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Italie, Espagne, Grèce, Argentine… C’est le système, idiot !

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S&P—De plus en plus, à travers le monde, on constate que l’ensemble du modèle occidental néolibéral, qui est en réalité un modèle oligarchique, est en crise. Il apparaît aussi que c’est le système lui-même qui crée les conditions de son propre effondrement, comme dans le cas de l’Italie, où l’absence totale de solidarité sur la question des réfugiés par une Union européenne bureaucratique sans cœur et sans âme a nourri les ressentiments de la population, conduisant au vote de rejet de cette Europe le 4 mars.

Et, dans les péripéties de la semaine dernière, on a également vu comment l’arrogance des élites européennes – que les Italiens surnomment désormais « les euroïnomanes » – et des marchés financiers, qui ont affiché sans scrupules leur certitude de pouvoir retourner comme une crêpe le vote des Italiens, leur est revenu comme un boomerang, aboutissant même à la délicieuse ironie de la nomination de Paolo Savona au poste de ministre des Affaires européennes (lire la chronique du 30 mai « Italie : si le peuple italien a mal voté, changeons le peuple ! »)

La partie immergée de l’iceberg

À travers la faillite morale de ce système, c’est la faillite au sens littéral qui se manifeste, et que l’on retrouve invariablement, de façon sous-jacente, dans les évolutions politiques locales, qu’il s’agisse de l’Italie, de l’Espagne, de la Grèce ou de l’Argentine.

Le rétropédalage du président italien Mattarella a d’ailleurs en grande partie été motivé par la chute des bourses qui a suivi son veto contre la nomination de Paolo Savona au ministère des Finances. Les marchés financiers ont en effet paniqué à l’idée qu’un nouveau vote en Italie ne se transforme en référendum contre l’UE et l’euro. Au cours de la semaine dernière, les pertes boursières des banques européennes ont été colossales : -15,4 % pour Unicredit, -12,5 % pour Commerzbank, -11,3 % pour Santander, -9,3 % pour Deutsche Bank et pour Crédit Agricole, -8,5 % pour BNP Paribas et -6,2 % pour Société Générale.

Le cas de la Deutsche Bank est l’un des plus sensibles, comme nous l’avons déjà montré. Sa capitalisation boursière poursuit son dévissage, tombant à 19 milliards d’euros dans le contexte de la crise italienne, son plus bas niveau historique. La chute a été accélérée jeudi denier suite aux révélations du Wall Street Journal selon qui la Réserve fédérale américaine avait déclassé, il y a un an, une unité américaine de la banque allemande - la Deutsche Bank Trust Company Americas - la mettant dans une quasi-tutelle, estimant que ses activités étaient « en difficultés ». Ce déclassement avait été tenu secret jusqu’au 31 mai .

La Deutsche Bank constitue aujourd’hui un véritable Lehmann Brothers puissance vingt. Il s’agit en effet de la banque la plus exposée au monde sur le marché des produits dérivés financiers. Si on prend les valeurs notionnelles qui mesurent l’étendue possible des paris, son exposition donne le vertige : il s’agit de 46 000 milliards d’euros dont 260 milliards de dérivés très risqués de niveau « 3 ». Si l’on ne prend « que » l’exposition nette de Deutsche Bank, elle se situe à environs 41 milliards d’euros, déjà de quoi exploser la planète finance !

Elle n’est bien entendu pas la seule. De nombreuses banques européennes sont très fortement exposées sur la dette italienne. La banque belge Dexia, en particulier, en détient pour 15 milliards d’euros, ce qui représente deux fois ses capitaux propres. Les banques allemandes sont également disproportionnellement exposées, à 83,2 % de ses capitaux propres pour la Pfandbriefbank, 65,9 % pour la Aareal Bank et 42,7 % pour la Commerzbank.

Les banques françaises sont les plus exposées en terme de prêts à des clients non publics. Elles ont accordé en tout pour 311 milliards d’euros de prêts, dont 154 milliards pour BNP Paribas et 95,5 milliards pour Société Générale.

Contagion

L’agence de notation Moody’s a prévenu qu’elle dégradera sa note de l’Italie – qui se situe actuellement deux crans seulement au-dessus du niveau de « bonds poubelle » – si le prochain gouvernement ne présente pas un nouveau budget d’austérité. De telles menaces ne peuvent que favoriser la contagion aux autres pays.

En effet, non seulement le « spread » (l’écart avec les taux d’intérêts allemands sur les prêts à dix ans) a augmenté pour l’Italie, mais également pour l’Espagne, le Portugal et la Grèce. Les banquiers grecs sont particulièrement inquiets en perspective de la fin du programme d’ « aide » européen à la Grèce, prévue pour le mois d’août, et du retour du pays sur les marchés. « Ce qui se passe en Italie nous inquiète énormément », a dit l’un d’eux au Guardian. « Les marchés obligataires sont devenus fous dans le Sud de l’Europe. Avec de tels rendements, il est totalement exclu que la Grèce puisse les réintégrer à la fin du programme ».

De plus, la population grecque se soulève contre les mesures d’austérité imposées par les créanciers du pays, et l’évolution de la situation politique italienne pourrait lui apporter un nouveau souffle. Des manifestations massives ont eu lieu mercredi dernier à l’initiative des principaux syndicats, dont le GSEE (secteur privé) et ADEDY (secteur public). « Le gouvernement, qui met en œuvre les mêmes politiques qui ont détruit la population et l’économie, accable les travailleurs et les retraités avec de nouvelles mesures insupportables », dénonce le communiqué du GSEE.

En Espagne, en toile de fond de la crise politique et de la chute du gouvernement Rajoy, le spread de la dette a augmenté de 15 points le 29 mai, passant à 135 points. Le même jour, les grandes banques espagnoles – Santander, Sabadell et Bankia – ont dévissé de 5 %.

C’est le système qu’il faut changer !

Le système financier international est comme un vaste champ de mines, le marché européen étant l’un des lieux à haut risque. Mais les commentateurs s’inquiètent également de la Turquie, où la monnaie est presque en chute libre, et où les banques européennes sont fortement exposées aux banques turques.

L’Argentine représente un autre détonateur potentiel : le pays s’enfonce chaque jour dans la crise financière et politique, avec une inflation de 26 %, et un gouvernement Macri qui persiste dans une politique suicidaire, dictée par le FMI, de stagnation salariale et d’austérité budgétaire. La contestation sociale se fait de plus en plus forte, avec des grèves, des manifestations anti-FMI, etc. Jeudi dernier, Macri a opposé son veto à une loi votée au Sénat la veille visant à réduire les hausses de tarifs de l’énergie en les ramenant au niveau de novembre dernier (les prix du gaz et de l’électricité ont augmenté de 1300 % au cours des deux dernières années). Le simple fait que le projet de loi ait été présenté a fait paniquer les marchés et investisseurs internationaux.

Le véritable visage du « libéralisme » apparaît de plus en plus à la lumière : celui d’une « occupation » financière des pays – comme l’avait dénoncé Jacques Cheminade pendant la campagne présidentielle de 2017 – par des forces logées à la City de Londres et à Wall Street, et opérant au travers des réseaux financiers ultra-opaques et criminels.

Avec l’imminence d’une nouvelle grande crise financière, l’occasion se présente pour apporter aux Français – qui errent dans la vallée des égarés et des désillusionnés de la politique – la véritable alternative qu’aucune force d’opposition, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche, n’a pour l’instant été capable de leur apporter : mise en faillite contrôlée des méga-banques, séparation stricte entre les banques de dépôt et les banques d’affaires (Glass-Steagall), et banque nationale pour émettre du crédit public orienté vers l’économie réelle. S&P est mobilisé pour cela. Rejoignez-nous !