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Conquête du Système solaire : où trouver les ressources en eau ?

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Par Benoit Chalifoux

Solidarité&Progrès— Mars, Tchourioumov-Guérassimenko, Pluton. Une planète, une comète, un planétoïde. Trois endroits de notre système solaire séparés par des milliards de km, trois environnements disparates, visités et/ou explorés au cours des dernières années par des instruments commandés par l’homme depuis la Terre. Des données précieuses nous sont parvenues, apportant des réponses attendues depuis longtemps, mais soulevant encore plus de questions nouvelles sur les processus qui ont mené à la formation de notre Système solaire.

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Magnifiques coulées (Recurring Slope lineae), ici sur le flanc droit du canyon Coprates Chasma, sur Mars. Crédit : NASA/JPL/University of Arizona

L’annonce la plus spectaculaire aura sans aucun doute été celle, le 28 septembre 2015, de la découverte d’eau liquide sur Mars, posant à nouveau la question de la présence de la vie sur la planète rouge, voire de son habitabilité dans le cas où l’homme décidait un jour de s’y installer.

Si on se fie aux dimensions des coulées sombres identifiées sur les photos prises depuis l’orbite martienne, et à l’interprétation présentée par les scientifiques de la Nasa, de l’eau liquide s’écoulerait depuis le sommet des montagnes, sous la forme de filets saisonniers d’un demi-mètre à cinq mètres de largeur.

Ces ravines sombres ont été découvertes en 2011 et baptisées Recurring Slope Lineae, car elles réapparaissent à de nombreux endroits à la fin de chaque été, et ce depuis l’équateur jusqu’à une latitude de 60° vers les pôles. Elles s’étendent sur plusieurs centaines de mètres sur les flancs des montagnes, des cratères, des canyons et autres terrains présentant des inclinaisons importantes.

C’est en combinant pour quatre sites différents les images-satellite prises par le Mars Reconnaissance Orbiter (MRO) de la Nasa (plus particulièrement son appareil numérique HiRISE dont la résolution est de 0,25 m/pixel) avec les clichés pris par CRISM, le spectromètre infrarouge également présent à bord de MRO, que l’on a pu associer ces coulées à la présence d’eau liquide. La chose n’a pas été facile, car les clichés de CRISM ont une résolution bien moindre, 18 m/pixel, et il faut trouver des endroits où les coulées sont suffisamment larges et denses pour remplir un pixel entier, nécessaire à une analyse exempte de toute incertitude. En examinant avec soin les données enregistrées par le spectromètre, des bandes d’absorption de la lumière typiques de celles associées à des sels ont été identifiées. [1]

La principale caractéristique de ces sels est qu’ils adorent l’eau, dont ils incorporent volontiers les molécules dès qu’il se trouvent en contact avec elle, pour former des cristaux de sel hydraté dotés d’une signature particulière lorsqu’on examine au spectromètre la lumière qu’ils réfléchissent. Ils ont aussi une autre qualité non négligeable : la capacité de faire chuter le point de fusion de l’eau de 40 à 80°C, alors que la température dans ces endroits se maintient entre -23 et 0°C et même légèrement au-dessus pendant quelques mois de l’année martienne. Autre caractéristique intéressante : ils sont hygroscopiques, c’est-à-dire qu’ils peuvent absorber l’eau présente dans l’atmosphère, permettant d’en stabiliser une certaine quantité sur la surface de la planète.

Cependant les scientifiques ne sont pas encore certains de l’origine de cette eau liquide. Les quantités de glace disponibles à la surface de la planète ou bien de vapeur d’eau dans l’atmosphère ne semblent pas suffisantes pour fournir un mécanisme satisfaisant. Quant à la présence d’aquifères, même de taille modeste, on voit mal comment elles pourraient se situer au sommet des montagnes !

Une autre thèse a été avancée le 21 décembre dernier par deux scientifiques français, C. Pilorget et F. Forget, selon laquelle les ravines seraient dues non pas à de l’eau liquide mais à un phénomène cyclique impliquant la condensation/sublimation de glace carbonique (CO2). Le débat est donc loin d’être clos.

Quoi qu’il en soit, si on devait un jour s’approvisionner en eau sur Mars, il semblerait de toute manière que cela se fasse, au mieux, sur une base saisonnière et que nous ayons droit à une saumure indigeste et bien glacée !

Système solaire : une distribution très inégale de l’eau

La présence de l’eau pour tout projet de colonisation humaine dans l’espace reste la question essentielle, que ce soit à des fins d’agriculture ou pour fabriquer l’oxygène dont nous avons besoin. Ironiquement, les corps célestes les plus proches de nous (dont la Lune et Mars) contiennent très peu d’eau tandis que les plus éloignés, les planètes externes (Jupiter, Saturne, Neptune, Uranus) et leurs nombreuses lunes, de même que Pluton et les comètes, regroupent sous forme de glace la presque totalité de l’eau de notre Système solaire. Certaines lunes de Jupiter comme Ganymède et Callisto, ou de Saturne comme Titan, sont même constituées de glace, pour presque la moitié de leur masse !

Pour ce qui concerne la Terre, l’eau de la croûte (incluant les océans) et du manteau ne représente que 0,001 % de sa masse totale, et la situation est pire encore pour Mars et la Lune. Cette faible quantité d’eau disponible à l’intérieur du système solaire a pourtant suffi au développement de la vie ici même sur Terre et peut-être aussi sur Mars, recouverte d’océans avant que son eau ne s’évapore dans l’espace.

Mais d’où vient l’eau de la Terre et de Mars (et accessoirement de la Lune) ? La question agite depuis longtemps les scientifiques et c’est pourquoi ils comptaient sur la mission Rosetta pour pouvoir trancher entre diverses thèses.

Selon une première théorie, les planètes intérieures, dites telluriques, du système solaire se seraient agglomérées à partir de matériaux secs, des embryons de petits corps qui avaient déjà relâché dans l’espace au moment de leur accrétion l’eau qu’ils contenaient en leur sein. Ces vapeurs d’eau furent ensuite chassées par les vents solaires vers la ceinture d’astéroïdes et au-delà. Ce n’est que quelques centaines de millions d’années plus tard, que des astéroïdes de taille relativement modeste auraient été entraînés vers l’intérieur du Système solaire, apportant l’eau nécessaire à la formation des océans de Mars et de la Terre. Cause probable de leur migration massive : un ralentissement sur orbite (et donc diminution de la force centripète qui contrôle leur distance par rapport au Soleil) causé par les gaz environnants, encore particulièrement denses à l’époque de la formation de notre Système solaire. Il y a toutefois une faille : il n’a pas encore été démontré que ces astéroïdes contenaient assez d’eau pour expliquer l’étendue des océans terrestres.

Autre théorie : la migration de comètes provenant de régions situées au-delà de la ceinture d’astéroïdes. Leur orbite serait devenue très excentrique suite à leur interaction avec Jupiter, et elles auraient été du coup redirigées vers la Terre et Mars. Ce scénario soulève des interrogations ; si les comètes contiennent une quantité d’eau bien supérieure aux astéroïdes [2], il est toutefois difficile de démontrer qu’elles auraient migré en nombre suffisant pour expliquer la formation des océans. Un autre problème, plus important encore, est celui de la composition de l’eau que contiennent les comètes.

La principale méthode dont disposent les scientifiques pour différencier l’eau de la Terre ou d’autres endroits du système solaire est de « renifler » sa teneur en deutérium, l’isotope de l’hydrogène pourvu d’un neutron, alors que l’atome d’hydrogène lui-même en est entièrement dépourvu. Notre odorat n’est ici d’aucun secours, il est toutefois possible de déceler ces différences en utilisant la spectroscopie, qui permet de mesurer le rapport entre le nombre d’atomes de deutérium et d’hydrogène (noté D/H) formant l’eau présente dans les corps.

Pour ce qui concerne les comètes, les premières mesures de ce rapport D/H sont assez récentes, puisqu’elles datent de la mission européenne Giotto vers la comète de Halley en 1986. D’autres mesures ont été réalisées à partir de 1997, depuis la Terre, grâce à de nouvelles techniques, mais uniquement pour des comètes extrêmement brillantes (dégageant suffisamment de vapeur d’eau pour que les mesures puissent être prises) comme Hyakutake, Hale-Bopp et quelques autres. Elles appartiennent toutes, comme la comète de Halley d’ailleurs, à la classe dite « à période longue », en provenance du nuage de Oort situé à l’extérieur du système solaire. Le fait, par exemple, que Hale-Bopp s’aventure une fois tous les deux mille ans seulement à l’intérieur du système solaire, sur une orbite extrêmement elliptique, fait qu’elle a d’abondantes réserves de glace qui s’évaporent au moment de son approche vers le Soleil.

Le problème de ces six premières mesures (incluant celle réalisée in situ pour la comète de Halley) est que le rapport D/H est au moins deux fois plus élevé que celui mesuré sur Terre. Mais un autre espoir en faveur de cette théorie s’est présenté en 2010-2011, lorsque le télescope européen Herschel a été lancé dans l’espace et a permis de mesurer le rapport D/H de comètes appartenant à la deuxième grande famille, dite « à période courte », également baptisées « comètes joviennes » en raison de la proximité de leur aphélie [3] avec l’orbite de Jupiter. Ces comètes sont moins brillantes que celles de la première famille, car leurs orbites sont moins elliptiques et elles passent plus souvent à l’intérieur du système solaire, quoique rarement en deçà de l’orbite de Mars. Leurs réserves de glace se sont épuisées au cours du temps, d’où la faible quantité de vapeur d’eau disponible pour effectuer les mesures. Celles réalisées pour trois d’entre elles, grâce à la sensibilité exceptionnelle d’Herschel ont donné, à la surprise générale, des valeurs beaucoup plus proches de celle de la Terre, en particulier pour la comète 103P/Harltey 2.

Ceci permit de relancer la théorie sur l’origine cométaire de l’eau des océans terrestres, tout en soulevant des questions sur la formation de ces comètes dites joviennes, car on ne s’attendait pas à ce que leur rapport D/H soit moins élevé que celui des comètes à période longue.

La contribution de Rosetta

L’arrivée de Rosetta auprès de Tchouri en août 2014 s’est avérée un coup de théâtre : en effet, les mesures réalisées et renvoyées vers la Terre en octobre ont montré un rapport D/H plus de trois fois supérieur à celui de l’eau des océans terrestres, bien loin également de celui de ses « voisines joviennes », puisque Tchouri est elle aussi une comète à période courte (6 ans environ) ; elle brille d’ailleurs trop peu pour qu’on puisse effectuer les mesures depuis la Terre.

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Cliquez pour Zoomer. Cette photo de Tchouri a été prise le 22 août 2015 par Rosetta, à une distance de 336 km, soit quelques jours après son passage au point le plus proche du Soleil, le 13 août. L’activité de la comète est ici clairement visible, avec l’explosion spectaculaire d’un jet de vapeur (tache brillante). Crédit : ESA - European Space Agency

Ce résultat conduit à une autre hypothèse sur l’origine des océans terrestres, renforcée par une découverte récente, effectuée ici-même sur Terre et dévoilée au moment où nous parvenaient les résultats de Rosetta. Grâce à des mesures impliquant des techniques inédites du rapport D/H des molécules d’eau emprisonnées dans un minéral, l’apatite, contenu dans des météorites d’origine très ancienne (appelées « eucrites » et que l’on croit s’être détachées de la surface du gros astéroïde Vesta), les chercheurs ont déterminé que ce rapport était proche de celui de nos océans.

Vesta s’est formé en même temps que la Terre ou même un peu avant ; les scientifiques pensent qu’une source d’eau commune aux eucrites et à nos océans puisse provenir de corps plus petits appelés « chondrites carbonacées » (en raison de leur couleur sombre). Celles-ci contiennent beaucoup d’eau et leur rapport D/H est proche, lui aussi, de l’eau terrestre. Elles se situent pour la plupart dans les environs de la ceinture d’astéroïdes ; certaines parviennent encore jusqu’à nous de temps à autre. Leur faible masse fait qu’elles ont très peu évolué depuis leur formation et leur structure granuleuse (formée de chondres, c’est-à-dire de petites billes) fait qu’elles se décomposent facilement en pénétrant dans l’atmosphère terrestre. Quoique l’on ne sache pas encore expliquer comment et quand exactement ces chondrites auraient amené l’eau qui allait constituer nos océans, il est désormais établi, grâce au repère chronologique offert par les eucrites, que cela aurait pu arriver très tôt dans l’histoire de notre planète, quatre ou cinq cent millions d’années plus tôt qu’on ne le pensait, devançant d’autant le début de la vie sur Terre !

Soulignons au passage que les comètes et chondrites sont aussi de formidables réservoirs de molécules organiques. Philae a identifié sur Tchouri seize composés différents, répartis en six classes de molécules organiques. Quatre d’entre eux ont été détectés pour la première fois sur une comète. Une chondrite comme la météorite de Murchison, tombée en Australie en 1969, a permis aux scientifiques d’identifier 230 acides aminés différents, alors qu’on n’en connaît qu’une vingtaine sur Terre, en tant qu’unités de base de la vie. Ce sujet mériterait d’être traité en profondeur dans un prochain article.

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Cliquez pour Zoomer. Photo du disque protoplanétaire HL Tauri
Image obtenue par le système de radiotélescopes ALMA de la jeune étoile HL Tauri, avec son incroyable disque protoplanétaire, dont les sillons marquent le début du processus de formation des planètes.
Crédit : Credit : ALMA (NRAO/ESO/NAOJ) ; C. Brogan, B. Saxton (NRAO/AUI/NSF)

Ce n’est qu’à partir de 1969, avec les travaux du physicien russe Viktor Safronov, que les modèles mathématiques ont pu rendre compte des principaux paramètres gouvernant la formation et l’évolution de notre Système solaire. Le développement de calculateurs puissants, et surtout l’acquisition in situ de données réelles, nous ont permis d’affiner ces modèles de manière considérable au cours des deux dernières décennies. De nombreux points d’interrogation subsistent concernant la formation et la migration des divers corps (chondrites, astéroïdes, comètes, planétoïdes, planètes, lunes) qui se trouvent aujourd’hui au sein de ce qui fut à l’origine un simple nuage de gaz, de glace moléculaire [4] et de poussière.

Ainsi, si l’histoire de la formation et de l’évolution de notre Système solaire est un sujet complexe, elle est loin d’être terminée, car l’émergence de l’homme, ainsi que les flux migratoires humains qui s’y développeront un jour à une échelle non négligeable, constitueront sans aucun doute une nouvelle phase de son évolution, à examiner comme processus à part entière. Comme l’avait fait remarquer Heisenberg en formulant le principe qui porte son nom (l’homme « perturbe » les phénomènes qu’il cherche à observer dans le petit), l’homme est « condamné » à agir aussi sur le Système solaire s’il souhaite le comprendre davantage.


A la découverte de Pluton

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Cliquez pour Zoomer. Wright Mons, l’un des deux cryovolcans supposés découverts sur Pluton en 2015. Crédit : NASA, Johns Hopkins Univ./APL, Southwest Research Institute

Rabaissée en 2006 au rang de planétoïde, Pluton a pu être scrutée de près pour la première fois le 14 juillet 2015, lorsque la sonde américaine New Horizons s’est approchée d’elle à une distance de seulement 12 500 km. Les images obtenues, certaines avec une résolution d’environ 80 m/pixel, révèlent des tours de glace de plusieurs milliers de mètres de hauteur, dans des champs d’azote et de méthane gelés. Vue la température environnante de -220 °C, cela n’a rien de surprenant. Ici encore, les choses sont moins figées qu’on ne le pensait, puisque certains terrains ont moins de 10 millions d’années ; deux volcans de glace, provisoirement baptisés Wright Mons et Piccard Mons, semblent avoir été détectés. Le premier s’étend sur 150 km et atteint plus de 4000 m d’altitude. Si l’origine volcanique était confirmée, il s’agirait d’un phénomène inédit et surtout inexpliqué pour une planète aussi éloignée et censée s’être refroidie il y a longtemps, car le « cryovolcanisme » est habituellement associé à l’énergie engendrée par les forces de marée agissant sur les lunes glacées de ces deux planètes géantes que sont Jupiter et Saturne.

L’atmosphère de Pluton, découverte depuis la Terre en 1988, s’est révélée beaucoup plus dense et froide que prévu. Composée principalement de molécules d’azote, elle contient aussi, et ce jusqu’à une hauteur de 130 km environ, des vapeurs de méthane. Les molécules d’azote et de méthane sont brisées par le rayonnement ultraviolet du Soleil et se recombinent pour former des hydrocarbures plus complexes. Ceux-ci se condensent en une brume glacée dans les basses couches de l’atmosphère, formant diverses particules de taille plus importante, appelées tholins, qui retombent à la surface. Elles donnent à l’atmosphère une couleur bleue intense et inattendue. En d’autres termes, on pourrait dire qu’il neige sur Pluton !

2016 : en avant avec ExoMars

2016 sera l’année du lancement de la sonde européenne ExoMars, qui partira à bord de la fusée russe Proton. La mission est composée d’une sonde orbitale et d’un atterrisseur, qui permettra de tester notre capacité à faire atterrir en douceur sur Mars un appareil lourd et sophistiqué, et ce pour la première fois depuis l’échec de la mission Beagle 2 en 2003. Un deuxième volet, en 2018, consistera à envoyer un rover muni d’une foreuse de deux mètres de long, afin de scruter le sous-sol à la recherche de signes de vie. Les médias de masse arriveront-ils une fois encore, au cours de la campagne présidentielle de 2017, à faire fi de l’intérêt que porte une grande partie de l’humanité à l’espace ?


[1Il s’agit en l’occurrence des perchlorates de magnésium et de sodium et des chlorates de magnésium, et qui plus est sous leur forme hydratée. Les perchlorates non hydratés se trouvent partout sur Mars alors que sur Terre ils n’ont été trouvés que dans le désert d’Atacama au Chili.

[2Sous forme de glace dans les premières et de molécules intégrées à des minéraux hydratés dans les secondes.

[3L’aphélie est le point le plus éloigné de l’orbite d’un corps par rapport au Soleil, le périhélie le point le plus proche.

[4La glace sous forme cristalline que nous connaissons sur Terre n’existe pas dans l’espace interplanétaire. Les molécules d’eau s’empilent la plupart du temps, de manière amorphe, à la surface des grains de poussière silicatés. C’est seulement lorsque ces grains de poussière se trouvent piégés à l’intérieur du disque protoplanétaire, où la température est plus élevée, que les molécules d’eau se subliment et se recombinent sous forme de glace cristallisée.