News / Brèves
Productive Credit / Crédit productif
Back to previous selection / Retour à la sélection précédente

Le plan de l’Institut Schiller pour développer Haïti

Printable version / Version imprimable

par Richard Freeman et Cynthia Rush

Tout être moral et possédant un tant soit peu d’empathie, ne peut qu’être horrifié par les photos diffusées dans les médias internationaux le week-end des 18 et 19 septembre, qui montraient plus de 12 000 migrants haïtiens entassés dans des conditions sordides sous le pont international de Del Rio, au Texas, espérant ardemment obtenir l’asile aux États-Unis. Après l’horrible tremblement de terre du 12 janvier 2010 en Haïti, des dizaines de milliers d’Haïtiens avaient fui leur pays dévasté et s’étaient réfugiés dans des pays ibéro-américains. Ils ne quittèrent ces pays que récemment, en réaction à des rumeurs annonçant que les États-Unis allaient offrir un statut protégé aux migrants haïtiens.

Cette rumeur n’était pas fondée, et l’administration Biden, qui proclame partout avoir une politique d’immigration "humaine", a commencé le 19 septembre à acheminer les Haïtiens comme du bétail vers des vols qui dans les prochaines semaines les renverront "à la maison" - un “chez soi” ravagé par la pandémie de COVID, une économie déjà dévastée et maintenant les séquelles du tremblement de terre de magnitude 7,2 du 14 août dernier. Des migrants de plusieurs nationalités se trouvaient rassemblées à la frontière américaine, mais seuls les Haïtiens ont fait l’objet de procédures d’expulsion immédiate. Beaucoup de ceux qui atterrirent à Port-au-Prince, la capitale d’Haïti, le 20 septembre, ont déclaré que lorsqu’ils sont montés dans l’avion on ne leur avait pas dit où ils allaient. Certains ont même dit avoir été enchaînés aux poignets, à la taille ou aux chevilles pendant le vol.

S’il ne s’agit pas là d’une version moderne des Juifs chargés dans des trains et envoyés à la mort, cela évoque en tout cas l’image du raciste Thomas Jefferson, qui, après être devenu président des États-Unis en 1801, a laissé savoir qu’une fois que les nations belligérantes de Grande-Bretagne et de France auraient fait la paix, les États-Unis agiraient de concert avec elles "pour confiner la peste" à l’île de Saint Domingue [aujourd’hui Hispaniola] où se trouve Haïti.

Une vidéo particulièrement déchirante de cet épisode répugnant montre un agent de la patrouille frontalière américaine à cheval utilisant les rênes de sa monture pour menacer les migrants haïtiens dans l’eau du Rio Grande (qui sépare les États-Unis du Mexique), et les diriger comme s’ils étaient des esclaves échappés d’une plantation du Sud des États-Unis au 19e siècle.

Face à cette politique d’"indifférence dépravée", où un gouvernement ferme délibérément les yeux sur les conséquences de ses propres politiques meurtrières, les autorités haïtiennes ont imploré, en vain, les États-Unis d’arrêter les déportations, avertissant qu’elles n’ont aucun moyen de gérer un tel afflux de personnes dans les conditions de crise actuelles.

Ainsi, le 20 septembre, le Miami Herald a cité Jean Negot Bonheur Delva, directeur de l’Office national des migrations d’Haïti, qui a déclaré que "plutôt que de rapatrier les gens en Haïti à ce moment précis, et avec la COVID-19, je pense que les États-Unis devraient essayer d’aider Haïti avec un moratoire humanitaire".

Cette situation horrible demande non seulement une aide humanitaire urgente et la mise en œuvre immédiate d’un programme de développement accéléré, elle demande aussi l’adoption sans réserve de la mission décrite par l’économiste et homme d’État américain Lyndon LaRouche peu après le tremblement de terre de 2010, qui appelait les États-Unis à signer un traité de 25 ans avec Haïti pour aider à reconstruire son économie. Le peuple haïtien a été "soumis à toutes sortes d’histoires terribles", déclarait-il, "ils se sont fait promettre ceci et ont été trahi, et ils se sont fait promettre cela et ont aussi été trahis. Et encore promis et encore trahis. Et jamais les promesses n’ont été tenues." Maintenant, il est temps de livrer la marchandise, insistait alors LaRouche. Il ne peut pas y avoir une approche de sparadrap, de simples mesures hétéroclites. "Nous nous engageons par contrat avec le gouvernement, par une sorte de traité, entre les États-Unis et Haïti, pour garantir la reconstruction de leur pays, de façon à ce qu’il devienne réellement un pays fonctionnel capable d’assurer sa propre survie."

Aujourd’hui, une décennie plus tard, la mission décrite par LaRouche peut et doit être menée à bien - et elle doit maintenant inclure la Chine comme partenaire essentiel - pour sortir Haïti d’une pauvreté accablante et en faire un modèle de développement économique pour l’hémisphère occidental et pour le monde.

Certes, il est vrai qu’Haïti se situe en un lieu où abondent tremblements de terre et ouragans, mais c’est là un problème que la technologie moderne peut résoudre. Le problème fondamental est qu’Haïti souffre d’un vaste déficit d’infrastructures modernes, ce qui est crucial pour la construction d’un système universel de soins de santé et d’assainissement. Ce système nécessite de l’eau potable en abondance, des couloirs routiers et ferroviaires fonctionnels, un système d’éducation élaboré, la production et la transmission d’électricité, ainsi que des ports aériens et maritimes. Ces infrastructures requièrent des villes résistantes aux tremblements de terre grâce à des structures semblables à celles que le Japon a construites ; et il est aussi nécessaire de développer des infrastructures agricoles utilisant des technologies modernes, pour permettre aux agriculteurs de produire en quantité croissante d’aliments nutritifs.

Reconstruire Haïti est une tâche colossale en raison du niveau de destruction auquel ce pays a été délibérément soumis ces deux derniers siècles sous l’impulsion de politiques malthusiennes. Tous les secteurs de son économie physique doivent être reconstruits de fond en comble, afin de sortir la population de sa détresse. Cependant, ce n’est pas une tâche impossible, si la Chine et les États-Unis travaillent ensemble, ainsi qu’avec certaines nations du bassin des Caraïbes et d’Amérique centrale, dans le cadre de l’Initiative " Ceinture et route" qui relierait alors toute la région.

Haïti devra établir des relations diplomatiques avec la Chine : il reste l’un des rares pays de la planète à entretenir plutôt des relations diplomatiques avec Taiwan. La Chine insiste à juste titre sur le fait qu’elle ne travaillera qu’avec les nations qui reconnaissent le principe d’une Chine unique, et Haïti serait bien avisé de suivre la voie empruntée par son voisin, la République dominicaine - qui a récemment rompu avec Taïwan et établi des liens avec la Chine - s’il veut avoir un espoir d’obtenir la participation de la Chine à sa reconstruction.

Un Génocide délibéré ...

Haïti a été soumis à plusieurs reprises à une politique de dépeuplement intentionnel comme on peut l’observer à chaque fois qu’une "catastrophe naturelle" frappe le pays ; et depuis 125 ans, le pillage d’Haïti par la City de Londres, Wall Street et d’autres banques transatlantiques (où la France joue un rôle clé), assistées au 20ème siècle par le Fonds Monétaire International et d’autres agences de prêts multilatérales, a privé Haïti du droit de se développer en une nation moderne, le laissant sans défense face à des désastres répétés, le tremblement de terre du 14 août 2021 n’étant que le plus récent.

Le programme de l’Institut Schiller pour la reconstruction d’Haïti, dont les principaux aspects sont présentés ci-dessous, comprend un plan d’infrastructure unifié, financé par un système Hamiltonien de crédit dirigé, créé comme élément central d’une réorganisation en faillite du présent système financier international qui est en train de se désintégrer. L’Institut Schiller a estimé de manière préliminaire qu’un programme viable de reconstruction d’Haïti coûtera entre 175 et 200 milliards de dollars, soit 17,5 à 20 milliards de dollars par an pendant dix ans.

Lyndon LaRouche, homme d’État américain et expert en économie physique, a identifié les priorités de développement de la manière suivante dans une émission internationale diffusée sur internet le 13 mars 2010 :

Regardez le cas [des tremblements de terre] en Californie. Ce sont deux cas comparables, dans un sens..... Regardez le nombre [très faible] de morts, de blessés, et la destruction infligée en général dans les tremblements de terre de Californie, par rapport à Haïti. Quelle est la difference ? L’infrastructure !

Plus tôt, lors d’une interview radiophonique du 4 mars 2004, LaRouche avait déclaré en parlant d’Haïti :

A mon avis, il faut toujours s’attaquer au pire cas, pour décider de la valeur d’une politique. Dans votre propre pays, vous regardez la strate la plus pauvre de la population, et vous vous demandez : "Est-ce que cette politique fonctionnera pour leurs enfants et leurs petits-enfants ?" Et si elle fonctionne pour les plus pauvres, de manière juste, alors elle fonctionnera probablement pour tout le monde. Comme Franklin Roosevelt a énoncé ce principe : Agissez toujours en fonction de "l’homme oublié". Prenez ceux-là qui sont le plus victimes de l’injustice ou de la négligence, et commencez par là ; et prouvez que vous êtes vraiment pour le bien-être général des gens, en montrant que vous êtes prêt à vous attaquer à ce problème. Regardons-le en face et discutons des remèdes à y apporter.

Si l’on ne remédie pas aux déficits d’infrastructure affligeants d’Haïti, en particulier dans les domaines de l’énergie et des soins de santé, alors on condamne le peuple haïtien à un avenir de primitivisme, de sous-développement et de pauvreté perpétuelle.

Aujourd’hui, cette nation de 11 millions d’habitants a le taux de mortalité le plus élevé pour les nourrissons et les enfants de moins de cinq ans, ainsi que le taux de mortalité maternelle le plus élevé de l’hémisphère occidental, dépassant même ceux de nombreuses nations africaines. L’espérance de vie est de 64,3 ans, de loin la plus basse de toute l’Amérique du Sud. Les rapports indiquent que 40% de la population active serait au chômage, mais la réalité est vraisemblablement pire ; 59% de la population haïtienne gagne moins de 2,43 dollars par jour, un "salaire" qui a conduit la majorité de ses habitants à une existence au-dessous du seuil de subsistance, une chose incompatible avec la dignité humaine. Selon certaines estimations, la pauvreté touche au moins 80 % de la population. Le Programme alimentaire mondial des Nations unies indique que 40 % de la population haïtienne, soit 4,4 millions de personnes, sont en situation d’"insécurité alimentaire", bien qu’encore là ce chiffre sous-estime probablement le problème. L’année dernière, Haïti a été classé 104e sur 107 pays sur l’Indice mondial de la faim (Global Hunger Index).

JPEG

1.a

JPEG

1.b

JPEG

1.c

Les trois graphiques de paramètres d’économie physique comparatifs sélectionnés que nous présentons ici (voir les figures 1a, 1b et 1c) donnent un aperçu de la dévastation encourue. Ils utilisent les dernières données disponibles (généralement du milieu des années 2010) fournies par l’ONU, la Banque mondiale et d’autres agences multilatérales, et visent à présenter des segments de temps cohérents pour les pays comparés, et dans certains des paramètres, ils sous-estiment clairement l’horrible réalité d’Haïti.

Le sentiment de désespoir engendré par cette situation, et l’indifférence criminelle dont a fait preuve la communauté mondiale pendant des décennies et des siècles, ont mené à la prise de contrôle d’une grande partie de l’économie haïtienne par le commerce international des stupéfiants (organisé à partir de la City de Londres) et les gangs de trafiquants qui y sont associés. Des vagues incessantes de réfugiés ont fui l’île. Aujourd’hui, environ deux millions d’Haïtiens vivent à l’étranger, la moitié aux États-Unis et au Canada, et l’autre moitié dans d’autres pays d’Amérique du Sud et d’Europe.

Les infrastructures d’assainissement dont dispose Haïti sont lamentablement inadéquates – particulièrement au moment où la pandémie de COVID-19 balaie la planète - l’eau potable et le traitement des déchets étant quasiment inexistants. L’appel lancé par Helga Zepp-LaRouche, fondatrice et présidente de l’Institut Schiller, pour lutter contre la pandémie en créant des systèmes de santé modernes dans tous les pays du monde doit être mis en œuvre en Haïti. Comme elle l’a déclaré dans une conférence qui s’est tenue le 8 mai 2021 : "La mise en place d’un système de santé moderne dans chaque pays peut et doit être le début d’une sortie définitive du sous-développement des pays en développement." Les niveaux de pauvreté, le manque de régime alimentaire nutritif et la pandémie de COVID-19 rendent ce besoin urgent.

L’absence d’un système de santé adéquat, combinée au manque de bâtiments antisismiques, a produit la situation décrite le 2 septembre par le représentant de l’UNICEF en Haïti, Bruno Maes, qui a signalé que " la vie de milliers d’enfants et de familles touchés par le tremblement de terre est maintenant en danger, simplement parce qu’ils n’ont pas accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène ". Citant l’UNICEF, les Nations unies ont rapporté le même jour que plus d’un demi-million d’enfants du sud-ouest d’Haïti n’avaient accès ni à un abri, ni à de l’eau potable, ni non plus à des installations d’hygiène, et qu’ils sont « de plus en plus vulnérables aux infections respiratoires aiguës, aux maladies diarrhéiques, au choléra et au paludisme."

De plus, parmi les 200 nations du monde, Haïti se classe à l’avant-dernier rang pour la consommation d’électricité par habitant, tirant 75 % de son énergie du charbon de bois (dérivé de la combustion du bois), une technologie du 16e siècle qui rend impossible tout progrès économique et constitue un dangereux polluant, ainsi qu’une menace pour la santé. La capacité électrique installée d’Haïti est négligeable (350 MW), avec une consommation annuelle moyenne d’électricité par habitant de 37 kilowattheures. À titre de comparaison, en Espagne, la consommation annuelle d’électricité par habitant en 2020 était de 5 275 kilowattheures, soit 140 fois plus qu’en Haïti.

...Pas des catastrophes " naturelles”

Les programmes d’"ajustement structurel" et de privatisation du FMI et des néo-libéraux avaient déjà largement détruit l’économie haïtienne lorsque commença le XXIe siècle, mais le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, d’une magnitude de 7,0, responsable de la mort de 319 000 personnes, constitue un point tournant majeur. Une effroyable - et prévisible - épidémie de choléra a suivi en octobre de la même année et une série d’autres événements climatiques extrêmes se sont produits dans les années qui ont suivi, qui ont porté des coups mortels à une nation fragile. Le tremblement de terre de janvier 2010, avec la capitale Port-au-Prince comme épicentre, a fait que près de deux millions d’habitants de la capitale ont été déplacés, laissés sans abri et entassés dans des camps insalubres et sordides, parfois dotés de tentes, mais souvent simplement de bâches ou même de draps pour les protéger des éléments.

Immédiatement après le 12 janvier, Lyndon LaRouche avait prévenu que si des mesures n’étaient pas prises promptement pour évacuer les sans-abri et les déplacer vers des terrains plus élevés, de façon à les placer dans des logements d’urgence avant que la saison des pluies ne commence, il y aurait une catastrophe sanitaire. Il avait demandé que le Corps des ingénieurs de l’armée américaine soit déployé pour construire les logements et les installations médicales nécessaires, et fournir de l’eau potable.

Le président américain Barack Obama a rejeté les propositions de LaRouche, facilitant au contraire l’invasion de Port-au-Prince par une armée d’organisations non gouvernementales (ONG) bien financées, dotées de millions de dollar pour aider mais qui n’en ont rien fait d’utile. Rien n’a été fait pour améliorer les conditions dangereuses et sordides de la capitale et des autres villes touchées par le tremblement de terre. Des logements "temporaires" précaires sont devenus de moins en moins temporaires dans les années qui ont suivi, et l’apparition du choléra en octobre de cette année-là n’a surpris personne. Aujourd’hui encore, dans certaines zones de la banlieue de Port-au-Prince, les campements "temporaires" installés suite au tremblement de terre de 2010 sont devenus des communautés permanentes, certaines comprenant les tentes originales distribuées aux victimes alors que d’autres sont des "habitations" rafistolées avec des briques et divers matériaux fragiles.

Le tremblement de terre qui a frappé Haïti le 14 août de cette année, dont l’épicentre se trouvait à 93 miles à l’ouest de Port-au-Prince, près de la ville de Petit-Trou-de-Nippes, a causé d’énormes ravages parce qu’il a frappé un pays qui ne s’était jamais remis de la catastrophe de 2010. En fait, Haïti s’est vu refuser l’accès à des technologies permettant d’atténuer des séismes ou la chance de se reconstruire avec des méthodes modernes.

La catastrophe de 2010 a ensuite été suivie par la sécheresse de 2015- 2017, causée par le phénomène El Nino, qui a anéanti un secteur agricole terriblement affaibli par le manque de mécanisation et d’irrigation adéquate, provoquant des pertes allant jusqu’à 70% dans certaines régions.

Puis, en octobre 2016, l’ouragan Matthew s’est abattu sur le sud-ouest d’Haïti, et a détruit partiellement ou totalement environ 200 000 maisons, laissant 1,4 million de personnes dans le besoin d’une assistance humanitaire. Dans les départements de la Grand’Anse et du Sud, deux des dix départements d’Haïti, les récoltes ont été presque totalement détruites, aggravant considérablement la pénurie alimentaire existante.

Le coup de grâce a été donné en février 2018, lorsque le Fonds monétaire international est intervenu stratégiquement pour détruire l’économie, proposant un maigre 96 millions de dollars en prêts à faible taux d’intérêt et en dons, à condition que les subventions aux carburants soient réduites. Lorsque le gouvernement a accédé à cette demande, en juillet, le prix de l’essence pour le citoyen moyen a augmenté de 38 % pour atteindre 4,60 dollars le gallon, soit un prix supérieur à celui en vigueur aux États-Unis. Le prix du carburant diesel a augmenté de 47 %, et le kérosène de 51%. Cela a causé plusieurs vastes manifestations de rue, dont certaines étaient violentes.

C’est ainsi que la nation s’est trouvée démunie face au tremblement de terre du 14 août 2021, au cours duquel, selon les rapports du gouvernement, plus de 2 200 personnes sont mortes et plus de 300 ont été portées disparues, et sont probablement ensevelies sous les décombres. Plus de 12 000 personnes ont été blessées et on estime que quelque 600 000 ont besoin d’une aide humanitaire ; plus de 50 000 maisons sont complètement détruites et 77 000 autres sont endommagées, pour un total de 127 000. Pendant des décennies, les maisons en Haïti n’ont pas été construites selon des codes stricts, car les constructeurs cherchaient à éviter le coût élevé des matériaux essentiels mais coûteux comme le ciment. Les maisons n’étaient donc pas protégées contre les tremblements de terre, et nombre de ces maisons de piètre qualité se sont effondrées en quelques minutes comme des châteaux de cartes.

Et pourtant, des infrastructures utilisant des technologies avancées et un développement économique de base peuvent réduire ou éliminer environ 95 % des pires effets des tempêtes, des tremblements de terre et de la sécheresse. La cause du succès du Japon dans ce domaine, par exemple, est qu’il a investi d’importantes sommes pour financer la recherche et la construction de moyens pour atténuer les tremblements de terre. Sur les 14 ou 15 plaques tectoniques connues dans le monde, quatre convergent vers le Japon, où se trouvent plus de 2 000 failles actives ; plusieurs séismes s’y produisent chaque année mais les dommages encourus y sont très limités. Le secret du Japon : la recherche fondamentale et l’investissement dans des infrastructures, qui peuvent très bien être reproduits dans le cas d’Haïti.

Il est maintenant nécessaire d’avoir une mobilisation économique d’urgence pour mettre fin à la pauvreté chronique, à la malnutrition et aux maladies, de façon à offrir aux Haïtiens la possibilité de développer leurs pouvoirs créatifs afin de faire que leur économie atteigne des niveaux de développements supérieurs.

Un projet phare chinois

L’implication de la Chine est essentielle au lancement d’un programme de reconstruction et de développement d’Haïti et de la région environnante, lequel doit nécessairement inclure la République dominicaine, qui partage l’île d’Hispaniola avec Haïti, et les autres nations du bassin des Caraïbes et d’Amérique centrale ; cet ensemble de nations fonctionnera en tant qu’élément du Pont terrestre mondial. Comme la Chine l’a démontré dans les nombreux projets qu’elle a financés ailleurs dans le monde (en Afrique par exemple) dans le cadre de son initiative "Une ceinture, une route", elle dispose des ressources financières, du savoir-faire technologique et, surtout, de la volonté de relever les défis colossaux posés par des situations telles que celle d’Haïti.

Si la position diplomatique d’Haïti sur la question de Taiwan venait à changer, la Chine pourrait commencer par des projets ayant déjà faits l’objet d’étude pour construire, de fond en comble, les systèmes d’assainissement, de traitement de l’eau et des eaux usées, de logement et de transport de Port-au-Prince, entre autres.

En août 2017, deux entreprises chinoises - le Southwest Municipal Engineering and Design Research Institute of China (SMEDRIC) et la Metallurgical Corporation of China (MCC) - ont présenté une série de projets détaillés d’une valeur de 4,7 milliards de dollars pour la reconstruction de la capitale et de ses environs. En rendant publique sa proposition et en produisant une courte vidéo à ce sujet, la société SMEDRIC a indiqué que les projets pour la capitale d’Haïti faisaient partie d’une proposition plus large de 30 milliards de dollars pour l’ensemble du pays. Selon un article de Telesur du 1er septembre 2017, l’idée de cette série de projets a été conçue lors du sommet de l’Initiative “Une ceinture, une route” des 14 et 15 mai 2017 à Pékin. Peu de temps après, une délégation chinoise a effectué une visite d’investigation de 8 jours en Haïti et a rencontré des responsables locaux.
Les propositions du SMEDRIC pour Port-au-Prince sont impressionnantes, et se reflètent dans certains des graphiques qui suivent :

Figure 2

- Construire une nouvelle usine de traitement des eaux usées capable de traiter 180 000 mètres cubes d’eaux usées par jour à Port-au-Prince. (Voir Figure 2) Elle utilisera un flux de processus de prétraitement, de traitement primaire et de traitement biologique secondaire. Aujourd’hui, il n’existe aucune station d’épuration dans la ville, dont la zone métropolitaine compte plus de 3 millions d’habitants et il n’existe pas non plus d’égouts reliant les eaux usées des éviers.

Figure 3

- Construire une usine de purification de l’eau capable de purifier 225 000 mètres cubes par jour d’eau potable sûre et pure. (Voir Figure 3)

- Installer 450 toilettes publiques, environ 3 par 1 km², mettre en place un système de collecte des ordures et construire une décharge pouvant accepter 1 500 tonnes par jour.

Figure 4

- Comme présenté dans une courte vidéo préparée par la SMEDRIC, le plan prévoit "des travaux d’ingénierie routière, telle que l’amélioration, la reconstruction, l’élargissement, et la réhabilitation des routes, ainsi que la construction d’installations de transport. Cela est fait en fonction de 12 routes principales avec des installations d’accompagnement, d’une longueur totale de 100 km, le drainage routier étant une partie importante des travaux". 100 km, cela peut sembler peu, mais si la route se trouve à l’intérieur et autour de Port-au-Prince, si elle inclut un système de drainage et qu’elle est élargie, alors c’est crucial. (Voir Figure 4)

Figure 5

- Un ensemble de plans propose de construire des systèmes de drainage/écoulement des eaux pour prévenir les inondations pour les "crues centennales et cinquantennales", c’est-à-dire les inondations classées comme telles, parce qu’elles sont si exceptionnelles et avec une accumulation d’eau si importante qu’elles ne se produisent qu’une fois tous les 50 ou 100 ans. L’eau de pluie sera collectée dans des tuyaux et rejetée dans les rivières et la mer. Il s’agit d’un premier pas vers l’atténuation des inondations, ce qui est particulièrement important puisque Port-au-Prince occupe une plaine totalement vulnérable aux inondations. (Voir Figure 5)

Figure 6

- Construire une centrale électrique au gaz naturel de 600 mégawatts, qui pourra être augmentée à 2000 mégawatts. (Voir Figure 6)

- Construire un nouvel hôtel de ville comme monument central dans le cadre de la reconstruction de la vieille ville de Port-au-Prince.

Le maire de Port-au-Prince, Ralph Youri Chevery, a approuvé avec enthousiasme le plan dans une lettre du 25 août 2017 adressée à Xie Yong Jian, conseiller de la MEDRIC, où il affirmait : "Nous sommes heureux d’accepter la ’proposition de projet de planification de la construction du projet de rénovation municipale de Port-au-Prince."

Au moment même où la SMEDRIC faisait ses propositions, la société d’ingénierie haïtienne, Bati Ayiti, qui travaille avec la Metallurgical Corporation of China (MCC), a publié sa propre brochure, "Un projet d’infrastructure pour Haïti : Une collaboration avec la Metallurgical Corporation of China", qui comprenait l’information supplémentaire suivante que "l’État chinois et d’autres investisseurs privés chinois déclarent un objectif d’investissement de 30 à 70 milliards de dollars en Haïti et jusqu’à 100 milliards de dollars dans le marché des Caraïbes, avec l’objectif qu’Haïti devienne un pôle de développement majeur dans les 10 prochaines années".

Hélas, ces merveilleuses propositions, dont la mise en œuvre aurait amorcé le processus de transformation de Port-au-Prince et du pays, n’ont jamais dépassé le stade de la planification.

L’Institut Schiller a appris à l’époque que le Fonds monétaire international et d’autres intérêts connexes de Wall Street ont fait pression sur Haïti pour qu’il les rejette. Le département d’État et le gouvernement américain, déjà nerveux du fait que le Panama avait rompu avec Taïwan à peine deux mois plus tôt, le 13 juin, n’allaient tolérer aucun plan dont l’acceptation par Haïti impliquerait sa volonté de rompre avec Taïwan.

Le chemin de fer Haïti-République dominicaine

La proposition de construction d’un chemin de fer Haïti-République dominicaine, faite par la China Civil Engineering Construction Corporation (CCECC), ajoute une autre dimension à la discussion sur la transformation d’Haïti en collaboration avec la Chine. Le 20 février 2018, la publication en ligne haïtienne Hougansydney. com a publié un article intitulé " Projet de construction d’un chemin de fer international entre Haïti et la République dominicaine proposé au président [dominicain] Danilo Medina ", qui décrit la proposition faite à Medina par le Conseil de développement régional dominicain (CRD), basé dans la région de Cibao, qui visait à construire un chemin de fer, partant du sud-est du pays (le port de Haina), et allant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Il relierait les villes portuaires, et traverserait le nord de la République dominicaine, jusqu’à ce qu’il " termine son trajet en Haïti. " Pour que cela fonctionne, il devra y avoir un chemin de fer en Haïti.

Cette proposition n’était pas nouvelle ; elle fait l’objet de discussions répétées depuis 2008. Mais, après que le gouvernement dominicain a annoncé le 1er mai 2018 qu’il avait rompu avec Taïwan et établi des relations diplomatiques avec Pékin, le CRD et la China Civil Engineering Construction Corporation (CCECC) ont présenté en septembre de la même année une proposition officielle à Medina pour la construction d’un chemin de fer international, qui serait financé par la CCECC, pour relier la République dominicaine à Haïti, et comprenait également plusieurs grands projets d’infrastructure à construire en République dominicaine. La proposition a été réactivée par le CRD en mai 2021, selon BNamericas , mais selon des sources en République dominicaine, le président actuel Luis Abinader a subi des pressions de la part des États-Unis pour se distancer de la Chine depuis son arrivée au pouvoir en août 2020, et n’a pas donné suite à la proposition.

Étant donné que de tels projets sont toujours examinés et approuvés par la Commission nationale de développement et de réforme de la Chine (l’ancienne agence du plan quinquennal), on peut supposer que le gouvernement considère le plan comme important. La somme de 30 à 70 milliards de dollars d’investissement en Haïti mentionnée par la Metallurgical Corporation of China (MCC) est de même niveau que l’investissement prévu pour l’ensemble du couloir économique stratégique Chine-Pakistan (CPEC), qui est de 62 milliards de dollars. Voilà qui indique que les Chinois veulent sérieusement faire d’Haïti "un pôle de développement majeur dans les 10 prochaines années" dans les Caraïbes, ce qui a invariablement des implications pour l’Amérique centrale.

Ce plan serait ensuite intégré dans une série de propositions de la Route de la soie maritime et de la Ceinture économique terrestre. Il sera lié au canal de Panama élargi existant et s’intégrera au projet de grand canal interocéanique au Nicaragua, ainsi qu’à la construction d’une ligne ferroviaire à grande vitesse à travers la fosse de Darien, à la construction d’un chemin de fer bi-océanique (dont l’un des itinéraires partirait du port brésilien de Santos sur l’océan Atlantique, traverserait la Bolivie jusqu’au district péruvien de Callao sur l’océan Pacifique) et à d’autres projets liés au Pont terrestre mondial. La Chine a élaboré des plans et proposé du financement pour plusieurs de ces projets.

Figure 7

Un nouveau port en eau profonde à Fort Liberté sur la côte nord d’Haïti, ainsi que des projets similaires à Ponce, Porto Rico et Mariel, Cuba, constitueront des points de transbordement cruciaux pour le transit de marchandises vers les côtes américaines du Golfe du Mexique et de l’Atlantique, dans le cadre de la Route de la soie maritime. (Voir Figure 7)

Le programme de l’Institut Schiller

Nous examinons ici chacun des 8 domaines fondamentaux de l’infrastructure, de l’industrie et de l’agriculture qui sont au cœur de l’économie haïtienne, du point du vue de leurs possibilités et de leurs problèmes ; après quoi nous présentons les solutions offertes par notre plan.

I. Énergie et électricité

L’existence des êtres humains est basée sur l’augmentation du niveau de densité du flux d’énergie. L’introduction de l’électricité a créé un nouveau niveau amélioré de densité de flux énergétique qui constitue un saut technologique important. Une économie qui dispose d’un approvisionnement abondant en électricité peut adopter une plate-forme d’économie physique qui utilise des machines-outils à cinq axes, des chemins de fer électrifiés à grande vitesse, la supraconductivité, des faisceaux laser et d’énergie cohérente, la communication inter spatiale, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et les scanners. À l’heure actuelle, Haïti ne dispose d’aucune source fiable de production d’énergie, et ce qu’elle a, largement basé sur le charbon de bois, est primitif, dangereux et représente une menace sérieuse pour la santé. Ce type de situation est caractéristique de l’existence féodale du 16e siècle imposée à Haïti par la City de Londres et Wall Street.

Il y a environ 25 ans, Haïti, en manque d’électricité, a dû se tourner vers le charbon de bois comme principale source d’énergie. Le rapport "Strategic Framework" de l’USAID du 23 décembre 2020 indique que dans les zones rurales d’Haïti, la plupart des ménages n’ont pas accès à de l’énergie et qu’ils utilisent donc du bois de chauffage, qui provient de l’abattage des forêts. Le charbon de bois est utilisé par près de 90 % des ménages de Port-au-Prince et des autres grandes villes. Seuls 30 % du territoire haïtien sont encore couverts de forêts. Comparez cela à la description que Frederick Douglass faisait le 2 janvier 1893 d’un Haïti verdoyant, où il disait "sa chaleur tropicale et son humidité insulaire maintiennent sa végétation fraîche, verte et vigoureuse toute l’année. A une altitude de huit mille pieds, ses montagnes sont encore couvertes de bois d’une grande variété et d’une grande valeur."

Si l’on n’aide pas Haïti à sortir de cette prison, toute l’aide du monde ne servira à rien ; le pays ne se développera jamais, et son peuple ne pourra pas s’épanouir. Pour hisser le pays au niveau de la consommation annuelle d’électricité par personne de l’Espagne, par exemple, il faudrait multiplier sa capacité de production d’électricité installée par plus de 75 fois, c’est-à-dire la faire passer de ses présents 350 mégawatts à environ 27 gigawatts (en ne tenant pas contre ici des autres facteurs pertinents).

Cela peut se faire en deux étapes. Haïti peut atteindre la moitié de cette capacité de production d’électricité installée, soit 13,5 gigawatts, au cours des dix prochaines années. Il s’agira d’un mélange de nucléaire (y compris des centrales flottantes), de charbon propre et de gaz naturel. La taille des centrales variera de 100 à 1 000 mégawatts. En outre, la capacité de production d’hydroélectricité, y compris les 54 MW du barrage de Peligre, et celle des nouveaux barrages, peut être multipliée par trois fois, ce qui est considérable. Cette électrification accrue permettra d’alimenter les foyers et les hôpitaux, l’assainissement de l’eau, le commerce et l’industrie, l’agriculture et les transports, ce qui changera radicalement la vie quotidienne de tous les Haïtiens.

II. Un système de santé universel

Comme la fondatrice de l’Institut Schiller, Helga Zepp-LaRouche, l’a proposé pour chaque pays de la planète, Haïti a besoin de toute urgence d’un système de santé moderne. Dans son discours d’ouverture à la conférence de l’Institut Schiller du 8 mai 2021, Zepp-LaRouche a déclaré, parlant de la pandémie de COVID-19 en particulier :

La seule façon d’arrêter cette pandémie et les pandémies à venir est de créer un système de santé mondial, c’est-à-dire un système de santé moderne dans chaque pays. Parce que si vous n’arrêtez pas la pandémie, même dans le pays le plus pauvre de la planète, elle reviendra ; il y aura de nouveaux variants, de nouvelles souches, qui pourraient à terme rendre obsolètes les vaccins qui ont déjà été distribués. Nous sommes donc dans une course contre la montre.

Zepp-LaRouche a proposé que chaque pays ait les moyens de faire

ce qui a été fait à Wuhan [Chine] lorsque la pandémie a éclaté. Construire des hôpitaux ! Cela peut se faire avec le Corps des ingénieurs de l’armée, et avec les organisations d’assistance. En une semaine, un hôpital pour 1 000 personnes peut être construit. Ensuite, ces hôpitaux modernes ont besoin de médecins et d’infirmières bien formés. Cela implique qu’il faut avoir beaucoup d’eau potable ; deux milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’eau potable. Il faut beaucoup d’électricité ; tout cela ne peut se faire sans infrastructure. Ainsi, la mise en place d’un système de santé moderne dans chaque pays peut et doit être le point de départ d’une lutte définitive contre le sous-développement des pays en développement.

Le 18 août, quatre jours après le tremblement de terre, la Dre. Carissa Etienne, directrice de l’Organisation panaméricaine de la santé, a fait état de 24 établissements de santé endommagés ou détruits dans les trois départements les plus touchés par le séisme, et a appelé la communauté internationale à réagir immédiatement pour répondre aux " immenses besoins " d’Haïti, notamment en personnel de santé, en fournitures, en équipements et en véhicules pour les patients, afin de rétablir les services de santé dans les zones touchées. Elle a également souligné le besoin urgent de vaccins contre la COVID-19. À ce jour, moins de 1 % des 11,25 millions d’habitants d’Haïti ont été vaccinés, et seulement 500 000 doses du vaccin sont arrivées par le biais de la COVAX, qui fournit des vaccins aux pays en développement. Si le nombre officiel de cas de COVID-19 est faible, il s’agit très certainement d’un sous-dénombrement. L’Institut Schiller demande que 14 millions de doses de vaccin soient mises à la disposition d’Haïti pour porter rapidement son taux de vaccination à 60 %.

Le système de soins intensifs d’Haïti n’a pratiquement aucune capacité pour gérer les cas de COVID-19 ou d’autres urgences. Selon une étude intitulée "Critical Care Capacity in Haiti : A Nation-wide Cross-sectional Survey " (Capacité des soins intensifs en Haïti, une étude nationale) publiée dans la revue Plos One du 23 juin 2019, Haïti ne compte que 124 lits d’unité de soins intensifs à l’échelle nationale, et 53 lits supplémentaires désignés pour les patients gravement malades, qui pour la plupart se trouvent dans les services d’urgence. La pénurie de personnel médical et de lits d’hôpitaux est effroyable. Haïti compte 0,25 médecin pour 1 000 habitants, soit un dixième du niveau américain de 2,3 médecins pour 1 000 habitants ; et il ne compte que 0,11 infirmière pour 1 000 habitants, soit un centième du niveau américain de 11,7 infirmières pour 1 000 habitants. Pour l’ensemble du pays, Il n’y a que 7 982 lits d’hôpitaux, soit 0,71 lit pour 1 000 habitants.

La norme à fournir en Haïti devrait être de l’ordre de 4 lits d’hôpital pour 1 000 résidents dans chaque communauté, ce qui était la ligne directrice fixée par la loi américaine de 1946 Hill-Burton (la "loi sur l’étude et la construction des hôpitaux"), dont le principe était que les autorités sanitaires déterminent le nombre de lits pour 1 000 personnes nécessaires région par région, en fonction des normes médicales modernes et du type de transport disponible. Disposer d’installations médicales modernes et d’un personnel adéquat, ainsi que d’installations sanitaires modernes et d’une nutrition adéquate, permettra de commencer à lutter contre les taux de mortalité infantile et maternelle d’Haïti, qui sont les plus élevés de l’hémisphère occidental.

Cela signifie qu’Haïti doit construire - avec l’aide notamment des États-Unis et de la Chine - 185 nouveaux hôpitaux modernes, ayant 47 000 nouveaux lits d’hôpitaux, au cours des huit prochaines années. L’embauche d’ouvriers du bâtiment et de personnel médical et technique pour construire et gérer l’hôpital créera 100 000 emplois, à des niveaux de qualification de plus en plus élevés. La construction des hôpitaux sera décentralisée, de façon à ce qu’un hôpital de 500 à 700 lits soit construit dans chacun des départements à l’exception du département de l’Ouest où se trouve Port-au-Prince et où la moitié des hôpitaux existants du pays sont déjà regroupés. Haïti doit également recevoir au moins 50 IRM, 50 tomodensitomètres et 200 appareils à rayons X à des fins de diagnostic et d’examen approfondi. Des écoles de médecine doivent être organisées de façon à faire passer le nombre de médecins en Haïti de 2 800 actuellement à 20 000, et le nombre d’infirmières de 1 200 à 100 000. La diaspora haïtienne aux États-Unis et ailleurs, qui a des niveaux de compétences relativement plus élevés que la population locale, doit être encouragée à revenir et à aider dans ce domaine - comme dans d’autres. (Voir la section VII. Industrie et main-d’œuvre, ci-dessous).

III. Faim et agriculture

Le Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU classe 4,4 millions d’Haïtiens, soit 42 % de la population, dans la catégorie " insécurité alimentaire ", celle où les gens ont un besoin urgent d’aide alimentaire. Lors d’un voyage en Haïti le 16 septembre, le directeur du PAM, David Beasley, a rapporté que plus de quatre millions de personnes dans le pays "se dirigent vers la famine, et que sur ce nombre, un million frappent déjà à sa porte". Soulignant l’aide nécessaire dans toute la région frappée par le tremblement de terre, il a tweeté depuis le village de Manich : "4 personnes sur 5 dans ce village ont besoin d’un accès à la nourriture, à un abri et à des soins de santé MAINTENANT. Je parle des besoins les plus élémentaires. Ces familles ont eu la chance de s’en sortir vivantes. Maintenant, elles ont besoin de notre aide." Le tremblement de terre a encore aggravé l’insécurité alimentaire qui touche Haïti depuis des années, en détruisant les récoltes et le bétail, en rasant les marchés et en contaminant les cours d’eau qui étaient utilisés comme source d’eau potable.

Le riz est l’aliment de base le plus important du régime alimentaire haïtien. En 1985, la production locale de riz d’Haïti s’élevait à 163 296 tonnes métriques, auxquelles s’ajoutaient 7 337 tonnes métriques importées des États-Unis, soit un total de 170 663 tonnes métriques. La production nationale représentait alors 96 % de la consommation, et Haïti était donc autosuffisant en matière de consommation de riz, bien qu’à un niveau misérablement bas. Cependant dans les années 1980, 1990 et au début du nouveau millénaire, la situation a radicalement changé, grâce aux manipulations politiques et économiques orchestrées par le gouvernement américain et les "programmes d’ajustement structurel" meurtriers du Fonds monétaire international. En 1984, le président Ronald Reagan a fait adopter l’Initiative de libre-échange du bassin des Caraïbes, par laquelle Haïti a été "intégré au marché mondial" et a été invité à réorienter 30 % de sa production alimentaire nationale vers les cultures pour l’exportation. Deux ans plus tard, la junte militaire alors au pouvoir, dirigée par le général Henri Namphy, a accepté 24,6 millions de dollars de prêts du FMI, à condition qu’elle accepte de réduire les droits de douane sur le riz de 150 % à 50 %, les plus bas des Caraïbes.

Tous les ports d’Haïti ont été ouverts à l’activité commerciale internationale et le peu de soutien des prix dont bénéficiaient encore les agriculteurs a été éliminé. Les années suivantes ont vu l’imposition répétée des politiques d’austérité du FMI, un embargo économique et une invasion des États-Unis, ainsi qu’une extraordinaire réduction en 1994 des droits de douane sur les importations de riz de 35 % à 3 %, faisant d’Haïti, de façon aberrante, " l’économie la plus ouverte " de toutes les Caraïbes.

Les prévisions du service agricole étranger du Département américain de l’agriculture pour la période allant de juillet 2020 à juin 2021, ont estimé que la production nationale de riz d’Haïti serait de 75 000 tonnes métriques, et que les importations seraient de 495 000 tonnes métriques (dont 90 % en provenance des États-Unis), ce qui signifie que son autosuffisance en riz a été réduite à un cauchemardesque 13 % ! Depuis 1985, la production nationale de riz d’Haïti a chuté de 55 %. Les revenus agricoles se sont effondrés ; de nombreux agriculteurs ont été contraints d’abandonner leur ferme, se retrouvant souvent dans ce que l’on appelle "l’économie informelle" - y compris dans le commerce meurtrier de la drogue. Les effets de ce "libre-échange" caractéristique de l’Empire britannique se sont répandus, de sorte qu’aujourd’hui, 40 à 50 % (voire même davantage) des aliments consommés par les Haïtiens provient d’importations, notamment pour ce qui est du blé et des volailles.

Pour qu’Haïti produise suffisamment de nourriture pour sa propre population, et éventuellement pour l’exportation, elle doit avoir accès à des méthodes agricoles modernes, y compris en ce qui concerne l’utilisation des cinq chaînes de montagnes qui traversent et couvrent 70 % de son territoire et où une partie de la nourriture est produite, bien que de manière inefficace. (Voir figure 8)

Figure 8

Les producteurs doivent pouvoir faire face à des problèmes tels que l’érosion des sols, qui est causée en partie par l’utilisation généralisée du charbon de bois, laquelle entraîne la déforestation et la perte de la couche arable lors des pluies. Les agriculteurs manquent de biens d’équipement (tracteurs et autres machines agricoles) et ont peu accès à du capital financier. L’irrigation est pratiquement inexistante ; sur les 16 000 km² de terres agricoles d’Haïti, seuls 970 km², soit 6 %, sont équipés pour l’irrigation. Les rendements des cultures et la productivité de l’agriculture sont extrêmement faibles.

Pourtant, le potentiel agro-climatique du pays est formidable, car il convient aux arbres et aux cultures nécessitant aussi bien un climat tropical que tempéré. Les précipitations sont bonnes et il y a deux saisons de croissance. Avec de bons engrais, de bonnes semences, de bons équipements agricoles, de bonnes applications d’eau en temps opportun, etc., les rendements peuvent être augmentés de façon spectaculaire pour les cultures susceptibles d’y y être produites : riz, maïs, sorgho, canne à sucre, et une large gamme de fruits et légumes (comme les mangues), plus des spécialités comme le café, le sisal et les plantes aromatiques. Il faut également procéder à la reforestation, et rétablir toute la gamme d’espèces sous ce type de latitude, des pins aux arbres fruitiers.

Les conditions pour la pêche en eau douce peuvent être améliorées dans les rivières et les lacs. Étant donné qu’Haïti est entouré par l’océan sur trois côtés, le potentiel de développement d’une industrie de la pêche doit être pleinement exploré, tant du point de vue de la production nationale que pour l’exportation. Il existe 270 espèces de poissons dans le golfe des Gonaïves, mais la grande pauvreté qui sévit dans les zones rurales d’Haïti empêche les pêcheurs d’acquérir des bateaux de dimensions suffisantes pour effectuer de grosses prises. Ce problème réglé la pêche fournira également une excellente source de ces protéines animales qui font si cruellement défaut dans l’actuel régime alimentaire haïtien.

Bien que les programmes internationaux d’aide étrangère aient contribué plusieurs milliards de dollars à Haïti, dont certains à des fins utiles à court terme, ils n’ont en rien modifié les fondamentaux de l’économie haïtienne. Moins d’un demi-milliard de dollars pour l’achat de 3 000 tracteurs de grande taille de 100 chevaux, à quatre roues motrices, d’une flotte de 100 bateaux de pêche commerciale, de pompes, d’arroseurs, etc. pour des systèmes d’irrigation à pivot central ou au goutte-à-goutte, d’engrais et de semences, de cultures hydroponiques et d’aquaculture, produira un élan de développement beaucoup plus puissant et durable.

IV. Chemins de fer et routes

Plus tôt dans ce rapport, nous avons pris note du projet de la China Civil Engineering Construction Corporation (CCECC) de construire une voie ferrée internationale reliant Haïti et la République dominicaine. La CCECC est une entreprise très compétente et expérimentée. Si elle a proposé et défendu une ligne de chemin de fer haitiano-dominicaine, et s’est engagée à la financer dans des circonstances appropriées, elle a très certainement étudié et conçu dans les grandes lignes (et peut-être même de façon détaillée) un plan pour la partie haïtienne de la ligne.

L’Institut Schiller ne dispose pas actuellement des plans de la CCECC pour la partie haïtienne de la ligne ferroviaire, mais un système ferroviaire qui profiterait particulièrement à l’économie relierait certaines des villes portuaires qui entourent la côte haïtienne de 1 770 km, ou même chacune d’entre elles. L’ensemble de la ligne commencerait dans la ville portuaire de Fort Liberté et irait vers l’ouest jusqu’à la ville portuaire de Cap-Haïtien, jusqu’à Port-de-Paix, puis vers le sud jusqu’à Anse Rouge, Gonaïves et Port-au-Prince, puis vers l’ouest jusqu’à Jérémie, Port-Salut, Les Cayes et Laborieux. (Voir la Figure 9.)

Figure 9

En plus des lignes ferroviaires indiquées sur la carte, deux autres lignes pourraient être construites à partir de Port-au-Prince : une ligne directe allant plein nord jusqu’à Fort Liberté, et l’autre ligne directe allant vers le sud-ouest jusqu’à Jacmel, toutes deux devraient être des lignes électrifiées à grande vitesse ou à sustentation magnétique. Cela permettra d’accélérer la circulation des biens et des personnes aux quatre coins du pays. De plus, le plan de l’Institut municipal de conception et de recherche en ingénierie du sud-ouest de la Chine (SMEDRIC) visant à améliorer et à élargir 100 km de routes pour véhicules à moteur dans la région de Port-au-Prince est un bon début mais il faudrait y ajouter 1 620 km de routes principales sillonnant Haïti, afin de commencer à connecter le pays.

V. Aéroports et ports maritimes

Haïti ne dispose aujourd’hui que de trois ports maritimes internationaux. Le Port international de Port-au-Prince, qui traite une grande partie du trafic, est âgé et a une capacité limitée. En 2011, dans le but d’aider Haïti à se remettre du tremblement de terre de 2010, l’Agence américaine pour le développement international (USAID) a commandé une étude de faisabilité pour voir si un ou deux ports dans le nord du pays - le port de Cap-Haïtien (limité) et le port de Fort Liberté (lequel ne traite aujourd’hui qu’une petite partie du trafic) pouvaient être approfondis et équipés de portiques complets modernes, etc. afin d’augmenter leurs capacités. L’USAID a évalué le coût d’amélioration de la construction des deux ports à un montant allant de 185 à 250 millions de dollars, dont 70 millions de dollars seraient engagés par le gouvernement américain, le reste devant provenir du secteur privé. Étant donné que le port de Cap-Haïtien ne disposait que d’un terrain limité sur lequel un port peut être agrandi, l’accent a été mis sur la construction du port de Fort Liberté.

Le projet d’expansion du port de Fort Liberté proposé par l’USAID - et ce que cela impliquait pour le développement d’Haïti - a déclenché l’alarme chez les malthusiens internationaux, qui sont passés à l’action peu après la publication du rapport initial en 2011, en se lançant dans une campagne contre le projet en prétextant absurdement que le projet menaçait l’existence des récifs coralliens dans les Caraïbes.

Un article paru dans Reef Relief le 1er octobre 2012 annonçait que "les lézards et des récifs coralliens rares compliquent le projet du port maritime de plusieurs millions de dollars en Haïti", et citait ensuite une "étude pessimiste" de l’Union internationale pour la conservation de la nature, dont "les recherches ont révélé que les récifs coralliens des Caraïbes sont menacés". Rappelons que l’UICN a été fondée par l’eugéniste et malthusien Julian Huxley, dont le but avoué était d’éliminer les "personnes inférieures" des rangs de l’humanité.

Puis, le Government Accountability Office (GAO) des États-Unis, composé de personnes souvent opposées aux grands projets d’infrastructure, a publié en juin 2013 un rapport intitulé "Haïti Reconstruction", qui critiquait le travail de l’USAID en Haïti. Finalement, deux rapports de la Société financière internationale de la Banque mondiale ont proposé un plan de " non-action ", tuant de fait le projet d’expansion du port de Fort Liberté. En 2018, l’USAID a proposé des modifications relativement mineures au port de Cap-Haïtien.

Pas étonnant que le projet Fort Liberté ait offensé les fanatiques de la dépopulation. La baie de Fort Liberté a une profondeur de 72 pieds, bien plus que les 53 pieds du port de Los Angeles, le plus grand port commercial des États-Unis d’Amérique, qui peut accueillir les plus grands porte-conteneurs du monde.

L’Institut Schiller propose que le projet d’expansion et de modernisation du port de Fort Liberté soit repris et mis à jour, en tant que composante essentielle du plan de revitalisation d’Haïti. Un point de départ utile est d’évaluer les documents préparés par le Corps des ingénieurs de l’armée américaine qui ont évalué le projet en 2011-12.

Les membres de la diaspora haïtienne basée aux États-Unis ont également contribué à la discussion sur ce projet. Lors d’une récente conversation avec l’Institut Schiller, un ingénieur haïtien basé aux États-Unis a indiqué que si le port de Fort Liberté était développé de façon maximum, il pourrait accueillir des porte-conteneurs contenant plus de 16 000 EVP (équivalent vingt pieds), ce qui est actuellement impossible dans deux des principaux ports de Floride, Port Jacksonville et Port Everglades (9 000 EVP maximum). Cette source a suggéré que les grands porte-conteneurs internationaux pourraient d’abord se rendre à Fort Liberté ainsi agrandi, où la cargaison en conteneurs EVP serait expédiée sur des navires contenant de plus petits conteneurs EVP vers Port Jacksonville et Port Everglades.

L’expansion du port renforcera non seulement considérablement le rôle d’Haïti en tant que plaque tournante pour la région, mais servira également d’aimant pour attirer et fournir des emplois et des formations à la main-d’œuvre nécessaire pour faire fonctionner le port.

À l’intérieur d’Haïti, le manque d’aéroports (et de routes praticables) entrave considérablement les transports intérieurs, comme en témoignent les récents efforts des organisations humanitaires pour acheminer l’aide d’urgence vers les régions du pays les plus durement touchées par le tremblement de terre du 14 août. Le pays ne compte que 14 aéroports, dont seulement cinq ou six ont des pistes pavées et des vols réguliers. Beaucoup de ces "pistes" ne sont en fait guère plus que des chemins de terre. Les systèmes radar sont vieux, et certains aéroports n’en ont même pas. Ainsi, l’aéroport de Port-de-Paix, le troisième du pays en termes de trafic de passagers, n’a pas eu de radar pendant la majeure partie du 21e siècle. L’État de Floride, qui compte deux fois la population d’Haïti, possède 520 aéroports.

Ce piètre réseau aéroportuaire doit être modernisé, ce qui nécessitera également l’installation d’un système radar moderne et performant. D’ici 2027, Haïti devrait avoir 25 aéroports pouvant accueillir des vols réguliers, dont la moitié avec des pistes pavées et suffisamment longues pour accueillir des Boeing 787 et des Boeing C17 Globemaster III (avions de transport) capable de fournir des secours d’urgence.

VI. Assainissement et purification de l’eau

Dans la capitale de Port-au-Prince, dont la zone métropolitaine compte trois millions d’habitants, il n’y a pas une seule station d’épuration des eaux. Il n’existe pas non plus d’égouts reliant les eaux usées des éviers. De nombreux habitants utilisent des toilettes extérieures ; les gens déversent les déchets et les eaux usées brutes dans les canaux qui traversent la ville et débordent quelques fois lorsqu’il pleut, favorisant ainsi les maladies. La station d’épuration à ciel ouvert de Morne à Cabrit, à 40 miles de Port-au-Prince, est la seule station d’épuration en service dans tout le pays ! Les déchets, y compris les déchets humains, et les ordures s’écoulent dans certains des cours d’eau du pays et débordent quelques fois. Les maladies d’origine hydrique - en particulier la typhoïde, le choléra et la diarrhée chronique - représentent un pourcentage important des décès. Dans le même temps, les résidents des complexes d’appartements doivent souvent chlorer eux-mêmes le système d’eau de l’immeuble pour pouvoir prendre des douches sûres.

En ce qui concerne l’eau potable, "42,3 % de la population totale d’Haïti a du mal à accéder à l’eau potable", rapporte le Projet Borgen, qui observe l’accès des pays en développement aux services de base. Selon d’autres estimations, ce chiffre pourrait même atteindre 50 %. Le Projet Borgen indique également que les trois quarts des ménages haïtiens n’ont pas accès à l’eau courante. Des centaines de villages haïtiens s’approvisionnent en eau à l’aide de pompes manuelles, qui souvent ne fonctionnent que de façon irrégulière, ou de puits. Les villages qui n’ont pas de puits ou de pompes manuelles comptent sur le gouvernement ou les ONG pour livrer de l’eau dans des camions chargés de 200 seaux de cinq gallons d’eau pour fournir un total de 1 000 gallons d’eau propre - quand c’est possible. Dans les villes, de nombreuses personnes boivent de l’eau en bouteille. L’absence d’une source fiable d’eau potable entrave les activités quotidiennes des usines de transformation alimentaire, des boulangeries et d’autres entreprises.

La proposition du SMEDRIC et du MCC décrite ci-dessus prévoit la construction d’une nouvelle station d’épuration pouvant traiter 180 000 mètres cubes d’eaux usées par jour à Port-au-Prince. Elle utilisera un flux de processus de prétraitement, de traitement primaire et de traitement biologique secondaire. Des stations de traitement de cette capacité seront construites dans les dix départements du pays d’ici 2026, ce qui portera la capacité de traitement des déchets combinée à 1,8 million de mètres cubes par jour. Il s’agit d’un bon point de départ, mais qui pourrait s’avérer insuffisant. Le traitement avancé des eaux usées de Blue’s Plains, à Washington D.C., traite au moins quatre fois la capacité de traitement des déchets prévue pour Haïti, alors que sa population n’est que d’un tiers de celle d’Haïti.

La proposition du SMEDRIC et du MCC prévoit également la construction d’une station d’épuration des eaux capable de purifier 225 000 mètres cubes par jour d’eau potable sûre et pure à Port-au-Prince. Quinze usines de ce type, de même capacité, seront construites dans le pays, dont au moins une dans chaque département, d’ici 2026. Pour obtenir rapidement un approvisionnement abondant en eau propre, des usines de dessalement nucléaires et l’utilisation avancée de lasers pour purifier l’eau seront envisagées.

VII. Industrie et main-d’œuvre

L’économie haïtienne actuelle ressemble beaucoup aux économies contrôlées par la Compagnie britannique des Indes orientales au 18ème siècle. L’économie informelle, l’industrie de l’habillement et du textile à très bas salaires, et l’industrie de production de charbon de bois sont les caractéristiques déterminantes d’une économie qui dégrade et brutalise sa main-d’œuvre. La publication de mai 2015 de la Banque mondiale Haïti : Towards a New Narrative rapporte que 47% de l’économie haïtienne est informelle - souterraine – où les "travailleurs" vendent de tout, allant de l’artisanat, à la nourriture de rue, au chewing-gum, jusqu’aux importations illégales, aux marchandises volées et aux drogues. Dans l’ensemble, 65 % de la main-d’œuvre haïtienne est soit au chômage, soit sous-employée dans l’économie informelle. L’agriculture représente 40% de l’économie et l’emploi formel - principalement l’industrie et les services - seulement 13%.

L’industrie de l’habillement - textiles et vêtements – emploie 57 000 travailleurs et fait tourner l’économie primitive. L’ouvrier textile qui produit pour l’exportation gagne 420 gourdes, la monnaie locale, soit environ 5 $ par jour. Les exportations de textiles, dont la plupart sont destinées aux États-Unis, représentent 90 % de l’ensemble des recettes d’exportation d’Haïti. Ce n’est pas un phénomène nouveau. Les programmes d’austérité du FMI imposés au pays à partir du milieu des années 1980 ont contribué à transformer Haïti en un atelier de misère géant, dans lequel les usines d’assemblage sous douane - les tristement célèbres maquiladoras connues au Mexique, en Amérique centrale et dans de nombreux pays en développement - sont devenues le principal employeur du pays. En 1985, Haïti se situait au neuvième rang mondial pour l’assemblage de biens destinés à la consommation des États-Unis, atteignant la douteuse distinction d’être le plus grand producteur mondial de balles de baseball, et parmi les trois premiers pour l’assemblage de produits tels que les jouets en peluche, les poupées et les vêtements.

Le rapport de l’USAID 2020-2022 Strategic Framework pour Haïti indique que la production de charbon de bois emploie plus de 150 000 personnes dans tout le pays. En dehors de l’agriculture, c’est la plus grande source d’emploi informel en Haïti aujourd’hui, partie intégrante de l’économie du charbon de bois qui a emprisonné Haïti dans une économie féodale de primitivisme et de génocide.

La plupart des industries d’Haïti sont des industries légères, car il n’y a pratiquement pas de biens d’équipement moyens ou lourds. La main-d’œuvre a un niveau d’éducation très bas et est peu qualifiée.

Cinq parcs de machines-outils seront développés à travers le pays, chacun comprenant cinq à dix entreprises de machines-outils avec 5 à 30 travailleurs chacune. Chaque entreprise sera dirigée par un opérateur de machine-outil qualifié, qui pourra être recruté aux États-Unis, en Chine, en France, en Allemagne, en Suisse ou en Italie. La formation des employés comprendra quatre ou cinq ans d’enseignement en classe et de formation en cours d’emploi.

Des plans avaient été annoncés en 2015 pour construire la cimenterie Siman Lakay à Gonaïves, d’une valeur de 300 millions de dollars, capable de produire une bonne partie des 4,5 millions de tonnes de ciment nécessaires à Haïti par an, ce qui généreraient environ 2 200 emplois qualifiés. Le projet devait être financé par des investisseurs étrangers et des Haïtiens, mais pour des raisons qui ne sont pas claires, il n’a jamais été construit. Il sera construit maintenant dans le cadre du programme de développement. Le voisin d’Haïti, la République dominicaine, avec son industrie du ciment pourrait, dans le cadre d’un plan de développement régional, participer à ces plans, car elle possède 16 usines de production de ciment et exporte déjà plus de la moitié de sa production annuelle vers Haïti. Deux mini-aciéries, d’une capacité de 150 tonnes chacune, seront également construites pour un coût total de 250 millions de dollars, et quelques autres seront construites ultérieurement, ainsi que des usines de fabrication. Ces usines permettront à Haïti de commencer à répondre à certains de ses besoins industriels les plus fondamentaux.

Un facteur qui sera crucial pour stimuler le développement d’Haïti est sa vaste diaspora. Selon une estimation, le nombre d’immigrants haïtiens vivant aux États-Unis s’élève à 760 000, mais une autre, qui prend en compte les Haïtiens-Américains, estime ce nombre à 1,3 million de personnes. Il y a également plus d’un million d’Haïtiens vivant en République dominicaine, à Cuba, au Canada et en France et plusieurs d’entre eux souhaitent ardemment le développement d’Haïti. Une strate importante de la diaspora est constituée de professionnels, notamment d’ingénieurs, de médecins, d’infirmières, d’architectes, de commerçants ainsi que de professionnels de la finance.

Un programme de développement du type de celui proposé par l’Institut Schiller servira d’aimant pour attirer nombre de ces professionnels en Haïti, que ce soit de manière permanente ou pour des périodes plus courtes, où ils travailleront avec des chefs de projet chinois, américains et haïtiens, ou apporteront leurs compétences professionnelles d’une autre manière. Ils ajouteront une marge de talent précieuse pour assurer le succès de ces projets.

VIII. Éducation

Le système économique féodal imposé à Haïti pendant la majeure partie de son histoire l’a empêché de créer la main-d’œuvre éduquée dont il a besoin pour son développement futur. L’organisation Des écoles pour l’éducation en Haïti rapporte sur son site web que "le taux d’inscription à l’école primaire en Haïti est de 57%, et que moins de 30% des élèves atteignent la 6ème année. Les écoles secondaires comptent seulement 20 % des enfants en âge d’être scolarisés..... Haïti se classe 177e sur 186 dans le monde pour les dépenses nationales en matière d’éducation". Le taux d’alphabétisation serait de 61,7 %, mais si moins de 30 % des élèves atteignent la sixième année, le taux d’alphabétisation réel est probablement inférieur à ce chiffre.

Actuellement, 80 à 90 % des élèves sont scolarisés dans des écoles privées internationales, principalement gérées par le Canada, la France ou les États-Unis, ainsi que dans des écoles gérées par des églises et des ONG. Haïti compte un total de 15 200 écoles primaires, mais seulement 1 800 d’entre elles sont publiques. On est loin de ce que prévoyait la Constitution haïtienne de 1804-1805, qui stipulait que " l’éducation sera gratuite. L’enseignement primaire sera obligatoire.... L’enseignement public sera gratuit à tous les niveaux." Selon un rapport de la Banque mondiale de 2015, les parents haïtiens dépensent en moyenne 130 dollars chaque année pour envoyer leur enfant dans une école [privée]. Dans un pays où la moitié de la population gagne moins de 3 dollars par jour, la plupart des parents n’ont pas les moyens de payer les frais d’une école privée, et pourtant beaucoup d’entre eux s’efforcent de rassembler l’argent nécessaire pour y arriver.

La fuite des cerveaux est un autre gros problème pour Haïti. Selon la Banque mondiale, 84 % des diplômés universitaires quittent le pays peu après l’obtention de leur diplôme. Le pays compte de nombreux ingénieurs talentueux, mais ils ne suffisent pas à la tâche.

Le système scolaire haïtien doit être réorganisé, en mettant davantage l’accent sur le rôle des écoles publiques. Deux mille nouveaux bâtiments scolaires publics modernes seront construits, et mille bâtiments existants seront modernisés avec des systèmes d’eau et des salles de bain, des systèmes de ventilation, des salles à manger, etc. Ces bâtiments seront également protégés contre les tremblements de terre et les ouragans, en utilisant des modèles qui ont fait leurs preuves dans d’autres pays exposés aux tremblements de terre. Un objectif raisonnable est de réaliser la moitié de ce programme en cinq ans. En plus de cela, le faible salaire mensuel actuel de l’enseignant moyen de l’école primaire, 445 $ ou 47 300 gourdes, devrait être régularisé et doublé.

De manière optimale, le programme scolaire devrait être basé sur le programme classique de Wilhelm von Humboldt, qui met un accent important sur les sciences et les classiques.

L’Institut Schiller propose qu’au fur et à mesure de l’augmentation du nombre de diplômes scientifiques, deux universités soient construites, dédiées à l’ingénierie, avec une classe initiale de 250 étudiants chacune, et dont le nombre d’étudiants augmentera au fil des ans. Des programmes pour les stagiaires haïtiens en machines-outils doivent être institués, d’une durée de quatre ou cinq ans, combinant enseignement en classe et formation au travail.

Immédiatement après le tremblement de terre haïtien du 12 janvier 2010, Lyndon LaRouche a proposé la création d’un projet du type de celui du Civilian Conservation Corps dans le style des années 1930 aux États-Unis pour employer des jeunes haïtiens et américains. Aujourd’hui, le Comité pour la coïncidence des opposés de l’Institut Schiller propose d’établir immédiatement un tel projet de 5 000 jeunes de chaque pays pour être formés et travailler comme apprentis sur des projets de reconstruction ou dans des opérations de traçage de vaccins COVID-19 et de service hospitalier.

L’avenir d’Haïti, comme celui du monde, repose sur sa jeunesse. L’Institut Schiller a présenté ici le plan général de ce qui est nécessaire, autour duquel il faut se mobiliser pour faire de cet avenir une réalité.