hélium engendrées par la fusion), à l’énergie générée par la compression elle-même, a été presque atteint lors du tir du 19 novembre 2013.

D’autres ajustements supplémentaires seront effectués sous peu, avant d’entreprendre une autre série d’essais. Encore un peu de patience...