Lyndon H. LaRouche
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Lyndon LaRouche (1922-2019) Sa vie, un talent sagement dépensé

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Lyndon LaRouche nous a quittés le 12 février 2019. Philosophe, politique et penseur économique, il a combattu inlassablement les axiomes destructeurs de la pensée dominante pour leur substituer une culture de la vie et de la découverte. Il a prévu avec une rare précision les principales crises financières et culturelles de l’après-guerre, en proposant toujours des solutions pour en sortir par une politique de développement économique mutuel.

Auteur de milliers d’articles et d’une centaine d’ouvrages, LaRouche est sans doute l’une des personnalités les plus contestées par les milieux dirigeants des élites anglo-américaines. Patriote et citoyen du monde, il rencontra au cours de sa vie les principaux dirigeants, responsables et intellectuels de l’Inde, du Mexique, de Russie et de nombreux autres pays, qui ont su l’accueillir et reconnaître sa dimension beaucoup mieux que des pays occidentaux livrés à l’hédonisme de marché et à la politique néolibérale.

Candidat une première fois comme indépendant à l’élection présidentielle américaine en 1976, puis sept fois candidat à l’investiture démocrate (1980, 1984, 1988, 1992, 1996, 2000 et 2004), LaRouche, après les assassinats de John Kennedy, Martin Luther King, Malcolm X et Robert Kennedy, se battra constamment pour que l’idéal que porte la Constitution des Etats-Unis puisse se concrétiser.

Il suscite l’animosité de ses adversaires en créant sa propre agence de presse et de renseignement privée, indépendante des grands médias, lui permettant d’évaluer de façon autonome l’état réel de l’économie américaine et les évènements politiques dans le monde. Il fonde également une association philosophique internationale, vouée à explorer l’antagonisme millénaire opposant la tradition platonicienne (source de créativité dans les sciences et les arts et fondement de l’Etat républicain) à celle de l’école d’Aristote (stérile et associée au modèle oligarchique impérial).

Son influence dépasse rapidement les frontières de son pays. Des centaines d’étudiants s’engagent à ses côtés dans plusieurs pays européens, au Canada et en Amérique du Sud. Comparables aux « Sociétés d’amis » qui, avant les Révolutions américaine et française, animaient la vie intellectuelle à la fin du XVIIIe siècle, ces réseaux travaillant sous la supervision de LaRouche, s’efforcent d’inspirer des changements politiques en agissant comme « un seul cerveau sur plusieurs continents ».

Pour LaRouche, tout citoyen d’une nation souveraine doit être capable d’appréhender les principes politiques qui touchent l’avenir de son pays et de l’humanité entière. Il doit se concevoir comme responsable de tout et de tous, sans préjugés réducteurs. Plus précisément, il s’agit de défendre sans compromis les politiques qui « promeuvent notre intérêt général et celui de notre postérité » et de combattre les mesures financières prédatrices visant à imposer des politiques racistes de dépopulation. Avec sa femme Helga, il est le premier à les dénoncer lorsqu’elles se drapent dans le manteau faussement moral de « l’écologisme » ou du « développement durable », visant plus particulièrement les pays de l’hémisphère Sud.

Bien que d’éminentes personnalités et institutions aient commencé depuis peu à lui rendre publiquement hommage, LaRouche n’a jamais pu voir sa vraie pensée équitablement présentée dans les grands médias. La ligne adoptée était soit de l’ignorer, soit de le diffamer lorsqu’on ne pouvait éviter de citer son nom.

Autant, sinon plus que l’individu lui-même, le pouvoir des idées de LaRouche a toujours inspiré une profonde crainte à ses adversaires. Le déchaînement auquel on a récemment assisté sur les réseaux sociaux et dans la presse, outre-Atlantique comme en Europe, représente le dernier hommage du vice à la vertu.

Qu’il s’agisse de ses « quatre lois » (ou points cardinaux) résumant ses propositions économiques, de son appel à une alliance entre les quatre grandes puissances mondiales (Etats-Unis, Chine, Russie et Inde), de son projet d’Initiative de défense stratégique (IDS), cette politique de paix par la « survie mutuelle assurée » adoptée par Reagan en 1983 et tournée en dérision par la presse en la réduisant à la « guerre des étoiles », ou encore de sa défense du nucléaire civil du futur (de l’énergie de fusion en particulier) – tout cela, les grands médias s’interdisent toujours d’en parler ou en déforment le message, y compris à l’occasion de son décès !

Si le peuple américain en venait enfin à découvrir ses solutions politiques, dont il n’a pu prendre connaissance à cause d’une « conspiration du silence » en vigueur depuis des décennies, il pourrait alors se ressaisir.

Dire que LaRouche « n’est pas un type fréquentable, mais on ne peut pas vous dire pourquoi », ne suffira plus à dissuader les gens de découvrir toute la stature du personnage. En détruisant la caricature à laquelle on essaye de le réduire, le vrai Lyndon LaRouche pourra enfin être connu et entendu. Pour apporter une pierre à cette reconnaissance, voici un bref récit, forcément incomplet, de sa vie, de ses idées et de son combat.

L’émergence d’un homme d’Etat

Pendant plus de quatre décennies, il se pose comme l’ennemi le plus tenace du système britannique impérial, notamment dans sa version adoptée après la Seconde Guerre mondiale, en tant que Commonwealth et centre d’influence idéologique.

L’expérience vécue par LaRouche en Birmanie et en Inde, où il sert sous les drapeaux de l’armée américaine, marquera durablement sa vision du monde.

En 1988, dans son essai autobiographique Le pouvoir de Raison, il rapporte :

Ce que j’ai vu à Calcutta en 1946 [lorsque les autorités britanniques firent mitrailler la foule, NDT] fit naître en moi la conviction que dans l’après-guerre, les Etats-Unis devraient prendre le leadership mondial afin de créer un nouvel ordre international, voué à promouvoir le développement économique de ce que nous appelons aujourd’hui les ‘pays en voie de développement’.

Fort de cette conviction, il lance la polémique contre les grands-prêtres de la pensée économique, héritiers des conceptions esclavagistes et prédatrices de la Compagnie britannique des Indes orientales, qui peuplent alors les universités américaines.

C’est avec la plus grande vigueur qu’il rejette la philosophie de Francis Bacon, Thomas Hobbes, Thomas Malthus, John Locke et de tous ceux qui réduisent l’homme à un simple animal logique. A l’opposé, il fait sienne la « science de l’économie physique  », conception théorisée en 1672 par le philosophe allemand Gottfried Leibniz (l’inventeur du calcul infinitésimal et, avec Denis Papin, de la machine à vapeur).

Après un travail intellectuel très intense entre 1948 et 1952, il jette les bases d’une « science de l’économie physique »et de sa propre méthode de prévision économique. En 1983, dans un livret intitulé « Cet homme deviendra-t-il président ? », ses associés affirment : « Ce que LaRouche fut le premier à identifier en 1952, c’est qu’en partant d’une conception de l’énergie pleinement en accord avec la thèse doctorale de Bernhard Riemann de 1854, ‘Sur les hypothèses qui sous-tendent la géométrie’, il est possible de mesurer aussi bien le progrès technologique que la croissance économique en termes d’énergie. Pour LaRouche, la valeur économique, c’est-à-dire la vraie croissance économique, se mesure essentiellement en termes d’accroissement du ‘Potentiel relatif de densité démographique’ (PRDD) d’une société », c’est-à-dire de sa capacité d’accueil, définie par son mode de production, son niveau technologique et son attachement au bien commun.

Il a toujours considéré son travail en économie comme l’expression, dans un domaine particulier, de sa contribution plus vaste à l’épistémologie (au sens anglo-saxon du terme, c’est-à-dire l’étude de la capacité de l’homme à connaître).

Dans un texte de 1988, « Beethoven en tant que physicien », LaRouche écrit : « Mes découvertes les plus importantes, dans tous les domaines où je me suis investi, sont fondées sur ma réfutation des antinomies [paradoxes, NDT] que Kant formule dans sa Critique de la faculté de juger (1790). Il y affirme deux choses qui intéressent notre démonstration.

« D’abord, tout en reconnaissant l’existence de processus créateurs qui engendrent des découvertes scientifiques, Kant souligne que ces processus eux-mêmes échappent totalement à la compréhension humaine. J’ai démontré que c’est erroné, et c’est en réfutant cette affirmation que j’ai développé une représentation intelligible de ces processus créateurs et donc une métrique pour mesurer le progrès technologique en tant que tel.

« Ensuite, sur la base de la première prémisse, Kant allègue qu’il n’existe aucun critère intelligible de vérité ou de beauté en esthétique. Le fait que l’irrationnel se soit emparé à ce point de l’art moderne et qu’on ait pu le tolérer, découle en grande partie de l’acceptation, notamment en Allemagne, de cette thèse sur l’esthétique de Kant, réaffirmée plus tard par Savigny.  »

Ses écrits sur la musique, l’économie, l’histoire, le langage et les sciences physiques suscitent des échanges constants dans tous les domaines de la pensée. Sa collaboration avec Norbert Brainin, premier violon du Quatuor Amadeus, est l’une des plus significatives, dans un domaine où le politique n’a généralement pas son mot à dire.

LaRouche se voit non pas comme un politicien, mais en « homme d’Etat » cherchant, comme dans la République athénienne, à pratiquer l’art du gouvernement au sens socratique. Son enseignement, notamment lors d’une série de cours et de débats qu’il organise en 1966, lui permet d’affiner et de populariser son approche et donne lieu à la création de mouvements et d’organisations reprenant ses idées.

Dans les années 1970, beaucoup de gens découvrent ses idées lorsqu’il les confronte à celles des autorités politiques ou économiques établies. Son débat avec Abba Lerner, l’économiste keynésien en vogue à l’époque, face à l’auditoire du Queens College de New York, le 2 décembre 1971, constitue un événement déterminant. Poussé dans ses retranchements par LaRouche, Lerner finit par déclarer que « si les politiques d’austérité du ministre allemand des Finances Hjalmar Schacht avaient été adoptées, (…) Hitler n’aurait pas été nécessaire ». L’obtention de cet aveu, mettant en lumière la substance des politiques économiques fascistes et leur réapparition sous d’autres formes à la fin du XXe siècle, aura pour conséquence d’écarter à jamais LaRouche du débat public. Les néolibéraux, alors alliés aux militaires au pouvoir en Amérique du Sud, ne peuvent en effet accepter cette voix qui les met en cause.

A l’époque, il dispense dans les universités un enseignement intitulé « économie dialectique », sous forme de dialogue entre lui et des figures philosophiques, économiques et scientifiques de l’histoire, qu’il évoque avec la précision d’un conteur, toujours sans la moindre note et en écartant tout esprit académique. Il fournit à ses étudiants une liste d’auteurs et de textes à lire, en leur indiquant les priorités de la semaine par rapport au déroulement de son cycle de conférences. Un étudiant se rappelle qu’« il pouvait nous demander de préparer la séance en étudiant par exemple tel ou tel passage de la ‘Critique de la raison pratique’ de Kant. Le jour du cours, LaRouche résumait le passage en question de façon précise, en dégageant l’idée directrice de façon convaincante, avant de le démonter morceau par morceau. Du fait que vous l’aviez lu et étudié, et en aviez donc accepté le sens, il vous amenait à débusquer ce qui avait piégé votre esprit. Il vous démontrait la différence entre lire et penser. Ce n’étaient donc pas des cours au sens ordinaire du terme, mais plutôt des appels à penser, y compris contre soi-même. Et c’est justement cela qui nous amena à nous engager. »

Le courant politique animé par LaRouche s’organise sous le nom de National (puis International) Caucus of Labor Committees (ICLC, Conseil international des comités ouvriers), une organisation philosophique structurée autour de conférences organisées généralement deux fois par an. L’ICLC met sur pied plusieurs autres associations, la Fondation pour l’Energie de Fusion (FEF), le National Democratic Policy Committee (NDPC), la Coalition anti-drogue (CAD), entre autres. L’Europe à son tour voit s’implanter des antennes de l’ICLC sous l’étiquette European Labor Committees (ELC), en France, Allemagne, Italie, Belgique, Danemark et Suède. L’ICLC s’étend également au Canada, au Mexique, en Colombie, au Pérou, en Australie et dans de nombreux autres pays.

En décembre 1977, il épouse Helga Zepp, une citoyenne allemande à l’esprit indépendant et combattif, future fondatrice de l’Institut Schiller, une association promouvant le bien public et la Renaissance de la culture classique, en reprenant le meilleur de ce que chaque pays peut apporter, afin d’instaurer la paix entre les peuples par le développement mutuel.

« A l’automne 1977, je lui suggérai qu’on se marie (…) Je fus un peu surpris, agréablement bien sûr ! qu’elle y consente (…) Rien d’ordinaire ne caractérisait nos existences, et rien n’indiquait qu’il puisse en être autrement. Nous nous sommes mariés à Wiesbaden le 29 décembre 1977. La cérémonie était en allemand et le fonctionnaire de l’état civil me demanda en allemand si j’étais au courant de ce qui était en train de se passer. Cette histoire a fait rire mes amis pendant des semaines. »

Lyn et Helga ne se sont plus quittés.

Le caractère combattif et le style polémique des campagnes, électorales ou non, de LaRouche et de ses associés est unique dans la vie politique américaine des années 1970, 1980 et 1990. Cet esprit de combat est toujours vivant parmi nous aujourd’hui.

En 1976, avec son « Message d’urgence à la nation », LaRouche est le premier candidat (indépendant) de l’histoire américaine à acheter une demi-heure de temps d’antenne à la télévision. En 1984, il récidive avec quinze émissions de trente minutes chacune, animant constamment le débat. La présence systématique de LaRouche comme candidat présidentiel, ainsi que celle de ses associés lors de scrutins de toutes sortes (avec 1000 candidats rien qu’en 1986), incite de nombreux citoyens, non seulement à se présenter à des élections, mais surtout à introduire dans le débat des sujets dont l’importance dépasse de loin les préoccupations locales. D’abord irritée, puis terrifiée par ces campagnes qui peuvent changer l’état d’esprit de la population, l’oligarchie anglo-américaine s’emploie très tôt à discréditer LaRouche et ses militants.

En 1975, il appelle à créer une Banque internationale pour le développement (IDB), visant à remplacer le FMI afin de développer le « tiers-monde » en mettant fin à l’apartheid technologique. Non seulement en acceptant d’y transférer les technologies plus avancées de l’hémisphère Nord, mais en favorisant la création sur place de centres agro-industriels intégrés, permettant à ces pays de sortir de l’esclavage de la dette en accédant à une réelle indépendance économique.

Lors de la session plénière de l’ONU en 1976, l’ancien ministre des Affaires étrangères du Guyana, Fred Wills, plaide en faveur de l’IDB proposée par LaRouche. Ses concepts sont présentés et discutés au sommet des pays non-alignés à Colombo (Sri Lanka), la même année. Vivement intéressés par cette approche, le président mexicain José Lopez Portillo, ainsi que le Premier ministre indien Indira Gandhi, rencontrent le couple LaRouche et reprennent à leur compte certains éléments de ce que LaRouche détaille longuement dans trois documents qui restent d’une grande actualité : « Opération Juarez » (pour le Mexique), « L’industrialisation de l’Inde, ou comment passer, en 40 ans, de pays arriéré à une puissance industrielle » et « Une politique de développement sur cinq décennies pour la région indo-pacifique » (Inde-Asie).

La méthode, non-conventionnelle, adoptée pour diffuser les idées défendues par LaRouche est socratique : elle consiste à interpeller les gens en leur montrant leurs contradictions par rapport au défi politique de la situation nationale et internationale. Les militants vont à la rencontre des populations, devant les entreprises, centres administratifs, bureaux de poste, aéroports ou campus universitaires, constituant l’embryon d’un mouvement politique de masse aux Etats-Unis.

Ce contact direct avec la population américaine leur permet, beaucoup plus qu’à toute autre force politique, d’avoir une lecture du « terrain » et de comprendre ce qu’il se passe réellement dans le pays.

Des éléments corrompus du Département de la Justice, des organisations para-étatiques et du renseignement américain interviennent alors pour tenter d’arrêter la vague politique qui se dessine. Ils privent les « larouchistes » du droit de s’exprimer librement, au mépris du 1er amendement de la Constitution américaine, et n’hésiteront pas à qualifier son organisation de « secte » afin de dissuader les gens d’y adhérer.

Aucun de ses détracteurs n’a jamais été capable de récuser le bienfondé de ses prévisions économiques, qu’il s’agisse de sa prévision, en mai 1971, de la fin des accords de Bretton Woods, décidée le 15 août 1971, ou de son anticipation, en juillet 2007, de l’explosion de la bulle des subprimes et de la faillite de Lehmann Brothers en septembre 2008.

Certaines de ses prévisions dépassent le cadre économique. C’est ainsi que le 12 octobre 1988, lors d’une conférence de presse à l’Hôtel Kempinski à Berlin, LaRouche déclare :

« Professionnellement, je suis un économiste dans la tradition de Gottfried Wilhelm Leibniz et de Friedrich List en Allemagne, ainsi que d’Alexander Hamilton et de Matthew et Henry Carey aux Etats-Unis. Mes principes politiques sont ceux de Leibniz, List et Hamilton et s’accordent avec ceux de Friedrich Schiller et de Guillaume de Humboldt. Comme les ‘pères fondateurs’ de la République américaine, j’ai une foi inébranlable dans le principe de la souveraineté absolue des Etats-nations et je m’oppose donc à toute autorité supranationale qui pourrait la miner. Cependant, comme Schiller, j’estime que tout individu qui aspire à devenir une ‘belle âme’ doit, tout en étant un vrai patriote de son propre pays, être également un citoyen du monde.

«  C’est pourquoi, durant ces quinze dernières années, je suis devenu un expert concernant les affaires étrangères de mon pays. En conséquence de ce travail, je dispose désormais d’une influence croissante et significative parmi certains cercles de mon gouvernement, en matière de défense et de politique étrangère. Le rôle que j’ai joué, en travaillant en 1982 et 1983 auprès du Conseil national de sécurité (NSC) des Etats-Unis pour faire adopter la politique dite d’Initiative de défense stratégique (SDI), en est un exemple. Si les détails [de cette coopération] doivent rester confidentiels, je peux vous dire que mes évaluations de la situation stratégique sont aujourd’hui prises au sérieux bien plus qu’elles ne l’ont jamais été. Ainsi, je peux vous assurer que ce que je vous présente ici aujourd’hui, au sujet de la perspective d’une réunification allemande, sera examiné avec le plus grand sérieux au plus haut niveau du gouvernement américain. Dans des conditions appropriées, beaucoup s’accordent à reconnaître que le moment est venu d’effectuer les premiers pas vers une réunification allemande, avec la perspective évidente que Berlin en redevienne la capitale. »

Sous attaque

Deux jours après cette allocution à Berlin, LaRouche et plusieurs de ses associés sont mis en examen par la Justice américaine. Réagissant devant le Club national de la presse, LaRouche déclare, non sans ironie, que « tous ceux qui commettent des crimes contre Dieu, l’humanité ou les deux, sont punis tôt ou tard ».

Déjà, deux ans plus tôt, en 1986, sa vie avait été gravement mise en danger, comme il le raconte en 2004 dans une brochure polémique intitulée : « Inculpez-le ou tuez-le ! La nuit où ils sont venus me tuer » :

Le 6 octobre 1986, une armada de plus de 400 individus armés fit une descente sur la ville de Leesburg, en Virginie, pour effectuer une razzia sur les bureaux de l’EIR [Executive Intelligence Review, magazine publié par son mouvement] et y accomplir une autre mission, plus obscure. Le terrain où se trouvait ce qui me servait alors de résidence fut encerclé. Une armée composée de forces aériennes, de blindés et d’autres unités, se préparait à y pénétrer en ouvrant le feu. Heureusement, cette descente de police visant à m’éliminer n’eut pas lieu, parce qu’une autorité, au-dessus du patron de la Justice criminelle, William Weld, ordonna que l’opération soit abandonnée. Ce n’est qu’au petit matin que les forces qui se préparaient à nous tuer ou nous capturer, ma femme, mes associés et moi-même, se retirèrent. Ce fut le deuxième cas prouvé où le département de la Justice américain joua un rôle dans une tentative de m’éliminer personnellement de la scène politique.

La condamnation de LaRouche et de six autres co-inculpés devant la Cour d’Alexandria (Virginie), en décembre 1988, et leur emprisonnement le 27 janvier 1989, provoquent à l’époque une vague d’indignation aux Etats-Unis et dans le monde entier. Et c’est encore le cas aujourd’hui.

Pour l’ancien ministre de la Justice américain Ramsey Clark,

On est devant un large éventail de fautes intentionnelles et d’abus de pouvoir systématique portant sur une très longue période, en vue de détruire un mouvement politique et un dirigeant, dépassant de loin toute autre procédure juridique que j’ai eue à connaître durant toute ma carrière.

Un dossier publié par l’EIR en septembre 2017, « Robert Mueller est un tueur judiciaire immoral : il fera son boulot si on le laisse faire », documente en détail comment ce procureur spécial, aujourd’hui chargé d’enquêter sur Donald Trump, n’est autre que celui qui mena la persécution judiciaire contre LaRouche dans les années 1980

De sa cellule, LaRouche, continue à écrire, ou dicte par téléphone, des chapitres entiers de ses livres. Outre un recueil de textes écrits en prison, publié sous le titre « La science de l’économie chrétienne et autres écrits de prison », d’autres restent encore à publier.

En 1989, lorsqu’il devient évident que l’URSS et le Comecon connaissent des difficultés croissantes, LaRouche et sa femme élaborent le concept de « Triangle productif Paris-Berlin-Vienne », vecteur d’une relance économique mondiale, étendu par la suite à la dimension d’un « Pont terrestre eurasiatique ». Après l’effondrement de l’URSS, ce plan prévoit l’intégration économique des centres urbains et industriels européens avec ceux de l’Asie, grâce à des « corridors de développement ». L’objectif est de passer d’un monde défini par la géopolitique et le néo-libéralisme à un nouvel ordre de paix par le développement mutuel.

C’est, à l’époque, le seul plan de paix globale concret pour le XXIe siècle. S’accrochant à leur vision d’un monde « unipolaire », basé sur le libre-échange et la mondialisation financière, les élites anglo-américaines font tout ce qui est en leur pouvoir pour torpiller l’initiative de LaRouche et le maintenir en prison. Pour elles, en effet, le « Pont terrestre eurasiatique », ayant pour piliers les infrastructures et l’essor technologique, incarne l’alternative intolérable à leur économie de profit monétaire et de pillage.

Deux décennies plus tard, l’Initiative chinoise une ceinture, une route (ICR) est porteuse du même principe et du même combat au niveau mondial que le Pont terrestre eurasiatique.

Changer la vie de milliers de personnes

Après sa libération de prison, le 26 janvier 1994, LaRouche poursuit son travail de prévisionniste. En 1995, il élabore son diagramme de « triple courbe », qui démontre de façon pédagogique comment une hyperinflation prédatrice « à la Weimar » s’est emparée de l’économie transatlantique et condamne le système financier à sa chute, à moins de le mettre en faillite ordonnée et de le réorganiser de fond en comble, en s’inspirant du Glass-Steagall Act, la loi de séparation bancaire adoptée par Franklin Roosevelt à l’époque du New Deal.

Début 2001, constatant qu’on est entré dans la phase explosive de la « bulle internet » de 1999-2000, LaRouche avertit qu’une attaque terroriste « sous faux drapeau » pourrait frapper une ou plusieurs villes américaines. Il évoque, dans le cadre de l’ingouvernabilité croissante d’une Amérique en dépression, le précédent politique de l’incendie du Reichstag (organisé en sous-main par Hitler afin de justifier la mise en place du régime nazi). Le 11 septembre 2001 est l’expression, sous une autre forme, de cette anticipation.

De même qu’en mai 1987, il avait prévu un krach boursier qui se produit effectivement en octobre 1987, le 25 juillet 2007, soit un peu plus d’un an avant la chute de Lehmann Brothers (intervenue en septembre 2008), LaRouche déclare :

Le système financier actuel prend le chemin de la désintégration. Rien de mystérieux à cela. J’en ai parlé depuis un certain temps, cela suit son cours, rien ne l’arrête. Ce que les marchés financiers présentent comme valeur des actions ou valeurs boursières ne vaut pas un kopeck ! C’est du vide, il n’y a aucune substance derrière. Quelle possibilité d’envisager un ‘non effondrement’ du système financier actuel ? Aucune ! C’est la fin, et c’est maintenant !
(…) Ce système financier ne peut survivre en aucune circonstance, sous aucune présidence, sous aucune direction d’une ou de plusieurs nations. Seul un changement fondamental et très rapide du système financier mondial pourrait empêcher une dérive brutale conduisant à un effondrement en chaîne du système. Il reste à savoir à quel moment cela se produira, mais cela se déclenchera fatalement et ce sera inarrêtable. Et plus l’effondrement tardera, plus il sera dévastateur
.

Comme le démontrent ces remarques, LaRouche est toujours sur la brèche. Au tournant du siècle, lui et ses associés renouvellent leurs efforts pour recruter de jeunes adultes dans la bataille. Le succès est tel qu’en différents endroits du pays, le Parti démocrate, qui n’a rien à offrir à la jeunesse, tente de l’imiter ou de coopter le mouvement.

Des milliers de jeunes viennent s’intégrer dans un processus d’éducation mutuel. Constituant un véritable antidote à la contre-culture dégradante du « no future » qui envahit les Etats-Unis, des textes et des vidéos pédagogiques voient le jour, illustrant la méthode ayant permis à Kepler de découvrir les lois de la gravitation universelle, l’apprentissage du chant classique grâce au bel canto développé à la Renaissance, ou encore l’histoire ancienne et contemporaine des Etats-Unis. Un véritable arsenal permettant de former des esprits humains créateurs est ainsi constitué.

Depuis son accession au rang de personnalité publique il y a 50 ans, la seule tragédie qui marqua la vie de Lyndon LaRouche, c’est qu’il n’eut jamais l’occasion, en devenant président ou conseiller d’un président en exercice, de mettre en œuvre les réformes économiques qui auraient pu améliorer la vie de dizaines de milliers d’Américains et de centaines de millions de gens dans le monde.

En le jetant en prison et en s’efforçant par tous les moyens de le diffamer et de le discréditer, les ennemis de LaRouche ont réussi à l’écarter du pouvoir aux Etats-Unis et à empêcher que sa conception du monde fasse prévaloir la justice sociale et le développement mutuel. Ils ont cependant échoué à détruire ses idées et les courants qu’il a inspirés aux Etats-Unis et dans le monde. Ceux-ci restent bien vivants et continuent à se battre pour ce qu’il a transmis d’essentiel, le rendant ainsi beaucoup plus vivant aujourd’hui que ceux qui se bornent à vivre.

Bien qu’il ait compté parmi ses amis beaucoup de spécialistes éminents dans leur domaine (en science, en musique, en économie ou en politique), son plus grand ami, à part sa femme Helga, fut et reste « l’homme oublié » des Etats-Unis et de tous les autres pays du monde.

Documents de référence :

Ecrits et vidéos :

Controverses :