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Face aux Nouvelles Routes de la soie, l’Europe se recroqueville dans sa forteresse

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S&P—Le grotesque mêlé au tragique de la situation européenne et de l’attitude de ses dirigeants aurait sans doute grandement inspiré des auteurs comme William Shakespeare ou Edgar A. Poe. Cette Europe-là, qui vit sous l’occupation des puissances d’argent de Londres, Paris et Frankfort, semble aller complètement à contresens de l’histoire, se barricadant derrière ses certitudes et son orgueil et refusant d’accueillir le « nouveau paradigme » défini par les Nouvelles routes de la soie et la coopération des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud) .

Un frémissement s’est pourtant fait sentir lorsque le quotidien allemand Junge Welt – ancien journal officiel de la jeunesse libre allemande en RDA, en quelque sorte l’équivalent de L’Humanité – a publié mardi une interview d’Helga Zepp-LaRouche, dirigeante de notre parti frère le Bueso et présidente internationale de l’Institut Schiller. Connue en Chine sous le nom de « la Dame de la Route de la soie », elle est régulièrement invitée ou évoquée dans les médias chinois, alors qu’elle est paradoxalement boycottée par les médias allemands et européens. Cette interview, publiée sous le titre « La Nouvelle Route de la soie était notre idée », fait donc figure d’exception notable.

Mme Zepp-LaRouche y défend sa vision de ce nouveau paradigme gagnant-gagnant : « Ce nouveau modèle de coopération économique a été adopté en Amérique latine ainsi qu’en Afrique. (…) Le développement de l’Afrique est la seule solution valable pour résoudre humainement la crise des réfugiés, en mettant fin aux conséquences du colonialisme et des conditionnalités du FMI qui en sont le prolongement. (…) La vision des Nouvelles routes de la soie était notre idée, un plan pour bâtir un monde pacifique pour le 21e siècle. Nous avons travaillé pour cela pendant 26 ans, et le gouvernement chinois a pleinement reconnu le rôle que nous avons joué.  »

Mais quelques heures après avoir publié l’interview, pour des raisons que nous ignorons, le Junge Welt l’a retiré, effaçant toutes traces sur son site internet. Qu’est-ce qui peut bien faire peur aux Européens, au point que même les moins complaisants avec cette Europe-là puissent agir de la sorte ?

Le monde merveilleux de Jean-Claude Juncker

Le président de la Commission européenne a donné mercredi son discours sur « L’État de l’Union », occasion pour lui d’étaler son optimisme béat, dans le contexte de la déprime des eurosceptiques suite à l’élection d’Emmanuel Macron en France : « Nous entrons à présent dans la cinquième année d’une reprise économique qui se fait enfin sentir dans chacun des États membres. Ces deux dernières années, la croissance a été plus forte dans l’Union européenne qu’aux États-Unis. Elle se chiffre maintenant à plus de 2 % pour toute l’Union et à 2,2 % pour la zone euro. Le chômage est au plus bas depuis neuf ans. »

« Depuis le début de notre mandat », a-t-il poursuivi, « près de 8 millions d’emplois ont été créés. Et le taux d’emploi en Europe est plus élevé qu’il ne le fut jamais. Nous avons 235 millions d’Européens qui ont un travail. (…) Nous pouvons nous attribuer le mérite de notre plan d’investissement pour l’Europe, qui a généré jusqu’à présent 225 milliards d’euros d’investissements. Il a accordé des prêts à plus de 445 000 petites entreprises et à plus de 270 projets d’infrastructure. Nous pouvons nous attribuer le mérite d’une action déterminée, grâce à laquelle les banques européennes ont de nouveau la force de frappe financière nécessaire pour prêter aux entreprises et leur permettre de croître et de créer des emplois. »

Une question nous brûle les lèvres : M. Juncker était-il ivre lorsqu’il a fait son discours ?

La peste financière au cœur de la forteresse européenne

Comme dans Le masque de la mort rouge d’Edgar A. Poe, où le prince Prospero et sa cour mondaine dansent dans le château, derrière les fenêtres barricadées pour empêcher l’entrée de la peste noire qui ravage les contrées européennes du XIVe siècle, la peste financière est bien au cœur de la forteresse européenne, quoique pensent et fassent le prince Juncker et sa cour.

Au moment où ce dernier finissait sa danse, une nouvelle étude était publiée par l’Institut Adam Smith sur la situation alarmante des banques, largement relayée dans la presse anglaise. Le Guardian cite l’auteur de l’étude, le professeur Kevin Dowd, qui enseigne à la Durham University, critiquant la méthode des « stress tests », dont les derniers ont été réalisés en novembre 2016 sur les banques européennes : « les stress tests sont aussi utiles qu’un test de dépistage du cancer incapable de le détecter. Ils ont cherché à démontrer une soi-disante résistance des banques qui n’existe nulle part. (…) Notre système bancaire est en lui-même un accident sur le point de survenir ».

Le danger est là ; mais il l’est d’autant plus que les élites européennes persistent dans un déni complet de la réalité et cherchent au contraire un ennemi extérieur à pointer du doigt ; et bien entendu la Chine est la cible idéale. C’est ainsi que Juncker a promu la mise en place d’un mécanisme contre les investissements chinois en Europe, suite à une proposition conjointe de la France, l’Allemagne et l’Italie. Selon la Commission, le but de ce mécanisme serait d’être en mesure de juger si un investissement étranger en Europe est loyal ou s’il comporte « une part d’influence d’un État ». L’intention peut paraître bonne, mais on s’étonne qu’elle survienne subitement aujourd’hui, alors qu’on a laissé les « fonds vautours » et autres oiseaux de mauvaise augure anglo-saxons, qataris, saoudiens ou autre, racheter et dépecer le travail et les entreprises dans toute l’Europe, depuis des décennies...

A travers la Chine, c’est en réalité ce monde nouveau des Nouvelles Routes de la soie qui terrorise les Européens, car il sort complètement des clous de la géopolitique à l’occidentale, qui aveugle tellement les bien-pensants et bien souvent également, malheureusement, les populations. Comme l’a dit Mme Zepp-LaRouche dans l’interview supprimée de Junge Welt, « Nous nous battons pour un nouveau paradigme politique, délaissant la géopolitique en faveur des objectifs communs de l’humanité. Persister dans cette approche géopolitique risque de nous conduire à un affrontement avec la Russie et la Chine. C’est une des raisons pour lesquelles nous soutenons l’initiative de Xi Jinping visant à bâtir une Nouvelle Route de la soie sur la base d’une coopération gagnante-gagnante entre toutes les nations du monde ».