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Lando Bartoli : une même harmonie unit architecture et musique

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Par Liliana Gorini

Ces dernières semaines, l’homme politique américain Lyndon LaRouche n’a cessé de nous rappeler l’importance du dôme de Florence, construit par Filippo Brunelleschi, et ceci afin d’inspirer une nouvelle renaissance.

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Lando Bartoli

Dans les années 80, LaRouche et l’Institut Schiller avaient rencontré et appuyé la bataille d’un des meilleurs experts du dôme, l’architecte italien Lando Bartoli (1914-2002). A l’époque, alors que certains experts pensaient qu’il fallait obturer d’urgence les 48 ouvertures de la coupole pour réduire la dégradation de l’édifice, Bartoli arguait qu’une telle intervention aggraverait massivement les dégâts. Au contraire, affirmait Bartoli, il faut absolument conserver ces ouvertures, car il s’agit là d’un dispositif révolutionnaire imaginé par Brunelleschi permettant à l’édifice de « respirer », c’est-à-dire de résister à la variation des températures et aux courants d’air.

Sur cette question, Bartoli et l’Institut Schiller ont fini par emporter la bataille. Le dôme a été sauvé et depuis son inauguration en 1436 domine, dans toute sa splendeur, la ville de Florence.

Avant sa disparition en 2002, Bartoli a publié un petit livre peu connu, Architettura e musica (Edité en 1998 à Florence par Quaderni di Erba d’Arbo), qui fait l’écho à ce que LaRouche avait développé à propos du lien entre la musique et la science et entre la science et l’art en général, y compris évidemment l’architecture de la Renaissance.

Dans son écrit, Bartoli présente les dimensions d’une autre église de Florence, celle du Saint Sauveur al Monte. Il démontre qu’elle a été, tout comme de dôme et la chapelle Pazzi de Brunelleschi, conçue à partir de la « divine proportion » (règle d’or) comme tant d’autres églises et chapelles de l’époque.

Cependant, Bartoli va au-delà des moyennes harmoniques, géométriques et arithmétiques employées par l’architecte Simone del Pollaiuolo (1457-1508) et se penche sur leurs rapports avec les intervalles musicaux.

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La chapelle Pazzi construit par Brunelleschi à Florence.

Bartoli cite en exemple un auteur italien de l’époque, pour qui « autant que les proportions des voix sont une harmonie à notre oreille, autant les proportions des dimensions sont une harmonie à nos yeux ». Un phénomène qu’on constate dans la chapelle Pazzi, un petit édifice dont les résonances « chantent » en réponse à la voix humaine car construit avec les mêmes proportions que la règle d’or sur laquelle se base la technique vocale italienne du belcanto.

Pour mettre en évidence ce phénomène acoustique à l’église du Saint Sauveur al Monte à Florence, Bartoli a construit une grille de mesures utilisant la mesure florentine, le braccio (58,36 cm) et l’a comparée avec une autre grille élaborée à partir des proportions des intervalles musicaux grecs : diapason (octave), diapente (quinte) ou diatesseron (quarte).

En mesurant le cœur, la nef, le transept et les autres parties de l’église, Bartoli arriva à la conclusion suivante :

« En traduisant ces ratios et ces nombres en termes musicaux on trouve les proportions suivantes : 14/14 (à l’unisson) ; 1/3 (la tierce) ; 2/3 (la quinte) ; 48/54 (la quarte) . »

Pour, Bartoli ceci tend à prouver que «  les artistes de la Renaissance ne voulait pas en tant que tel traduire la musique en architecture, mais voyaient les intervalles musicaux comme la preuve audible de la beauté des proportions entre les nombres entiers les plus simples : 1/2/3/4  ».

Interrogé à ce propos par Bartoli, le violoncelliste et compositeur italien Pietro Grossi, confirma cette hypothèse. Comme preuve, le cas de Jean-Sébastien Bach qui utilise des images « miroir » dans ses compositions, notamment pour créer des « fugues miroir » où apparaît parfois, y compris en image miroir, « le miroité lui-même. »

Dans les années 1970, j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec Lyndon LaRouche à propos de l’Art de la fugue où ces fugues apparaissent. Bach va composer son œuvre en plaçant, pourrait-on dire, un miroir au-dessus ou en-dessous des fugues ou d’une de leurs parties. Ainsi, la partie haute d’une fugue peut rapidement devenir la partie basse. C’est cette ironie des inversions en miroir qu’on identifie aisément dans les deux fugues en quatre parties du Contrapunctus 12 de l’Art de la fugue de Bach.

Selon Bartoli, aussi bien l’architecte Leon Battista Alberti que Brunelleschi composaient leurs édifices d’une façon similaire à Bach.

« Les architectes disposent de la même possibilité, puisque l’harmonie d’un bâtiment qu’observe de face comme un tout, doit se conserver lorsqu’on le regarde de gauche, de droite, d’en haut ou d’en bas. En bref, nous utilisons des catégories, un espace-temps [gauche, droite, etc.], qui dans notre esprit rompt les distinctions qui, selon notre sensibilité, n’ont jamais existé en réalité. »

En conclusion, Bartoli cite Alberti, pour qui « les architectes ne se servent pas des nombres de façon confuse et mélangée, mais d’une telle façon qu’ils peuvent correspondre et permettre l’harmonie de tout coté ».

C’est précisément cette harmonie qui fait en sorte que les édifices de la Renaissance nous transmettent un sens de légitimité de l’univers et de beauté, la même que nous ressentons dans les œuvres de Bach, Beethoven ou Verdi.