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Glass-Steagall
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Pour Bill Clinton, c’est la dérégulation des dérivés qui a provoqué la crise

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(Solidarité&Progrès)—Le 14 mars 2014, l’ancien président américain Bill Clinton a pris la parole lors du Sommet fiscal organisé par la Fondation Peter Peterson. A un moment donné, un journaliste de PBS lui demanda s’il n’avait pas poussé trop loin la dérégulation, contribuant ainsi à la crise de 2008. Après tout, c’est bien lui qui a signé en 1999 l’abrogation de la loi Glass-Steagall, qui séparait jusqu’alors les banques de dépôt des banques d’affaires.

Clinton a répondu que ce n’était pas cela qui avait provoqué la crise de 2008. Aucune faillite bancaire n’est due à l’abrogation de Glass-Steagall, car Lehman Brothers et Bear Sterns étaient des banques d’investissement et non des banques universelles.

Et même s’il avait mis son veto à l’abrogation de cette loi, elle aurait été abrogée de toute façon, étant donné que seuls huit membres du Congrès avaient voté contre et que, par conséquent, le veto présidentiel aurait sauté.

Cependant, Bill Clinton a tenu à préciser que s’il avait su que la Securities Exchange Commission (le gendarme boursier américain) allait quasiment être réduite à néant une fois qu’il aurait quitté ses fonctions, il n’aurait pas signé l’abrogation de Glass-Steagall.

Pire encore, à la fin de son second mandat, une loi fut adoptée par le Congrès (la Commodities Futures Modernization Act of 2000), éliminant toute régulation sur les produits financiers dérivés. A l’époque, Clinton s’est virulemment disputé sur ce point avecAlan Greenspan, qui dirigeait la Réserve fédérale. Greenspan jurait que cela ne concernait qu’une poignée de personnes très riches disposant de millions de dollars, et qui n’avaient besoin d’aucune régulation. Il disait qu’il fallait réguler ce marché comme on régule le marché des produits dérivés dans le secteur agricole, avec des échanges ouverts, des exigences en termes de capital et au moins un acteur motivé par un intérêt réel pour l’agriculture, et pas juste pour la spéculation. Si c’était à refaire aujourd’hui, affirma Clinton, je mettrais mon veto à cette loi, même s’il risque d’être neutralisé. A l’époque, le volume des produits financiers dérivés était déjà énorme. En 2008, il était sept fois plus important.

Quand la loi (de pseudo réforme bancaire) Dodd-Frank était en discussion, il existait un amendement, dit amendement Lincoln, qui se proposait de traiter ce problème et je regrette qu’aujourd’hui, on ne dispose pas d’une régulation des produits dérivés.

Clinton a relevé une autre cause du déclin économique actuel : l’obsession pour la « valeur actionnariale ». Selon lui, une part trop grande de la croissance dérive de la finance, c’est-à-dire qu’on fait trop d’argent avec le commerce et pas assez avec l’investissement. Et cela n’est pas sain. La part du PIB issue de la finance est devenue trop importante à partir des années 1970.

Pour changer de cap, il faut changer la procédure de surveillance des marchés. Il faut changer les règles au profit de l’investissement et de l’industrie. Avec la mondialisation et autres changements lancés dans les années 1970, le concept d’entreprise a évolué.

Quand il fréquentait la faculté de Droit, rappelle Clinton, il a appris ce qu’on enseignait dans les années 1930, c’est-à-dire qu’une entreprise existe dans le cadre d’un État et qu’en échange d’une certaine immunité et d’autres avantages, elle a certaines responsabilités et obligations envers la société. C’est cela qui a été remplacé par la « valeur actionnariale », en partant du principe qu’une entreprise doit en premier lieu maximaliser les retours sur investissements de ses actionnaires. Ainsi, si l’on intègre des individus dans ce contexte et qu’on leur dit de faire le plus d’argent possible, peu importe les conséquences pour la société, c’est ce qu’ils feront.

Regardez la décennie 2000-2010. Toute la croissance se résume à l’immobilier, à la finance et à la consommation. On n’a créé aucun emploi, mais seulement une montagne de dettes à partir des cartes de crédits et de la stagnation des revenus.