News / Brèves
Back to previous selection / Retour à la sélection précédente

Jacques Cheminade : quelle monnaie commune pour l’après-euro ?

Printable version / Version imprimable

Mise au point de Jacques Cheminade à propos d’un débat faussé

Le face-à-face du 4 mai ayant opposé Emmanuel Macron à Marine Le Pen sur la question de l’euro a démontré l’incompétence avec laquelle peut être traité un sujet mettant en cause notre raison d’être.

Auparavant, le 25 mars, un sondage Ifop pour Le Figaro et la Fondation Robert Schuman indiquait que 75 % des Français sont hostiles au retour à une monnaie nationale. C’est pour séduire cet électorat, convaincu que la monnaie unique européenne est un rempart et un facteur simplifiant les échanges, que les politiques « euro-sceptiques » ont jeté par-dessus bord l’idée d’une vraie « sortie » du système euro. Ainsi, après Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Dupont-Aignan, Marine Le Pen nous propose de « transformer la monnaie unique (euro) en monnaie commune ».

Leur conception fallacieuse de cette monnaie commune est à l’opposé de celle que je défends. En effet, il s’agit pour eux d’un système bi-monétaire qui superposerait un « euro monnaie commune » aux monnaies nationales. Cela signifierait que nos échanges internes seraient réalisés en francs, mais que les échanges entre pays de la zone monétaire et avec les pays hors de cette zone, se feraient en euro. Cette monnaie commune serait même l’intermédiaire obligé de tous les échanges ! Et pour commercer avec l’étranger, il faudrait d’abord convertir ses francs en monnaie commune puis en la devise en cours du pays en question…

Endossé aujourd’hui de fait par Jean-Luc Mélenchon, Nicholas Dupont-Aignan et Marine Le Pen, ce système hybride fut présenté dès 1991 par Édouard Balladur, soutenu par John Major et défendu par Philippe Seguin lors de son fameux discours contre Maastricht à l’Assemblée nationale en 1992, comme alternative à la « monnaie unique ».

Il serait en pratique difficilement gérable, en particulier pour et par nos producteurs, comme Emmanuel Macron l’a montré lors du débat télévisé.

Il reléguerait le nouveau franc au statut déplorable d’une simple « monnaie locale ». Même si sa parité serait ajustable à intervalles réguliers (par exemple tous les six mois), la souveraineté ainsi prétendument retrouvé serait de fait illusoire.

Surtout, la valeur des monnaies nationales par rapport à cet « euro monnaie commune », resterait gérée et fixée par la même BCE d’aujourd’hui, c’est-à-dire une institution totalement monétariste essentiellement au service des banques privées.

Avec un tel « euro monnaie commune », l’oligarchie financière se doterait d’un nouvel outil lui permettant de tout changer en apparence pour que rien ne change en réalité.

Tout autre est la conception de la monnaie que je défends : le retour à l’utilisation d’une « euro/unité comptable » à l’instar de l’unité de compte européenne (ECU) employée entre 1979 et 1999. Comme alors, c’est essentiellement les institutions européennes, aujourd’hui à refonder, et les banques nationales qui chiffreraient et règleraient leurs différents entre elles avec l’ECU, sans qu’il remplace pour autant les monnaies nationales dans les échanges internationaux.

Ainsi, les Etats-nations retrouveraient leur souveraineté monétaire pour émettre du crédit public en monnaie nationale en vue de l’équipement de l’homme et de la nature. Tout en s’accordant à travers leur unité de compte commune, pour défendre vis-à-vis de l’extérieur les parités entre leurs monnaies convenues à l’intérieur du système.

Pour le reste, la France « consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix », conformément au préambule de sa Constitution, en particulier pour la mise en œuvre de grands projets à l’échelle européenne et au-delà, nourris par l’émission de crédit public de chaque Etat coordonnée avec celles auxquelles procéderont ses partenaires.