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Libérer l’Afrique des essaims de criquets : un défi pour toute l’humanité

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NS—Alors que les yeux du monde sont rivés sur le coronavirus qui sévit à Wuhan, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) appelle à une action internationale d’urgence pour aider les nations d’Afrique de l’Est à vaincre la pire épidémie de criquets pèlerins depuis 25 ans. « La situation actuelle du criquet pèlerin est extrêmement alarmante et représente une menace sans précédent pour la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance dans la Corne de l’Afrique », a-t-elle averti le 20 janvier.

Un article du quotidien Le Monde du 7 février revient sur l’origine du phénomène :

« Tout a commencé au printemps 2018 avec l’arrivée de pluies abondantes sur le ’quart vide’ de la péninsule arabique, suite à la formation d’un cyclone au-dessus de l’océan Indien. Les conditions parfaites de chaleur et d’humidité pour la reproduction des criquets pèlerins étaient réunies. Et c’est ce qui s’est passé, sans que cela soit détecté et que des mesures de contrôle puissent être déployées. Cette zone est inaccessible. Il n’y a ni routes, ni infrastructures. Il n’y a que des dunes de sable, dont la hauteur peut atteindre celle de la tour Eiffel.

Un deuxième cyclone s’est produit en octobre, qui a entretenu cette intense reproduction. Ainsi, trois générations d’insectes phytophages se sont formées, multipliant leur nombre par 8 000. Une partie a commencé à migrer début 2019 en direction de l’Iran, au nord, et du Yémen, à l’ouest. La guerre au Yémen a, à son tour, entravé les opérations de contrôle, alors que de nouveaux cycles de reproduction s’enchaînaient. Il faut en moyenne trois mois pour qu’après la ponte, une larve se transforme en criquet adulte apte à se reproduire.

En juin, les premières invasions dans la Corne de l’Afrique ont commencé. Le nord de la Somalie a été la première région touchée, puis l’Ethiopie. Ces deux pays sont parvenus à contenir la formation des bandes larvaires et des essaims jusqu’au mois de décembre. Puis tout a basculé avec l’arrivée du cyclone Pawan, le 7 décembre, sur le nord-est de la Somalie. Des pluies abondantes et des inondations ont gagné l’intérieur des terres, jusqu’en Ethiopie, favorisant la reproduction. La situation est devenue hors de contrôle ».

A ce jour, les essaims se propagent désormais hors de l’Éthiopie et de la Somalie, en direction du Kenya.

Agir vite

Or si des pulvérisations aériennes massives ne sont pas effectuées avant mars, lorsque commencera la saison des pluies, les essaims risquent d’augmenter de vingt fois leur taille en seulement trois mois.

Ce sont donc des avions, du matériel de pulvérisation et des pesticides qui sont néces­saires de toute urgence. Malheureusement, le Kenya et l’Éthiopie, pour ne citer qu’eux, ne sont dotés que de quatre avions de pulvéri­sation chacun.

Au-delà du Kenya, « des situations acridiennes importantes continuent de se déve­lopper le long des deux rives de la mer Rouge, à Oman et dans le sud de l’Iran », rapporte la FAO.

Et ce, sans compter les premiers signes de propagation initiale du côté de l’Ouganda et du Soudan du Sud.

Le criquet pèlerin est classé par l’Organisation comme la plus dévastatrice de toutes les espèces acridiennes, car formant des essaims à même de parcourir jusqu’à 150 km par jour !

Sachant qu’un très petit essaim est capable de manger en une journée la même quantité de nourriture qu’environ 35 000 personnes !

Agir vite, tel est donc le mot d’ordre. Si les infestations ne sont pas détectées et contrô­lées, avertit la FAO, des fléaux dévastateurs se développeront et il faudra plusieurs années et des centaines de millions de dollars pour les maîtriser, sans compter les très graves conséquences sur la sécurité et les moyens de subsistance.

Recréons l’esprit pastorien

Il est urgent d’apporter notre aide aux pays africains victimes du fléau, avec l’esprit des pionniers pastoriens tout aussi nécessaire aujourd’hui qu’en leur temps : aide au combat contre les essaims, aide pour l’éradication des larves au sol et aide alimentaire aux populations.

Comme disait Emile Roux (second directeur de l’Institut Pasteur) dans un discours prononcé à l’université de Lille le 5 novembre 1898 :

Pour construire un Institut Pasteur, il ne suffit pas de construire des laboratoires de recherche et d’enseignement, munis de l’outillage le plus perfectionné, il faut encore y introduire ’l’esprit pastorien’, c’est-à-dire la foi scientifique qui donne l’ardeur au travail, l’imagination qui inspire les idées, la persévérance qui les poursuit, la critique qui les contrôle, la rigueur expérimentale qui les prouve, et aussi l’indépendance et le désintéressement qui sont une conséquence de l’amour passionné de la vérité.