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Reconstruire Haïti et en finir avec « l’indifférence dépravée » occidentale

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S&P—Depuis le tremblement de terre du 14 août dernier, Haïti sombre chaque jour dans un enfer à ciel ouvert. Les terribles images des Haïtiens violentés à la frontière mexicano-américaine ont provoqué l’émoi de la classe politique américaine, sans que le gouvernement américain ne cesse pour autant d’expulser ces migrants par centaines vers Haïti, où il n’y a absolument rien pour les aider. A contre-courant de cette impuissance occidentale, l’Institut Schiller a présenté un plan de reconstruction de l’île lors d’une conférence à laquelle ont participé plusieurs experts haïtiens et caribéens.


Expulsions inhumaines

Plus de 15 000 Haïtiens sont arrivés depuis quelques semaines dans les villes mexicaines à la frontière du Texas, espérant trouver refuge aux Etats-Unis. Face aux centaines d’entre eux qui tentent de traverser la frontière, le gouvernement américain a perdu toute humanité : les gardes-frontières rassemblent ces personnes, les menottent comme s’il s’agissait de criminels, et les mettent dans des bus, sans leur dire où on les emmène. Puis ils sont expulsés au rythme de six avions par jour vers Haïti, où ils se retrouvent dépourvus de tout — pas de nourriture, pas d’abri, pas d’électricité, et aucune aide médicale.

Tout cela au mépris des procédures juridiques et sans le consentement du gouvernement haïtien. Le pire est que la plupart de ces migrants – dont 40% sont des enfants, selon l’Unicef — arrivent du Chili, du Brésil et d’autres pays d’Amérique du Sud, où ils avaient trouvé refuge suite au tremblement de terre de Haïti en 2010, et ils sont renvoyés dans un pays qu’ils avaient quitté à cette époque.

Les images des violences des gardes-frontières à cheval à l’égard des migrants ont fait le tour du monde, provoquant de nombreuses réactions d’indignation parmi les politiciens américains, y compris dans le camp démocrate, et forçant le président Biden à ouvrir une enquête. Mais les États-Unis continuent d’expulser en masse les migrants haïtiens vers Port-au-Prince, dans des conditions décrites par un sénateur haïtien comme un « camp de la mort ».

Le 23 septembre, l’envoyé spécial des Nations unies pour Haïti, Daniel Foote, a démissionné pour protester contre le traitement infligé à ces personnes.

Je ne m’associerai pas à la décision inhumaine et contre-productive des Etats-Unis d’expulser des milliers de réfugiés haïtiens et d’immigrants illégaux à Haïti, un pays où nos fonctionnaires sont confinés dans des complexes sécurisés en raison du danger que représentent les gangs armés contrôlant la vie quotidienne, écrit-il dans un communiqué. Notre approche politique à Haïti reste profondément défectueuse et mes recommandations ont été ignorées et rejetées, lorsqu’elles n’ont pas été modifiées.

Reconstruire Haïti

Depuis le tremblement de terre de 2010, qui a causé 300 000 morts et 200 000 blessés, Haïti est littéralement sous tutelle financière, sans que rien n’ait changé sur place. Les milliards de dollars d’ « aide financière » destinés à la reconstruction du pays ont entièrement été détournés dans les réseaux de corruption. Pire, les institutions occidentales bloquent les projets de développement. En 2018, comme nous l’avions rapporté sur ce site, le FMI, appuyé par d’autres bailleurs comme la BID, la Banque mondiale et l’Union européenne, a bloqué la signature d’un prêt commercial entre l’Autorité aéroportuaire nationale (AAN), et la banque chinoise ICBC, pour la reconstruction de l’aéroport de Port-au-Prince !

En conséquence, Haïti est aujourd’hui livré à la loi de la jungle de ces « gangs armés » évoqués par Daniel Foote. Ces gangs, qui contrôlent des zones urbaines entières, sont essentiellement composés de jeunes de moins de trente ans (qui constituent plus de la moitié de la population) ayant grandi dans des quartiers rongés par le chômage, l’insécurité alimentaire et l’absence de systèmes de santé et d’assainissement.

L’Institut Schiller a réuni samedi dernier plusieurs experts américains et caribéens, ayant des liens avec Haïti, dans les domaines de l’ingénierie, de la médecine et des politiques de développement, afin de présenter un plan de développement économique pour Haïti, lors d’une visioconférence.

Richard Freeman, de l’Institut Schiller, a présenté à la fois les dimensions du sous-développement extrême imposé à Haïti depuis des décennies, et les éléments essentiels d’un programme de développement pour cette nation, dans le contexte du développement de l’île de Saint Domingue et de l’ensemble des Caraïbes. Il a présenté une carte des propositions de chemins de fer, de sites d’énergie nucléaire, de systèmes d’eau potable et d’autres infrastructures vitales, ainsi que des cartes de propositions faites par des entreprises chinoises ces dernières années, mais qui sont restées en suspens, en raison du blocage occidental.

La clé pour que ces projets soient enfin réalisés est de se battre pour l’établissement d’un nouveau système financier et monétaire international — un nouveau Bretton Woods, qui permette aux Etats de reprendre en main le robinet monétaire et de l’orienter vers l’économie réelle — comme le défend l’Institut Schiller.

« Les populations d’Europe et des Etats-Unis sont coupables de quelque chose que nous qualifions d’‘indifférence dépravée’ », a déploré la présidente internationale de l’Institut Schiller Helga Zepp-LaRouche, lors de son intervention à la conférence de rentrée de Solidarité & progrès, le 25 septembre. « Les gens le savent, mais il n’y a pas de soulèvement populaire pour dire ‘arrêtez ça !’ », a-t-elle ajouté, en faisant référence autant à la situation du peuple haïtien qu’au régime de sanctions imposé à l’Afghanistan par la Réserve fédérale, le FMI et l’UE, depuis la prise de pouvoir par les Talibans, ou encore aux 14 millions de yéménites menacés de famine.


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