|
Pourquoi rejoindre la dynamique des BRICS
24 juillet 2014
(Solidarité&Progrès)—Le sixième sommet des pays des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), qui s’est tenu les 15 et 16 juillet 2014 à Fortaleza au Brésil, marque un tournant historique tant sur le plan financier que sur le plan géopolitique. Pour les BRICS (40 % de la population mondiale et 25 % de son PIB), il ne s’agit pas de devenir un club fermé ou de remplacer l’hégémonie américaine par celle de la Chine, mais de rompre avec un système financier moribond. Ainsi, parmi les 72 points de la « déclaration de Fortaleza », la création d’une « Nouvelle banque de développement (NBD) ». Avec cette initiative, l’idée promue depuis 1975 par notre allié aux Etats-Unis, l’économiste Lyndon LaRouche, à savoir la création en germe d’une institution capable d’engendrer une nouvelle architecture financière internationale échappant au contrôle de la City et de Wall Street, vient de passer du concept à la réalité (voir encadré à la fin de cet article). Pour la présidente brésilienne Dilma Rousseff, la Banque représente une alternative pour les besoins de financement des pays en voie de développement, capable (…) de compenser l’insuffisance de crédit en provenance des institutions financières internationales. Les BRICS, dont le PIB cumulé a augmenté de 300 % depuis une décennie, alors que celui des pays développés ne s’est accru que de 60 %, partent du constat que les recettes ultralibérales du FMI et de la Banque mondiale ont fait leur temps et n’engendrent que soumissions, conflits et misère. S’ajoutant à cela, le refus persistant du Congrès américain de voter une réforme du système des quotes-parts, qui verrouille la domination des « Occidentaux » à la direction du FMI, ne peut qu’inciter les pays émergents à défier leur hégémonie. Voici six initiatives formant un tout cohérent. 1. Banque asiatique pour l’investissement dans l’infrastructure (AIIB) Le premier pas vers une alternative a été le projet de Banque asiatique pour l’investissement dans l’infrastructure (AIIB), proposé fin juin par le président Xi Jinping et décrit avec agacement par le Financial Times : « La Chine [veut] établir une institution financière capable de rivaliser avec la Banque mondiale et la Banque de développement asiatique. (…) Beijing a proposé (...) de doubler la taille du capital souscrit de la future banque à 100 milliards de dollars. 22 pays au total, incluant de riches États du Moyen-Orient, appelé Asie de l’Ouest en Chine, se sont montrés jusqu’ici intéressés par le projet (…) Elle devrait d’abord se concentrer sur la construction d’une nouvelle version de la route de la soie, l’ancienne route commerciale qui reliait autrefois l’Europe à la Chine. » 2. Nouvelle banque de développement (NBD) A Fortaleza, les BRICS viennent de doubler cette initiative avec la NBD dont le périmètre dépassera de loin celui de l’AIIB.
3. Réserve de change commune Les BRICS ont également signé un « accord-cadre non contraignant » (le BRICS Contingent Reserve Arrangement, CRA), instaurant une réserve de change commune. Doté de 100 milliards de dollars, dont 41 versés par la Chine, 18 par l’Inde, le Brésil et la Russie, et 5 par l’Afrique du Sud, ce fonds sera opérationnel dès 2015. Il s’agit de se protéger en cas de nouvelle tempête sur les devises, comme celle déclenchée mi-2013 par l’annonce de la Réserve fédérale de réduire sa politique de planche à billets en faveur des banques américaines. Les BRICS avaient alors dû affronter des sorties massives de capitaux, attirés par l’espoir d’une remontée des taux américains. 4. Dé-dollarisation Bien que les fonds de la NBD et du CRA s’expriment en dollars, la dé-dollarisation graduelle de l’économie mondiale a d’ores et déjà commencé. La Russie et la Chine, mais aussi le Brésil et la Chine, ont déjà conclu des accords pour l’utilisation de leurs propres devises dans leurs échanges. ... 5. Câbles sous-marins
Autre initiative majeure des BRICS : finaliser la construction d’un réseau d’internet et de communications téléphoniques à l’abri des grandes oreilles anglo-américaines grâce à Cable BRICS, un réseau de câbles sous-marins sécurisés reliant Fortaleza (Brésil), Capetown (Afrique du Sud), Chennai (ex-Madras, Inde), Shantou (Chine) et Vladivostok (Russie). 6. Mise en garde Le deuxième jour du sommet, les cinq dirigeants des BRICS et leurs invités, notamment les pays d’Amérique du Sud presqu’au complet, en ont aussi profité pour lancer une mise en garde à l’empire anglo-américain, réaffirmant leur « engagement pour la résolution des conflits de manière durable et pacifique, selon les principes et objectifs de la charte des Nations unies », et condamnant « les actes d’ingérence militaire unilatérale et les sanctions économiques en violation du droit international et des normes universellement reconnues pour ce qui concerne les relations internationales ». En clôture du Sommet, le Premier ministre indien Narendra Modi a souligné le caractère unique des BRICS : « Pour la première fois, ils rassemblent un groupe de pays en fonction de leur ‘potentiel futur’ et non de leur prospérité actuelle et des identités partagées. L’idée même des BRICS est ainsi tournée vers l’avenir. Je crois par conséquent qu’ils peuvent apporter de nouvelles perspectives et manières de faire aux institutions internationales existantes. »
7. Grands projets et atomes pour la paix Au-delà de la mise en place d’un nouveau système monétaire international, ce qui rassemble les BRICS, c’est leur volonté de progresser dans la recherche de pointe, spatiale notamment, et de doter leurs pays d’infrastructures modernes, dans l’énergie nucléaire et les transports à grande vitesse en particulier. Mais les BRICS, ce n’est plus un dialogue à cinq : c’est aussi une volonté de donner à tous les pays du Sud l’accès à ces technologies de pointe. Exemple : l’annonce le 17 juin par le président de l’Afrique du Sud, Jacob Zuma, de la construction de six réacteurs nucléaires. Cette décision, dont les implications pour toute l’Afrique sont énormes, n’aurait pas été possible si Russes et Chinois n’avaient proposé de financer le projet, de construire les centrales et de former les Sud-africains à ces technologies.
Les 12 et 19 juillet, la Russie et la Chine se sont précipités au chevet de l’Argentine, poussée à la faillite par les fonds vautours, signant une moisson de contrats. Un accord a été passé avec Poutine pour la participation de Rosneft à la construction d’une nouvelle tranche de la centrale nucléaire argentine (Atucha III). Le 19 juillet, plus de 21 accords avaient déjà été signés entre la Chine et l’Argentine, dont un pour la construction de deux barrages hydro-électriques en Patagonie et une aide à la construction d’un quatrième réacteur nucléaire (3,2 milliards d’euros). En marge du sommet des BRICS, des rencontres bilatérales Inde-Brésil et Chine-Brésil se sont déroulées les 15 et le 16 juillet. Mais aussi des rencontres plus inhabituelles comme celle entre Poutine et le président bolivien Evo Morales, qui s’est conclue par une proposition russe d’aider la Bolivie à développer « un programme complet pour développer l’énergie nucléaire ». Rencontre aussi de Xi-jinping avec Morales et décision de la Chine d’aider la Bolivie à construire son deuxième satellite. Enfin, le 18 juillet, une rencontre entre la Chine et la CELAC (Etats d’Amérique ibérique et des Caraïbes) a décidé de la création d’un forum et d’un fonds de développement CELAC-Chine (25 milliards de dollars) pour financer routes, rail, ports, aéroports et télécommunications. La Chine, le Brésil et le Pérou ont pu aussi discuter d’un projet commun : construire un chemin de fer transcontinental à travers l’Amérique du Sud, reliant l’Atlantique au Pacifique. Quelques jours auparavant, le 7 juillet, était annoncé au Nicaragua le tracé du Grand canal, permettant lui aussi de relier les deux océans. Ce projet ambitieux avait été conçu il y a déjà 118 ans à l’initiative des Etats-Unis... Mais il aura fallu attendre la Chine du XXIe siècle pour le réaliser ! Lyndon LaRouche : 50 ans de combat pour un nouveau système monétaire
1970 : Identifiant le phénomène du « capital fictif », l’économiste américain Lyndon LaRouche anticipe que les Etats-Unis deviendront incapables de maintenir la convertibilité du dollar avec l’or, anticipation confirmée un an plus tard lorsque Nixon suspend la convertibilité du dollar. 1975 : Suite aux prétendus chocs pétroliers, LaRouche propose la création d’une « Banque internationale pour le développement » (BID), qu’il conçoit comme « le germe » d’un nouveau système financier international respectueux d’un développement mutuel entre États-nations souverains. L’objectif de cette banque est de financer de grands projets d’infrastructures, notamment le « plan Oasis » au Proche-Orient comme socle d’une paix juste entre Israéliens et Palestiniens. Dans le cadre d’échanges triangulaires, les pays de l’OCDE et du Comecon (URSS) s’engageraient dans des transferts de haute technologie au profit des pays du Sud, en échange d’un accès négocié aux matières premières (pétrole, uranium, minerais, etc.). 1976 : Le sommet des pays non-alignés à Colombo (85 pays, représentant 2 milliards de personnes), Sri Lanka, reprend à son compte l’appel de LaRouche pour un « nouvel ordre économique mondial plus juste », dont la principale composante est la création d’un nouveau système monétaire international. Parmi leurs revendications, un moratoire sur la dette et le droit aux technologies les plus avancées, notamment l’énergie nucléaire civile. L’ami de LaRouche, le ministre des Affaires étrangères de Guyana, Fred Wills, portera cette demande devant l’Assemblée générale des Nations unies.
1982 : Lors de la crise de la dette mexicaine, dans un mémorandum baptisé « Opération Juarez » et inspiré de la Doctrine Drago, LaRouche conseilla au président mexicain Portillo de créer un « cartel des pays endettés » capable d’imposer à la City et Wall Street un ordre financier plus juste. Car, comme dit le dicton : « Si vous devez un million à la banque, vous avez un problème. Mais si vous lui devez un milliard, c’est elle qui a un problème. » 1989 : Effondrement du système soviétique. Lyndon LaRouche et sa femme Helga Zepp-LaRouche appellent à saisir cette occasion historique pour instaurer « un nouveau Bretton Woods » au service d’une« nouvelle route de la soie » ou « pont terrestre mondial », politique dont les objectifs seront partagés par la Chine et la Russie. |