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Derrière la rhétorique à la tribune de l’ONU, la diplomatie

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S&P—Plus que jamais, un gouffre sépare l’univers sur-médiatisé des déclarations à la tribune et celui de la diplomatie, qui se déroule dans les couloirs à son propre rythme, nécessairement plus lent et moins spectaculaire.

Le président Trump a prononcé un discours hybride, faisant d’un côté un plaidoyer en faveur d’un ordre mondial dans lequel les nations souveraines doivent pouvoir coexister sur la base d’un respect mutuel – « l’État-nation restant le meilleur véhicule pour élever la condition humaine » – et utilisant d’un autre côté un langage typiquement néo-conservateur de changement de régime, en désignant dans des termes très durs « un petit groupe de régimes scélérats ». Il s’agit bien entendu de la Corée du Nord, mais également de l’Iran, la Syrie, le Venezuela et Cuba, accusés de nourrir le terrorisme et les flux de réfugiés, et de menacer la paix mondiale. Sans nommer directement la Chine et la Russie, Trump a mis en garde contre les « menaces à la souveraineté » en Ukraine et dans la mer de Chine méridionale.

De son côté, Emmanuel Macron a fait du Macron, navigant dans les hautes sphères des grands principes universalistes, et ne semblant pas éprouver la moindre gêne à dénoncer le « capitalisme déréglé ». Jacques Cheminade a déclaré dans un tweet : « Macron lyrique à l’ONU mais les licenciements continuent chez nous. Vous avez dit « au nom des voix oubliées » ? « Valeurs fondatrices ? »

Chose étonnante, alors que les grands médias internationaux ont mis en exergue les propos guerriers de Trump, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov s’est dit positivement impressionné par l’engagement du président américain à respecter la souveraineté des autres pays. Cité par RT, Lavrov a estimé que son discours était « remarquable », comprenant par ailleurs qu’il s’adressait « non seulement à une audience internationale, mais également domestique ». Lavrov n’a exprimé aucune critique vis-à-vis de la menace de « destruction totale » proférée par Trump à l’encontre de la Corée du Nord, rappelant seulement que ce n’était pas la première fois que le président parlait de cette manière. « Nous ne doutons pas que les États-Unis soient capables de faire quelque chose de très destructeur », a-t-il dit ironiquement à l’agence russe Tass.

De leur côté, les Chinois se sont prononcés mi-figue, mi-raisin sur le discours de Trump. L’éditorial du Global Times souligne simplement que des mots aussi rudes « réduisaient les espoirs de paix dans la péninsule coréenne ». « Il est de plus en plus clair que les pressions seules ne permettront pas de résoudre la question nucléaire de Pyongyang », rappelle le journal, « et que des actions doivent être prises afin d’apaiser les tensions sur la péninsule » par voie diplomatique. Cependant, le Global Times remarque que l’arrivée du président Trump représente une amélioration par rapport à ses prédécesseurs. « Depuis qu’il est en fonction  », lit-on, « Trump a fait preuve d’un réalisme rarement observé chez les présidents précédents ». Il ajoute toutefois que sa politique en Asie pacifique n’est « pas pratique », et que la crise en Corée s’est « sérieusement aggravée ».

Diplomatie officielle et diplomatie informelle

Lundi, les présidents Xi Jinping et Donald Trump se sont parlés par téléphone, évoquant principalement la visite de Trump en Chine prévue cet automne, et la crise dans la péninsule coréenne. D’après l’agence de presse chinoise Xinhua, les deux hommes partagent l’idée que leurs pays ont des intérêts communs et qu’ils doivent maintenir un dialogue régulier.

Depuis l’ouverture de l’Assemblée générale des Nations unies, Sergueï Lavrov multiplie dans les coulisses les rencontres bilatérales. Il a rencontré notamment le secrétaire d’État américain Rex Tillerson, puis son homologue chinois Wang Yi, les discussions étant en grande partie consacrées à la Corée du Nord et la Syrie. Lavrov a également rencontré ses homologues japonais et britannique Taro Kona et Boris Johnson, la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Federica Mogherini, le président palestinien Mahmoud Abbas, etc.

Pendant ce temps, loin des caméras et des rencontres officielles, des pourparlers informels non moins importants ont lieu entre les États-Unis et la Corée du Nord. C’est ce qu’a confirmé Thomas Pickering, ancien ambassadeur américain à Moscou (1993-1996) et ancien sous-secrétaire au Département d’État, dans une interview sur RIA Novosti. « Nous pouvons dire que nous sommes engagés dans des discussions informelles avec les Nord-coréens (…). Mon point de vue est qu’elles sont utiles, mêmes si elles ne nous ont pas menés à une avancée diplomatique immédiate », a déclaré l’ancien diplomate. « Parfois, les contacts informels sont utiles pour les parties en tant que moyen d’échange d’idées et d’ouverture de portes vers de nouvelles voies de réflexion autour d’une problématique ».

Et de poursuivre : « Les négociations non-officielles, dans lesquelles j’étais impliqué, supposaient des briefings avant et après de telles rencontres. Ce ne sont pas des tentatives de forcer ou de substituer un gouvernement. Ce sont des tentatives de comprendre [la situation] à défaut de contacts directs [entre les gouvernements de deux pays] ».