News / Brèves
Back to previous selection / Retour à la sélection précédente

Paradise papers : il faut assécher le marais financier !

Printable version / Version imprimable

On ne peut que se réjouir de ce nouveau grand déballage sur les gros poissons nageant dans les eaux troubles du racket « légal » organisé, que l’on a coutume d’appeler pudiquement « optimisation fiscale ».

Il est tout de même notable que la Reine d’Angleterre soit mise en cause, avec plus de dix millions d’euros investis offshore, notamment dans les îles Caïmans et aux Bermudes, par le biais du duché de Lancaster, qui gère les fonds privés d’Elizabeth II. Vous souvenez-vous d’un certain candidat aux élections présidentielles françaises de 2012, Jacques Cheminade, qui en pleine campagne avait dû essuyer la violente salve d’articles de toute une presse qui s’offusquait de le voir s’attaquer à la fortune de la Reine d’Angleterre, et de prétendre qu’une partie de cette fortune provenait du trafic de drogue ? D’ailleurs, les journalistes, y compris les membres du consortium international de journalistes (ICIJ) qui a publié les Panama papers et les Paradise papers, n’avaient pas daigné réagir lorsque, une semaine après cet épisode, la banque privée de la Reine d’Angleterre Coutts & Co avait été condamnée par la justice britannique à une amende de près de 10 millions d’euros pour avoir violé les règlements contre le blanchiment des revenus de la drogue...

Que des crocodiles soient mis sous les projecteurs est une chose ; mais que le marais soit entièrement asséché en est une autre, et c’est bien là tout l’enjeu.

La City, le marais à assécher

On peut s’étonner de voir se réveiller subitement les journalistes de l’ICIJ, alors que le problème a depuis longtemps été désigné : en 1978, une équipe de militants et de journalistes sous la direction de l’économiste américain Lyndon LaRouche, dans un livre intituté Dope Inc. (Came, SA), avait mis le doigt sur le fait que la carte des paradis fiscaux permettant de blanchir l’argent de la drogue coïncidait avec la carte des « perles » de l’Empire britannique, où des banques telles que la banque de HongKong et de Shanghaï (HSBC), banque mise sur pied lors de la guerre de l’opium contre la Chine, régnaient en maître.

L’enquête de LaRouche fut confirmée en avril 2002 par les députés socialistes Vincent Peillon et Arnaud Montebourg dans un rapport de l’Assemblée nationale sur « la délinquance financière et le blanchiment des capitaux », avec notamment toute une partie consacrée à « la Grande-Bretagne, Gibraltar et les dépendances de la couronne », et dans laquelle la City de Londres était décrite comme un véritable « État dans l’État », jouant un rôle de « paradis non seulement fiscal, bancaire et financier, mais malheureusement judiciaire à bien des égards ». Une annexe au rapport exposait même dans le détail toutes les opérations des compagnies appartenant à l’Empire financier Ben Laden à Londres et dans les dépendances de la Couronne.

Malheureusement, ce frémissement d’audace n’a pas été suivi d’actes plus courageux ; aujourd’hui, le rapport prend la poussière dans les placard de l’Assemblée nationale.

Quelques années plut tôt, Jacques Cheminade, à travers sa candidature à l’élection présidentielle de 1995, avait pointé du doigt la compromission – pardon, « l’entente » – cordiale des élites françaises avec la City de Londres, et le « cancer financier spéculatif » qui détruit le monde depuis les années 1970. Voici ce qu’il écrivait dans sa profession de foi à l’époque : « L’on tente de nous faire croire qu’il existe une entité suprême appelée ’marchés’, à laquelle il faudrait se soumettre car ce serait l’état naturel de la société. Rien n’est plus faux : les marchés ont un visage. Celui de l’oligarchie, celle de la City de Londres et de Wall Street, de la Réserve fédérale américaine et du Fond monétaire international (FMI). »

Jacques Cheminade était alors le premier homme politique en France à parler du problème de la dichotomie entre la sphère financière et l’économie réelle, à mettre en garde contre la crise financière survenue douze ans plus tard, et à défendre un plan visant à « mettre en règlement judiciaire les agents du système monétaire et financier international ». Personne, dans les milieux politiques et médiatiques, n’a jamais osé lui donner raison. Au contraire, la loi de l’omerta a prévalu sur le cas Cheminade, jusqu’au journal Le Monde – membre de l’ICIJ – qui a même refusé de couvrir sa candidature en 2012. Sans parler des campagnes de calomnies et de caricatures, et du rejet inique des comptes de campagne par le Conseil constitutionnel en 1995, tandis que ce dernier validait les comptes d’un certain Balladur...

Aujourd’hui, cette banqueroute organisée doit passer par la loi de séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires (le Glass-Steagall), étape essentielle pour tarir à la source la spéculation financière et l’ensemble du système offshore qui a proliféré depuis 40 ans dans le monde, détournant l’argent du travail humain et du développement de l’économie réelle. Le déballage des Paradise papers est pour nous l’occasion d’accroître notre pression sur le Parlement, avec la proposition de loi de « moralisation de la vie bancaire ». Car, sans un véritablement changement des règles du jeu, les opportunistes ne manqueront pas d’utiliser ces révélations à des fins géopolitiques, comme on le voit avec la mise en cause du secrétaire au Commerce américain Wilbur Ross – une crapule par ailleurs –, qui déstabilise un voyage de Trump en Asie que beaucoup dans les milieux oligarchiques anglo-américains perçoivent comme une menace potentielle.

Alors, si ce n’est pas encore fait, signez la pétition, sollicitez votre député et votre sénateur, et rejoignez nos équipes militantes !