Lyndon H. LaRouche
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LaRouche : Comment sortir de la crise la plus grave de l’histoire

(texte suivi des questions-réponses)

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« J’aborderai aujourd’hui deux sujets, hormis les questions qui me seront posées. Le premier concerne la crise immédiate et le second, ce que nous ferons si nous parvenons à mettre en œuvre la politique nécessaire pour sortir de cette crise. La première partie est élémentaire, la seconde, scientifique. »

C’est ainsi que Lyndon LaRouche ouvrit sa conférence du 8 mai à Washington, retransmise en direct via internet et traduite simultanément en allemand, espagnol, français et italien. D’entrée de jeu, il apporta son soutien à l’amendement [McCain-Cantwell] apposé à la loi Dodd (la loi d’Obama pour une réforme financière) par un groupe de sénateurs bipartisan, qui rétablirait purement et simplement la loi Glass-Steagall de l’ère Roosevelt, imposant une stricte séparation entre banques de dépôt, banques d’affaires et compagnies d’assurance. Tandis que le projet de loi de l’administration n’écornerait même pas les intérêts de Wall Street, ce groupe de sénateurs est bien déterminé à « ne pas laisser passer cette politique d’Obama, en bloquant cette loi dans la version qu’il entend imposer ».

Il ne s’agit en aucun cas d’une affaire américaine, précisa LaRouche. C’est tout le système financier international, gravitant autour du groupe bancaire Inter-Alpha, qui est en train de couler. A l’origine, le renflouement de la Grèce était, selon lui, une tentative de la part de ce groupe pour ruiner les pays européens, mais il s’est retourné contre le système de l’euro, contrôlé depuis Londres, puis contre le cœur même du système international.

Pour LaRouche, la tentative de renflouer la Grèce a provoqué « un changement d’humeur » en Europe, notamment en Allemagne où une forte opposition s’est élevée contre ces mesures, mais aussi aux États-Unis, où le président Obama agit comme une marionnette du système britannique, au détriment de son propre pays. « Tous les Américains ne sont pas stupides ou traîtres. Nous avons certaines personnes ici dans le monde politique, comme les sénateurs John McCain, Maria Cantwell, Russ Feingold [les sponsors de l’amendement en question], qui ne vont pas rester les bras croisés pendant que l’on détruit les États-Unis. C’est pourquoi ils essaient de bloquer la proposition de loi du sénateur Dodd. » C’est un groupe de gens déterminés qui savent que le système britannique, en Europe, est sur le point d’imploser, et ils savent aussi que si les États-Unis ne prennent aucunes mesures pour se protéger, le même sort attend les Américains.

Face à cela, ceux qui sont autour de McCain et Cantwell ont un réflexe patriote.

LaRouche évoqua ensuite la situation actuelle, où la grande majorité des actifs financiers n’a aucune valeur réelle, « des millions de milliards de dollars nominaux qui ne valent… que dalle ! » C’est comme si « on amenait à Wall Street un jeu de Monopoly et que l’on jouait avec les billets. Quelqu’un se déclare gagnant, et lorsqu’on lui demande de régler la note du restaurant, il sort l’argent du Monopoly. Qu’est-ce qui se passe ? C’est la fin du jeu. (…) Tous ces produits dérivés, cette masse d’argent, tout ce renflouement est fictif et frauduleux ! »

On aurait pu intervenir efficacement en été 2007 pour stabiliser l’économie américaine, poursuivit LaRouche, faisant allusion à la loi qu’il proposait alors pour sauver les propriétaires de logement et les services essentiels des banques (HBPA). Mais cela n’a pas été fait, et les arnaques se sont succédé en cascade.

Dans le cadre d’une nouvelle loi Glass-Steagall, « nous annulerons les billets de Monopoly et nous défendrons l’intégrité des engagements légitimes, du type de ceux que nous avons dans les banques traditionnelles. » Nous sommes à un point où personne ne sait qui détient quoi ; c’est un vaste jeu, un jeu compliqué qui se joue à des vitesses électroniques.

En réaction, LaRouche voit se développer une réorganisation des deux grands partis, reflétée dans le soutien bipartisan à l’amendement de Cantwell et McCain. « Certes, les dirigeants s’opposant au plan Obama et aux Britanniques sont encore une minorité, mais avec le soutien du peuple américain, on obtiendrait la majorité. »

Pour LaRouche, il existe déjà « une majorité patriote dont les rangs grossissent rapidement, un mouvement qui se propage comme un feu de brousse, implicitement inarrêtable, qui soutiendra l’opposition dirigée par McCain et Cantwell. Nous aurons probablement bientôt un vote sur le Glass-Steagall, ou l’équivalent. (…) Ainsi, nous sommes en mesure de changer l’histoire. »

LaRouche évoqua ensuite ce changement d’humeur populaire décrit par le poète Shelley, sur lequel il reviendra en détail au cours de la discussion.

Par conséquent, si les États-Unis adoptent de tels critères, il est fort probable que l’Europe fera de même, car le système de l’euro est condamné, son espérance de vie est nulle.

En vertu de la nouvelle loi, beaucoup de banques devront fermer, mais pas toutes. Fortes de ses nouveaux critères, les autorités pourront se rendre dans une banque et commencer à en trier les actifs ; les titres toxiques iront à la corbeille et seule une petite partie sera effectivement à récupérer.

« Après avoir éliminé les parasites, nous aurons un système bancaire beaucoup plus modeste, et le gouvernement fédéral pourra accorder du crédit. » Ce crédit, abondant, sera distribué via les banques légitimes, caisses d’épargne, etc., pour financer des projets d’infrastructure et des entreprises utiles. L’économie américaine est en piteux état, observa LaRouche. A partir, grosso modo, de 1968, l’infrastructure économique de base commença à se détériorer. « Avant, nous avions un système d’eau municipal, appartenant à la ville, avec des employés municipaux qui exécutaient toutes les fonctions essentielles, entretien du système, assainissement des eaux, etc. Mais après, on a décidé de faire des économies en recourant à des entreprises privées, qui n’assuraient plus les réparations nécessaires. »

Le crédit accordé ira, majoritairement, à l’infrastructure, parce que les États-Unis n’ont presque plus d’industrie. Et l’agriculture est en grande partie entre les mains de géants internationaux comme Monsanto. « Nous avons beaucoup de chômeurs, et il faut les remettre au travail, à reconstruire l’économie réelle, nous devons aider les municipalités qui sont au bout du rouleau, nous devons assurer de bons soins médicaux. »

Sur le plan international, LaRouche souligna l’importance de construire un réseau mondial de transport à grande vitesse, de préférence à lévitation magnétique, tout en développant de nouvelles industries intégrant les connaissances scientifiques de pointe.

LaRouche est persuadé que le changement est déjà en cours. Et vu la nature de la crise systémique, les partis démocrate et républicain « vont se restructurer en fonction de l’intérêt national. On le voit dans la coalition autour de McCain et Cantwell. Les frontières traditionnelles entre partis sont franchies, parce qu’elles ne correspondent plus aux préoccupations réelles des citoyens. »

Confidentiel

Les questions posées à Lyndon LaRouche après sa présentation permettent de juger du rôle essentiel qu’il joue parmi les milieux économistes non monétaristes et les décisionnaires politiques sur la question du Glass-Steagall, entre autres, même si cette influence n’est encore que trop rarement évoquée en public.

Ainsi, une économiste américaine très connue, favorable à la loi Glass-Steagall, rapporta que lors d’un récent événement à la London School of Economics, elle était en compagnie de responsables du ministère britannique des Finances. Au cours d’une discussion sur l’opportunité du Glass-Steagall, l’un d’entre eux s’exclama que si les États-Unis adoptaient ce type de loi, « ce serait considéré comme un acte d’hostilité par la Grande-Bretagne et les nations européennes. (…) Il affirma même que quelqu’un du Foreign Office allait contacter son homologue au département d’État pour clarifier la position britannique. » Elle demanda alors à M. LaRouche si cette hostilité était générale en Europe.

Dans la même veine, l’éditeur d’un grand mensuel américain, favorable au Glass-Steagall, rapporta que LaRouche « avait été un sujet brûlant de discussion lors d’un dîner la veille », où il était lui-même assis à côté de l’économiste britannique Niall Ferguson. Le sujet du Glass-Steagall ayant été abordé, Ferguson prétendit qu’une telle séparation des pratiques bancaires n’aurait pu empêcher la crise actuelle. Il s’étonnait surtout de voir cet éditeur adopter une position à laquelle était associé le nom de LaRouche.

Un responsable du département d’État, qui venait d’assister à une présentation de Joseph Stiglitz sur la crise de l’euro et se méfiait de l’analyse de cet ancien chef de la Banque mondiale, demanda à LaRouche ce qu’il en pensait.

« Au cours d’une récente discussion sur la crise de l’euro et la Grèce, l’un des économistes présents, Joe Stiglitz, (…) a dit qu’il fallait répondre à cette crise de trois façons. La première, via des dévaluations dans les pays d’Europe du sud, essentiellement des réductions de salaires. Bien que l’on promeuve des mesures allant dans ce sens, il ne croit pas que les populations les accepteront. La deuxième solution serait que l’Allemagne quitte la zone euro ou que cette zone soit divisée entre Nord et Sud. Il a ensuite présenté sa solution préférée, qu’il décrivit comme le type de structure institutionnelle que l’Europe aurait dû avoir dès le départ : une "union fiscale". Comme il n’a pas réellement expliqué ce qu’il entendait par là, ma question est donc, d’abord, savez-vous de quoi il parle, et deuxièmement, s’agit-il d’une réforme institutionnelle viable ? »

LaRouche : « Joe Stiglitz est un drôle de type. Il n’est pas inintelligent et il entreprend un certain nombre de choses, répondit LaRouche, mais le problème demeure (…) : il opte pour des systèmes qui n’existent pas et n’existeront jamais. Il est simplement en train de se comporter de façon opportuniste tout en essayant de dire des choses qui gardent vivante la flamme de sa réputation. Mais il est suffisamment intelligent (…) pour comprendre ce que je dis. Toutefois, il ne le fait pas publiquement, seulement en privé.(…) Il y a des gens qui, comme Stiglitz, sont plus ou moins intelligents, mais qui n’ont pas beaucoup de principes. Comme le montrent les trois voies qu’ils proposent, leurs principes sont dubitatifs et même mystérieux. (…) Ces gars sont malins, il faut le reconnaître. Mais, il faut dire aussi qu’ils sont inutiles. »

Questions-réponses

Nous résumons ici quelques-uns des échanges ayant suivi la présentation de M. LaRouche.

Pourquoi appliquer les critères de Glass-Steagall

Question : Un sénateur démocrate membre de la Commission bancaire, qui soutient le rétablissement du Glass-Steagall, souleva un argument invoqué par l’un de ses collègues qui s’y oppose. Selon ce dernier, ces critères ne sont plus applicables dans le monde actuel car ils désavantageraient le secteur américain des services financiers par rapport à d’autres pays. « J’aimerais entendre vos considérations, parce que ce n’est pas la première fois que j’entends cet argument. »

LaRouche : Nous avons affaire à une espèce de cupidité révoltante. C’est comme ces pirates d’organisations rivales qui s’entretuaient, ou des membres de la pègre. Notre société est devenue complètement immorale.

Les gens diront : « Ce que vous proposez me semble bien, mais j’ai un intérêt personnel à conserver le système actuel. » (….) D’autres s’exclament avec effarement : « Vous voulez appliquer les critères de Glass-Steagall au système bancaire ? Mais j’ai de l’argent dans ces banques ! Elles ont des droits aussi, n’est-ce pas ? Vous voulez les fermer ? C’est cruel, c’est dictatorial ! » (…)

Chacun veut tirer son épingle du jeu. On craint d’être à contre-courant, de ne pas être accepté, ou encore d’être expulsé de sa loge maçonnique ou autre catastrophe fatale du même genre.

Si vous leur répondez que cela va tuer la société, ils diront : « Oh, ça c’est un autre problème. On ne va pas discuter de ça. »

Notre population n’a plus aucunes normes de conduite morale. (…) Lorsque la société a des principes, des objectifs, on juge d’une politique par rapport à l’objectif qu’elle sert.

Prenons le cas de la densité énergétique. C’est le calcul de base d’une économie, d’une économie physique en particulier. Si le minerai de fer riche est épuisé, ma productivité chute. Mais si j’invente une meilleure technologie, qui aura une plus forte densité de flux énergétique, l’épuisement du minerai de fer riche ne sera pas pénalisant. Parce que le coût de la production repose sur la densité de flux énergétique de la méthode utilisée.

Dans un monde sain, cela fonctionne comme ça. Mais si vous êtes un pirate, vous volez les biens des autres et le meilleur voleur sera le plus riche. Et peu lui importe que le reste de la population crève de faim.

La société doit avoir des objectifs moraux, des impératifs moraux. Il s’agit en général d’accroître la productivité des travailleurs, par individu et par kilomètre carré. Nous devons viser à accroître la productivité de l’humanité plus rapidement que nous n’épuisons les concentrations de ressources. Si nous y parvenons, nous pourrons nous en sortir.

Que faire de la Réserve fédérale ?

Le sort de la Réserve fédérale fit l’objet de plusieurs questions venant des bureaux du Congrès. Par exemple, un responsable au Sénat rappela que la Fed avait acquis quelque 2300 milliards de dollars d’actifs toxiques, dont elle voudrait bien se débarrasser. « Ma question est la suivante : la Réserve fédérale peut-elle larguer tout cela sans provoquer l’effondrement de Wall Street ? »

LaRouche : Pourquoi pas laisser tomber Wall Street ? Nous n’en avons pas besoin. Nous n’en avons jamais eu besoin.

Mais il y a une mesure spécifique qu’il faut prendre. Le système de la Réserve fédérale est insolvable. Geithner a bien fait son boulot. (…) Maintenant, nous allons devoir intégrer le système de la Fed dans une troisième Banque nationale des États-Unis, une banque nationale de type hamiltonien. Et nous devrons trier tous ces titres.

La clé de voûte, c’est qu’en sabrant et en éliminant la masse des créances frauduleuses exigibles, le gouvernement fédéral sera libre d’émettre du crédit à des fins productives, pour sauver la nation. Dès lors, ayant vaincu le système de type britannique, qui n’aurait jamais dû exister, la situation sera difficile, mais gérable.

(…) Pour revenir sur un autre thème, comment se fait-il que tant de personnes par ailleurs peu recommandables se disent maintenant favorables au Glass-Steagall ? Ces mêmes institutions qui s’y opposaient avec acharnement il y a quelques semaines, pourquoi s’y rallient-elles maintenant ? [Un autre intervenant avait évoqué les noms de David Komansky, l’ex-PDG de Merrill Lynch, John Reed, l’ancien PDG de Citigroup, et du PDG de Bear Stearns.] Eh bien, parce qu’ils savent que c’est tout le système mondial qui est en train de sombrer. Ils savent qu’ils sont bons pour le cimetière s’ils ne prennent pas leurs distances avec le système britannique. Ils rejoignent la cause qu’ils pensent gagnante.

La dynamique des mouvements de masse

Question : Un consultant politique, lui-même démocrate mais ayant travaillé naguère pour des élus démocrates et républicains, a observé une convergence inhabituelle entre certains républicains et démocrates, en particulier autour de la réforme financière. « Au-delà d’une simple coopération bipartisane, dit-il, il me semble que cette tendance peut représenter une direction complètement nouvelle de la politique électorale aux Etats-Unis, mais je n’en suis pas sûr. Je voulais vous demander ce que vous en pensez. »

LaRouche : La manière dont s’organise le comportement de masse a été identifiée par le célèbre poète Percy Bysshe Shelley, notamment dans les derniers paragraphes de sa Défense de la poésie. Le principe qu’il a identifié est le même que celui réintroduit au savoir européen au cours des années 1690 par Gottfried Leibniz, à savoir la dynamique. (…) C’est le concept de dynamis de la Grèce classique, le concept pythagoricien.

C’est un peu délicat et compliqué à comprendre. La pensée humaine comporte deux aspects. Elle opère, d’une part, à partir du cerveau, en tant que centre de tout le système nerveux, avec tout ce que cela implique, nerfs, enzymes, etc.

Mais l’humanité est dotée aussi d’une qualité peu connue, qu’il convient d’appeler la créativité, qui n’a d’ailleurs rien à voir avec ce que la plupart des gens appellent ainsi. (…) Nos organes sensuels ne nous montrent pas la réalité. Les perceptions sensorielles ne nous montrent pas la cause, mais seulement un effet, ou plusieurs, de cette cause.

Aujourd’hui, les gens ne sont généralement pas formés à être créatifs. (…) Pourtant, c’est au niveau de la créativité que l’on ressent le type de dynamique à laquelle Leibniz et Shelley faisaient allusion. L’esprit, le vrai, ne se situe pas dans la fonction cérébrale, mais dans une fonction d’ordre supérieur, puisque le cerveau lui-même est un objet des sens.

Nous faisons tous partie d’un processus social. Certaines impulsions peuvent changer ; elles s’emparent de la population sous forme d’« humeur ». C’est ce que définit Shelley. C’est aussi ce que Rosa Luxembourg appelle le phénomène de grève de masse. Dans certaines conditions, la population semble être contrôlée par quelque chose qu’elle ne comprend pas bien elle-même.

Les plus grands poètes, les plus grands compositeurs de musique par exemple, les grands scientifiques, quelqu’un comme Albert Einstein, ont tous cette qualité de créativité, qui n’est pas une expérience courante pour la plupart des gens, parce qu’ils n’ont jamais développé la capacité correspondante. Elle est en eux, potentiellement. Elle est présente chez tous les êtres humains, elle s’exprime même chez ceux qui ne la discernent pas en tant que phénomène ; ils la ressentent.

C’est ce que Shelley décrit comme le mystère des mouvements de masse. Nous avons assisté récemment aux États-Unis à un changement de dynamique, dans le sens où l’entendent Shelley et Leibniz. La conception qu’en avait la Grèce classique est exprimée dans le célèbre dialogue de Platon, Le Parménide. Ce dialogue illustre la stupidité relative dont font preuve la plupart des gens. Ils n’arrivent pas à établir les liens entre les événements. Platon nous dit : regardez ces pauvres gens, comme Parménide, ils peuvent décrire les choses l’une après l’autre, mais ils ne saisiront toujours pas le processus d’ensemble, et pourtant, ils sont influencés par ce qu’ils ne comprennent pas.

Ce qui s’est produit, ces deux dernières semaines, comme on l’a vu en Allemagne et aux États-Unis, est un changement de la dynamique politique, dont je vous l’avais annoncé en août de l’année dernière. C’est un phénomène dynamique de contestation contre l’administration Obama qui se manifeste à travers des protestations populaires contre les élus. La dynamique ! On assiste, depuis deux semaines, à un changement de dynamique ! La manière dont l’opinion des gens est contrôlée a changé, sans qu’ils comprennent ce qui leur arrive. Leur vision du monde a changé, si bien qu’on se retrouve avec un mouvement de masse en faveur de… de quoi ? D’une réforme répondant aux critères de Glass-Steagall. (…)

Il s’agit d’un phénomène international, en réaction à quoi ? A la perception que le monde entier est condamné, à moins de changer notre façon de faire. C’est comme la perception qui vous dit de fuir devant un feu de forêt. Il y a comme une odeur dans l’air, signalant que le feu arrive. Les animaux commencent à s’enfuir avant de percevoir directement le feu. Ou encore le sentiment qu’un tremblement de terre va arriver. (…)

Élever la façon de penser

La dernière intervention était représentative d’un grand nombre de questions posées par des auditeurs suite à la présentation de LaRouche. Ils remarquaient que des gens qui, il y a dix ou quinze ans, étaient opposés à toute régulation des marchés, avaient fait volte-face entre-temps. « Ont-ils vraiment mieux compris le problème ou réagissent-ils ainsi uniquement par égoïsme ? » demandait l’un d’entre eux. Est-il même utile de faire la différence entre les deux attitudes, et si oui, comment faire pour changer la manière dont pensent les gens ?

LaRouche : La réponse est la même que celle je viens de donner sur Le Parménide. Il existe, chez l’homme, la faculté de recevoir et de communiquer [des idées] qui, chez les gens ordinaires, dépasse de loin leur compréhension de ce qui arrive. Mais ils le sentent et ils y répondent. Ils entendent, bien qu’ils n’aient pas d’oreilles. C’est de cette manière que fonctionne l’esprit.

Dans le cas de la musique et de l’art, ces choses correspondent à un comportement de masse, qui touche la personne à travers un organe qui n’est pas identifiable par les perceptions sensorielles. Dans l’art, par exemple, on soupçonne, ou on sent, les raisons pour lesquelles on réagit de telle ou telle façon à son exécution. Mais jamais, ou très rarement, on ne le voit soi-même – ou seulement si on est sensible à cette manière de penser. Les meilleurs psychanalystes, par exemple, opèrent de cette manière. Ils font appel à ce qu’on appelle l’intuition, dans le sens où l’utilisait Wolfgang Köhler, un élève de Max Planck. (…)

Je compte sur cette faculté. Je lui fais confiance pour indiquer dans quelle direction chercher les réponses, ou même le nom d’un problème. Sans cette capacité, on n’est pas un scientifique, pas efficacement. On doit se fier à ce qui semble être une étrange sorte d’instinct. Il n’est jamais fixe, il est toujours affecté par l’expérience de la personne et son développement, l’environnement social,etc.

Mais à un certain moment, on ressent non pas une faculté comme un organe, mais on ressent comme une résonance. Voilà justement ce que les plus grands poètes, et les plus grands compositeurs, ont toujours compris. Le terme « intuition » est souvent utilisé à tort. Mais l’intuition est l’aspect le plus important des relations humaines. (…)

Le plus important, c’est d’accéder à l’acte d’intuition, qui vous pousse ensuite à chercher les preuves dont vous avez besoin pour tester s’il s’agit d’un fantôme, d’une fantaisie ou pas. C’est ce que nous provoquons chez nos jeunes militants avec ces questions, surtout parce que nous combinons l’éducation musicale, le théâtre classique, la science physique, tous ces aspects en même temps. Si bien que nos recrues au Comité d’action politique ont généralement accès à une variété d’expériences qui transcendent tout type d’expérience particulière. Ceux qui ne comprennent pas la science, croient que c’est la même chose que les mathématiques. Ceux qui comprennent la science, et le démontrent en étant créatifs, font preuve d’intuition. La fonction de l’expérimentation est de montrer que l’intuition est valide. On teste son intuition comme on le ferait avec un organe des sens. (…)

Nos jeunes gens, du fait qu’ils travaillent intensément et avec un brassage d’idées, tendent à être plus sensibles à ce genre de problème, lorsqu’ils passent de la musique à la poésie, à la peinture et à l’art dramatique, puis à la science physique. Les jeunes gens qui sont capables de rester dans notre organisation, qui vont au-delà d’un petit flirt, tendent à avoir cette disposition pour l’intuition que l’on associe à ce phénomène. Mais c’est plus général dans la société, et c’est un facteur contrôlant le comportement de masse, même lorsque ceux qui sont contrôlés n’en sont pas conscients. C’est exactement ce que Shelley décrit dans les derniers paragraphes de sa Défense de la poésie.