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Bâtir la nouvelle « Route de la soie » pour assurer la sécurité en Asie et en Europe

par Helga Zepp-LaRouche

9 novembre 2004

Solidarité et Progrès s’est engagé depuis plusieurs années à répercuter en France la campagne initiée par la présidente internationale de l’Institut Schiller, Helga Zepp-LaRouche et le Dr Jonathan Tennenbaum, lors des multiples visites en Chine, afin de promouvoir notre projet de « pont terrestre eurasiatique ».

Le Pont terrestre eurasiatique reliant l’Europe à l’Asie par des corridors de développement désenclavant la masse continentale.

Ce programme d’investissement dans des grands travaux d’infrastructures entre l’Asie et l’Europe a été présenté comme alternative à la mondialisation et au développement de la spéculation parmi les « dragons asiatiques ».

L’intervention d’Helga Zepp-LaRouche lors d’un symposium organisé par le gouvernement chinois à Pékin en mai 1996 avait été très remarquée, dans la mesure où le programme qu’elle proposait ainsi que la nature même de son approche se trouvaient en totale opposition aux thèses libérales et malthusiennes du représentant de l’Union européenne sir Leon Brittan.

L’éclatement de la crise en asie au cours de l’été 1997 (en partie à cause des actions de spéculateurs occidentaux désireux de détruire les chances d’un développement véritable du continent asiatique) venait confirmer la supériorité de l’approche d’Helga Zepp-LaRouche et de son mari.

Nous présentons ici le texte de l’exposé présenté par madame LaRouche lors du Symposium international du 8 mai 1996, organisé par le gouvernement chinois sur le thème : « Le nouveau pont terrestre asiatique ».

La rédaction

Bâtir la nouvelle « Route de la soie » pour assurer la sécurité en Asie et en Europe

par Helga Zepp-LaRouche

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Helga Zepp-LaRouche interviewée en 1996 par la télévision chinoise sur le port de Lianyungang, devant la stèle indiquant le terminus oriental du pont terrestre eurasiatique.

Bien que l’ouverture en 1989 des frontières entre l’Est et l’Ouest ait mis irréversiblement fin à l’ordre de l’après-guerre défini par les accords de Yalta, et que le monde, depuis la fin de l’Union soviétique, ne soit plus défini par des constellations bipolaires, les vieilles idées d’« équilibre des puissances » ont toujours cours en bien des endroits. Les adeptes de cette ligne considèrent que les « intérêts » d’une nation se résument à la lutte pour le contrôle de ressources naturelles ou à des « sphères d’influence ». Il y a quelques années, le politologue américain Samuel Huntington a même lancé la thèse du « choc des civilisations ». Selon lui, des différences insurmontables entre diverses cultures du monde finiront, inévitablement, par provoquer de nouvelles vagues de conflits armés.

On ne saurait tomber dans ce piège, tendu pour des motifs géopolitiques. il n’y a aucune contradiction entre cultures de ce monde qui ne puisse être surmontée. Au contraire, la caractéristique même de l’homme, qui le différencie de tous les autres êtres vivants, réside dans sa raison créatrice. C’est cette qualité universelle qui unit tous les hommes et permet à l’individu de se hisser à des niveaux toujours plus élevés pour résoudre les conflits. En Chine, cette philosophie remonte notamment à Confucius, dont la pensée était universelle.

C’est avec la même philosophique que l’économiste américain Lyndon LaRouche a proposé un programme économique reposant sur l’idée que seule la reconstruction globale de l’économie mondiale permettra de sortir par le haut de la crise actuelle. Le développement du pont terrestre tanscontinental eurasiatique et l’intégration du continent eurasiatique sont au coeur de ce programme.

Lyndon LaRouche a formulé sa première proposition lors d’une conférence de presse à Berlin en octobre 1998, et la présenta peu après au public américain dans une émission télévisée nationale. En novembre 1989, juste après la chute du mur de Berlin, il élaborait un programme de « Triangle productif », dans lequel il définissait les grandes lignes de la coopération Est-Ouest ; il s’agit d’utiliser à fond le potentiel industriel et technologique de la région située entre les villes de Paris, Berlin et Vienne, pour ouvrir des couloirs de développement dans l’ensemble de l’Eurasie.

Une première grande percée concrète dans cette direction fut l’ouverture du pont transcontinental entre la Chine et les nations de la CEI (ex Union soviétique) en 1992. Ensuite, toute une série de conférences et de publications sur le même thème, en Chine et dans d’autres pays, ont confirmé la tendance à vouloir résoudre la crise de cette manière. Quelques années plus tard, le président de la Commission européenne Jacques Delors présentait un plan de transport qui portait son nom, dont l’ampleur, toutefois, était limitée à l’Europe et qui, en raison de la « logique de Maastricht », n’a pas même commencé à être réalisé.

Toute étude économique compétente doit partir du fait que trois quarts de la population mondiale, soit 4,4 milliards d’individus, vivent en Eurasie et que, bientôt, avec un « développement » normal, sans catastrophe, cette population atteindra sept à dix milliards.

Si, dans les années à venir, nous voulons empêcher des catastrophes économiques et démographiques, il sera urgent de vaincre le sous-développement actuel dans de vastes parties de l’ex-Union soviétique, de la Chine, de l’Inde, de l’Asie du Sud et du Sud-Est, en leur assurant des infrastructures de base (approvisionnement en eau, réseaux de transports modernes, production et distribution d’énergie).

On voit déjà en Europe les conséquences que peut avoir l’absence d’une telle politique de développement économique. Comme on le sait, l’Europe de l’Est et l’ancienne Union soviétique se sont engagées dans la voie de la privatisation des entreprises publiques et du libéralisme débridé. Cinq ans après, les capacités industrielles et agricoles de ces pays ont chuté, dans certains secteurs de 50%. En Russie, le niveau démographique a baissé d’un million de personnes par an au cours de la période récente. En même temps, les tensions nationales et ethniques dans les anciens États du Comecon ont terriblement augmenté, en premier lieu à cause de l’aggravation des conditions de vie.

La paix par le développement

Nous, nous proposons une voie totalement différente de celle-là. Les gouvernements de l’Eurasie devraient s’entendre sur un programme d’infrastructures intégrées reliant les centres industriels d’Europe et d’Asie aux concentrations de population en Asie du Sud et du Sud-Est, le long de « couloirs de développement ». La mise en place de ces axes de circulation, à partir de grands projets d’équipements (transports, énergie, eau et communications), servirait de tremplin pour le développement industriel de la masse continentale eurasiatique. Elle pourrait par là même être la locomotive pour sortir de la crise économique mondiale.

Seule cette forme de coopération économique, dans l’intérêt de toutes les nations participantes, peut garantir une paix durable pour le XXI ème siècle. Il s’agit de la « paix par le développement ».

L’aspect central de ce programme est un réseau eurasiatique de trains à grande vitesse pour le transport de voyageurs et de marchandises. Les trois principales lignes indiquées sur la carte relieraient une soixantaine de grandes villes les unes aux autres. Une telle intégration de l’infrastructure provoquerait un véritable bond en avant de l’efficacité économique dans toute la région en question, où vivront un milliard de personnes. En liaison avec le réseau ferroviaire, il convient de moderniser et d’étendre les voies d’eau intérieures. La construction de nouveaux ports permettra une vaste extension du commerce maritime, qui sera nécessaire en raison de la croissance démographique prévue dans les bassins du Pacifique et de l’océan Indien au cours du siècle à venir. En même temps, il faut enfin réaliser les projets dans les principaux couloirs, sera une priorité. Pour que l’ensemble de la consommation énergétique, dans toute l’Eurasie, arrive au niveau de celle des Etats industriels, il faudrait produire 5 000 gigawatts, soit cinq fois les capacités actuelles.

(…) Dans le cadre d’un grand projet de ce type, toute réalisation même partielle des plans apporte non seulement un bénéfice national direct mais contribue, en même temps, à bâtir le monde du XXI ème siècle. Puisque le programme d’infrastructure esquissé ici est nécessaire pour créer les conditions du développement économique et agricole, mais n’est pas immédiatement rentable, étant plutôt orienté vers la prospérité générale, il est essentiel que le droit d’émettre du crédit revienne aux gouvernements souverains. Les banques nationales doivent être habilitées à ouvrir des lignes de crédit pour faire face aux besoins de création d’emplois productifs et à ceux des travailleurs engagés dans les grands projets. Comme ce crédit est lié à une production future, il crée en fait de la richesse, sans créer d’inflation. Il est même anti-inflationniste à deux titres : premièrement, les coûts improductifs du chômage sont éliminés, et deuxièmement, les coûts engendrés par le manque d’infrastructure disparaissent.


Le pont terrestre eurasiatique selon H. A. Cooper (1997), une clé pour intégrer tous les continents grâce aux corridors de transports à grande vitesse.

Les banques nationales émettent, par le biais de banques régionales, du crédit aux entreprises travaillant sur les divers projets. On peut démontrer le fait que, dans les pays occidentaux, les recettes fiscales encaissées suite à l’utilisation du crédit de cette manière ont toujours été plus importantes que les sommes investies au départ. (…)

La réalisation de projets d’infrastructure de cette ampleur mobilisera toutes les capacités industrielles, actuelles et nouvelles, de la part des nations participantes. Rien qu’en Chine, il faudrait construire 100 000 kilomètres de nouvelles voies ferrées, un million de kilomètres de routes modernes et plusieurs centaines de kilomètres de nouvelles voies fluviales. (…)

Une réorganisation nécessaire du système financier

Le contexte historique dans lequel se déroule cette conférence de Pékin est extrêmement important. Le système financier actuellement hégémonique dans le monde entre dans sa phase finale, son écroulement est imminent. Si ce système, en faillite à cause des mauvaises politiques financières et économiques suivies depuis des décennies, n’est pas réorganisé par une procédure de mise en règlement judiciaire, et remplacé par un système nouveau, c’est l’ensemble de la planète qui est menacée. (…)

En dernière analyse, pour qu’une solution à la crise soit efficace, il faut que le président des États-Unis, en tant que dirigeant de la nation actuellement la plus influente du monde, poursuive la réorganisation su système. Il devrait avoir recours aux pouvoirs d’urgence que lui confère la présidence pour procéder à la mise en règlement judiciaire de la Réserve fédérale, sous le contrôle du Trésor. Selon la section 1 de la Constitution américaine, le président peut obtenir du Congrès le droit d’émettre, comme l’a fait le président Franklin Roosevelt, plusieurs milliers de milliards de dollars de crédit pour financer des projets d’infrastructure bien définis destinés à vaincre la dépression économique.

En même temps, le président américain doit convoquer les grandes puissances du monde pour une conférence, dans le but d’établir un nouveau système monétaire international, basé sur des parités monétaires stabilisées. C’est seulement de cette manière que seront assurés la relance et l’expansion de la production agricole et industrielle, suite à des investissements dans le progrès scientifique et technologique.

Ces problèmes ne peuvent être résolus à cette conférence, mais nous pouvons et devons considérer à quoi devrait ressembler la reconstruction économique dans les conditions les plus favorables d’un nouveau système financier. Si nous regardons l’avenir avec optimisme et commençons à partir de la supposition que la renaissance liée au développement de la nouvelle Route de la soie sera réussie, alors, au cours des 50 prochaines années, il faudra construire des milliers des nouvelles villes d’une taille de 300 000 à un million d’habitants. Nombre de ces villes seront des nuplexes intégrant des centrales nucléaires HTR qui produiront de l’électricité et de la chaleur industrielle pour l’industrie et l’agriculture régionales.

Ces villes, entièrement nouvelles, seront planifiées et conçues comme un tout, l’ensemble de l’infrastructure pouvant être bâtie sous terre, sous des formes modulaires. La construction de cités ne sera pas uniquement orientée vers l’expansion potentielle, mais aussi vers l’expression des meilleures traditions de la diversité culturelle de l’Eurasie en matière d’architecture. Nombre de ces nouvelles villes devraient être des « villes de science », favorisant la recherche multi-disciplinaire et fondamentale, ainsi que l’enseignement.

La science au bénéfice de toute l’humanité

Dans la renaissance future, l’idée selon laquelle la majeure partie des pays doit être privée de ce qu’on appelle les « technologies à double emploi » (civil et militaire), sera une relique du passé. Pour créer un futur positif pour l’espèce humaine, nous devons penser de manière au moins aussi moderne que Nicolas de Cues, le fondateur de la science naturelle au XV ème siècle. Ce grand penseur universel était convaincu que toute invention scientifique était si précieuse pour l’humanité, que toutes les nations devaient immédiatement y avoir accès, afin que personne ne fût exclu du développement. Il proposa un « pool de la science », où toute les découvertes seraient rassemblées pour le bénéfice de tous. Les nouvelles villes de la science en Eurasie devraient réaliser cet idéal.

Face à ce défi historique, nous devrons garder à l’esprit que l’expansion des marchés et l’accroissement du pouvoir d’achat est dans l’intérêt de tout le monde, car la source de la richesse générale n’est pas la possession des matières premières et le droit d’« acheter bon marché pour revendre moins cher ». La seule source de richesse, c’est la raison créatrice de l’individu, qui permet à chacun de faire de nouvelles découvertes, et donc de contribuer au progrès scientifique et technologique. La croissance qui en résulte en matière de productivité, voilà ce qui crée la richesse.

Nous devons décider comment nous voudrions que les futures générations se rappellent de nous. Souhaitons-nous qu’ils nous considèrent avec dédain, car nous ne leur aurons laissé qu’une société du « chacun pour soi », dominée par des intérêts égoïstes, et un monde de chaos ? Ou voulons-nous que nos petits-enfants et arrière-petits-enfants se souviennent de nous avec fierté et amour parce que, face à la crise existencielle de l’humanité, nous avons rassemblé tout ce que l’histoire universelle a apporté de grand et de noble pour inspirer une grande renaissance ? Alors, peut-être, nos futures générations diront de nous : oui, ils étaient comme les gens de la Renaissance italienne et de la dynastie Sung. Oui, peut-être diront-ils même que nous étions eu peu meilleurs.