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L’Italie : cap sur la Chine

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Christine Bierre
Rédactrice-en-chef du journal Nouvelle Solidarité

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Octobre 2017 : l’arrivée à Mortara en Italie du premier convoi ferroviaire en provenance de Chine. Crédit : giornaleditreviglio.it

S&P—Ça aurait pu être la France, qui a déjà une excellente relation avec la Chine. Et bien non ! Suite aux incohérences et à l’incompétence des politiques à Paris, c’est l’Italie qui établira la première, un partenariat stratégique avec la Chine et son Initiative Une Ceinture, Une Route (ICR). Une bonne leçon pour Emmanuel Macron qui doit apprendre à mettre la géopolitique gagnant-perdant au placard et s’essayer à la logique des accords gagnant-gagnant proposés par la Chine ! Et sans rancœur aucune contre l’Italie !

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Le professeur Michele Geraci, sous-secrétaire d’Etat au Développement économique.

Le gouvernement italien vient d’annoncer qu’une délégation dirigée par Giovanni Tria, ministre de l’Economie et des finances, et par Michele Geraci sous-secrétaire d’Etat au Développement économique, se rendra en Chine, du 27 août au 2 septembre, pour discuter concrètement d’une coopération monétaire ainsi que d’une participation italienne à ICR.

Tous deux, notons-le, parlent couramment le chinois.

Le choix de Tria de « briser la tradition », en consacrant son premier voyage en tant que Ministre, à la Chine, et non à Bruxelles, ou à un pays important de l’UE comme l’Allemagne ou la France, sème déjà la panique dans les cercles européistes.

Dans un entretien à Corriere della Sera, Geraci a clarifié la stratégie italienne :

Par ce voyage, le gouvernement cherche à communiquer l’idée que c’est le gouvernement italien tout entier, et non quelques individus isolés, qui souhaitent ouvrir la voie à une coopération très importante avec la Chine.

Tout d’abord l’Italie cherche des investisseurs qui remplaceront les achats des bons du trésor italiens indexés (BTP) faits par la Banque centrale européenne, lorsque celle-ci mettra fin aux politiques d’assouplissement quantitatif à la fin de cette année. Mais, elle cherche aussi des coopérations économiques conjointes. (...) La Chine cherche des investissements [financiers] alternatifs. Le fait d’acheter des bons du trésor italiens qui rapportent plus que d’autres, est paradoxalement, ce qui les rend attractifs.

Geraci a précisé cependant que lors du voyage :

Tria s’occupera plus des bons pendant que je me concentrerai sur d’autres types de coopération, allant du projet chinois de la Nouvelle Route de la soie, à l’Afrique avec [des projets] liés à l’immigration en passant par des investissements en Italie .

Répondant aux questions inévitables sur le danger des investissements chinois en Europe, Geraci a répondu :

Si les Chinois investissent dans les infrastructures et les transports, je ne vois pas de problème ; au contraire. S’ils construisent un dock supplémentaire dans un port italien ; ils sont les bienvenus. Même chose pour ce qui concerne les lignes aériennes : s’ils achètent une part minoritaire dans Alitalia, je ne vois pas de problème. En général nous ne sommes pas en bonne forme dans le domaine des infrastructures et la Chine peut apporter une contribution positive. Sur les infrastructures et les transports, la Chine est le pays qui aujourd’hui est le plus avancé.

La Chine s’intéresse en particulier à la construction d’un port dans l’Adriatique « pour atteindre l’Europe avec ses marchandises, aussi loin au Nord que possible, parce que se déplacer par mer est moins cher que par voie terrestre. Trieste serait la meilleure solution : les investissements chinois visent à élargir ses capacités y compris logistiques. Trieste est optimale, non parce que c’est en Italie mais parce c’est sur la frontière favorisant une connectivité avec l’Europe de l’Est et du Nord ».

Puis, concernant la menace de « l’expansionnisme » chinois, Geraci a qualifié cela de « peurs venant de l’Europe du Nord. Personne en Grèce ne se plaint, parce que les Chinois ont agrandi le Pirée ».

Quant au danger que l’Italie tombe dans le piège de la dette envers la Chine, Geraci déclarait :

Je ne crois pas que l’Italie court le risque de tomber dans ce piège. Ca dépend non du prêteur mais du pays qui reçoit les investissements. L’Italie a beaucoup de ressources et je pense que la relation Rome-Beijing peut représenter un bon partenariat. En Europe, [les Chinois] interviennent dans un pays à la fois. Nous avons la possibilité d’être aux premières loges dans cette relation ; nous pouvons avoir l’ambition d’établir une relation privilégiée.

Plus tôt, le même journal rapportait que le gouvernement chinois veut impliquer Rome dans son Initiative Une Ceinture, Une Route, le projet d’infrastructures qui longe les routes commerciales de la superpuissance chinoise. Il s’intéresse aux ports du Sud et à Trieste pour installer des terminaux pour des bateaux de marchandises venant de la Chine du Sud, via l’Océan indien et Suez.

Task Force Cina

Dans un communiqué daté du 20 août 2018, le Ministère italien du développement économique annonce la création d’une « Force opérationnelle Chine » sous la direction du sous-secrétaire d’Etat au Développement économique, Michel Geraci.

Le communiqué annonce que

Parmi les objectifs principaux de cette Task Force il y a le renforcement de la relation entre la Chine et l’Italie dans les domaines des échanges, de la finance, des investissements, de la R&D, des coopérations conjointes en pays tiers et celui de garantir à l’Italie une position de leadership en Europe vis à vis des initiatives chinoises d’Une Ceinture Une Route et du Made in China 2025.

Dans une longue annexe, le Ministère exprime sa volonté :

d’aider les compagnies italiennes à participer à des programmes d’investissement chinois, financés par l’Initiative Une Ceinture, Une Route en Chine, tout le long de la Nouvelle route de la soie, et en même temps stimuler des investissements et un transfert du savoir chinois dans le développement des infrastructures, de l’énergie et des réseaux de transports en Italie. Avec 25 000 km de chemins de fer à haute vitesse déjà construits et 21 000 km nouveaux prévus, pour ne mentionner qu’un des exemples possibles, la Chine est actuellement le pays qui, plus que tout autre au monde, a le meilleur savoir-faire dans le domaine du développement infrastructurel. »

Et enfin, dans une autre partie de l’annexe on lit :

La Chine peut aider l’Italie à résoudre le problème de l’immigration en aidant l’Afrique : la Chine est le pays qui a le plus investi en Afrique (déjà 340 milliards, beaucoup plus que les 70 milliards annoncés régulièrement par les analystes), avec des effets visibles déjà en termes de réduction des taux de pauvreté qui, dans le long terme, permettront de réduire les flux d’immigration vers l’Europe. L’engagement de la Chine en Afrique offre à l’Italie une opportunité historique de coopération internationale pour la stabilisation socio-économique du continent, crucial pas seulement pour trouver une solution solidaire et durable au problème de l’immigration, mais aussi en termes d’opportunités économiques qui surgiront dans le continent pour les compagnies italiennes.