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50 ans après : Pourquoi ont-ils tué Kennedy ?

22 novembre 2013

Par Bruno Abrial
Solidarité&Progrès

Le cours de l’histoire contemporaine n’est pas celui d’un long fleuve tranquille. L’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, en ce jour d’automne 1963 à Dallas, a été un tournant brutal de la politique américaine et un changement de paradigme pour le monde. Impossible de comprendre la dérive de l’hyper-puissance américaine ou les raisons de la crise financière qui nous frappe, sans éclaircir les zones d’ombre qui demeurent sur cet événement. Pour ce faire, il nous a semblé essentiel de vous présenter une version résumée d’un entretien accordé par Neil Gallagher, proche collaborateur et ami de John Kennedy, à nos amis américains du LaRouche PAC, et d’un article d’Anton Chaitkin paru dans le magazine Executive Intelligence Review. [1]

C’étaient Hoover et Dulles


22 novembre 1963 : la nouvelle de l’assassinat du président américain foudroyait le monde. « J’étais convaincu que s’il s’agissait d’une conspiration, alors seul le groupe de J. Edgar Hoover avait pu l’organiser  » , affirme Neil Gallagher. Hoover haïssait les Kennedy. Directeur du FBI depuis 37 ans, il exerçait une véritable terreur sur le peuple américain et sur ces élus, à travers les mises sous écoute, les persécutions et le chantage. Pour Gallagher, la thèse officielle du tireur solitaire, Lee Harvey Oswald, ne tenait pas : « Il est impossible qu’Oswald n’ait pas été surveillé au millimètre par les services de Hoover. Leur travail était précisément de contrôler toute personne passant par l’Ambassade soviétique. » De plus, Oswald était lié au groupe de Clay Shaw de la Nouvelle Orléans. A travers Permindex, une société écran en liaison avec la CIA, le MI6 britannique et la Division 5 du FBI, ce groupe était au cœur de l’assassinat de JFK, comme l’ont montré les enquêtes menées par le procureur de la Nouvelle-Orléans, Jim Garrison.

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John Edgar Hoover (1895-1972), premier directeur du Federal Bureau of Investigation (FBI) de 1924 jusqu’à sa mort.

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Allen W. Dulles (1893-1969) premier directeur de la CIA, du 26 février 1953 au 29 novembre 1961.

La nomination d’Allen Dulles, sombre personnage, au sein de la Commission Warren que le nouveau président Lyndon Johnson avait chargée d’enquêter sur l’assassinat, et qui allait conclure à la thèse du tireur solitaire, confirme la thèse d’un complot. Dulles haissait Kennedy, en particulier depuis que ce dernier l’avait limogé de la direction de la CIA, suite au fiasco de la Baie des cochons contre Cuba (en avril 1961). Dulles personnifiait aux yeux de Kennedy la dérive impérialiste des Etats-Unis depuis la mort de Franklin Roosevelt.

Chef de l’OSS (prédécesseur de la CIA) à Berne, Dulles avait organisé, avant même la fin de la guerre, la récupération de nombreux nazis qu’il intégra dans la lutte secrète contre le communisme au sein du réseau Gladio. Une puissante machine d’opérations clandestines fut ainsi mise en place, capable de provoquer partout des coups d’État et des assassinats. Écœuré par cette perversion de l’idéal américain, et conscient que cela pouvait entraîner le monde vers un conflit thermonucléaire, Kennedy pensait qu’il fallait cesser ces pratiques, mettre fin à la Guerre froide, et orienter le monde vers une politique de paix et de coopération.

Un jour, Gallagher avait demandé au président Lyndon Johnson : « pourquoi avez-vous nommé Allen Dulles à la Commission Warren ? » Celui-ci n’avait pas répondu. A la fin de sa vie, Johnson allait avouer n’avoir jamais cru qu’Oswald ait pu agir seul, et que tout le long de sa présidence, il avait eu le sentiment qu’un fusil était constamment braqué sur sa tempe...

Pourquoi ce président a-t-il été assassiné ? Pour Gallagher : « la présidence de John Kennedy a soulevé des questions sur le sens de la vie, la mortalité... Pourquoi l’espoir ? Pourquoi avoir des projets ? (…) Il inspirait l’espoir dans le monde entier, et en particulier aux jeunes ; leur voix était entendue, un sens était donné à leur vie ; ils pouvaient participer à l’action de leur gouvernement, pour le futur. Tout cela a été brisé par l’assassinat. »

La vraie Amérique

John F. Kennedy était profondément marqué par l’histoire de sa famille irlandaise. Son arrière-grand-père, Patrick Kennedy, avait été contraint d’émigrer aux Etats-Unis, pour fuir le génocide provoqué par l’Empire britannique. Appliquant délibérément la doctrine malthusienne, la population irlandaise a été décimée. Entre 1850 et 1900, famine et épidémies l’ont réduite de 9 à 4 millions. Kennedy comprenait ainsi jusque dans sa chair ce qu’était l’Empire britannique, et l’idéal que l’Amérique devait, au contraire, représenter pour l’humanité. Dès son premier discours politique, en novembre 1945, il oppose la vision de Churchill à celle de Roosevelt, montrant que si la politique de ce dernier avait sorti les États-Unis de la dépression économique, le système britannique repose traditionnellement sur l’exploitation des classes pauvres par une classe très riche.

Au cours des années 1950, Kennedy plaide pour libérer le tiers-monde de la pauvreté provoquée par les empires coloniaux anglais, français et hollandais. En 1957, lors d’un discours intitulé « l’impérialisme est l’ennemi de la liberté » , il appelle les États-Unis à soutenir les combattants algériens, et dénonce la politique d’Allen Dulles, alors directeur de la CIA, qui soutenait la politique coloniale française. En cela, il se retrouvera en parfait accord avec De Gaulle lorsque tous deux seront présidents.

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Kwame Nkrumah (1909-1972), fut Premier ministre du Ghana de 1957 à 1960, puis président de 1960 à 1966.

Peu avant son accession à la présidence, Kennedy se rapproche de Kwamé Nkrumah, le président du Ghana et père du nationalisme africain, et de Patrice Lumumba, futur Premier ministre du Congo. Nkrumah sera le premier chef d’État à être reçu à la Maison-Blanche après l’inauguration du nouveau président en 1961. Kennedy rejetait la vision dominante parmi les élites américaines, qui qualifiait de soviétique tout pays voulant rester non-aligné. En 1960, il déclare aux étudiants de Stanford : « appelez cela du nationalisme, ou de l’anti-colonialisme... les Africains veulent de meilleurs niveaux de vie. 75 % de la population vit actuellement de l’agriculture de subsistance. (…) Les peuples africains pensent que la science, la technologie et l’éducation dont dispose le monde moderne peut les libérer de cette lutte pour la survie.....  »

Les objectifs communs de l’humanité

L’intention de Kennedy était de retirer les troupes américaines du Vietnam, et de négocier une paix dans le monde par le développement mutuel. Il avait la force de caractère pour le faire, et les deux ans et demi de sa présidence ont été entièrement vouées à ces objectifs. Le monde entier comprenait qu’à travers lui, la véritable Amérique revivait. Il redonnait un sens que les objectifs communs de l’humanité étaient à nouveau en marche, que les problèmes accablant les hommes et les femmes depuis des siècles pouvaient être résolus. C’est cet optimisme culturel qu’ils ont assassiné.

Les années 60 regorgent d’assassinats : Patrice Lubumba en 1961, Enrico Matteï en 1962, JFK en 1963, Martin Luther King et Robert Kennedy en 1968. Il ne s’agissait pas d’événements isolés mais des reflets d’un changement de paradigme qui se confirma par la fin de Bretton Woods en 1971 et le retour des féodalités financières. Aujourd’hui nous nous trouvons au bord du précipice vers lequel ce changement nous a conduit. Néanmoins, le système impérial de la City de Londres, de Wall Street et de leurs alliés dans le monde vacille sur ses fondements, et l’occasion nous est donnée de nous lever pour lancer à nouveau l’humanité sur le fleuve tranquille et vigoureux du progrès.

De Gaulle aussi visé

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Visite du couple Kennedy, reçu par le Général de Gaulle à l’Opéra de Versailles, juin 1961.

Le 22 avril 1961, un « quarteron de généraux » menait un putsch à Alger, pour faire tomber De Gaulle et rétablir la politique coloniale française. Ce petit millier de fanatiques de l’OAS n’aurait jamais tenté une telle aventure sans bénéficier de soutiens hauts placés. Le lendemain du putsch, le journal italien Il Paese écrivait : « ce n’est pas par hasard que certaines personnes à Paris accusent les services secrets américains dirigés par Allen Dulles d’avoir participé au complot des quatre généraux « ultras ». » Le 28 avril, l’éditorial du Monde disait : « il semble établi que des agents américains ont plus ou moins encouragé Maurice Challe, le leader du putsch. » En mai, Claude Kreif, journaliste à L’Express , écrivait depuis Alger : « aussi bien à Paris qu’à Washington, les faits sont parfaitement connus, même s’ils ne seront jamais admis publiquement. En privé, les plus hauts responsables français n’en font aucun mystère (...) : « la CIA a joué un rôle direct dans le coup d’Alger, et a certainement fortement pesé dans la décision de Challe de lancer le putsch ». »

Entre 30 et 40 tentatives d’assassinats contre De Gaulle ont lieu au cours des années 60. Les services de renseignement du président ont retracé le financement de ces opérations jusqu’à la société Permindex basée en Suisse et à son pendant italien basé à Rome, Centro Mondiale Comerciale. En mars 1967, tandis que Clay Shaw était arrêté et accusé de conspiration pour l’assassinat de JFK par le procureur Jim Garrison, Il Paese – repris par la presse communiste en Italie et en France – publiait une série d’articles affirmant que ces deux sociétés avaient été utilisées par la CIA pour transférer des fonds en Italie pour des « activités d’espionnage politique illégales  » , et pour faire chuter De Gaulle.


[1Why the British Kill American Presidents, EIR, 12 décembre 2008.