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Au menu du « Green Deal » de l’Union Européenne : pénurie agricole et explosion des prix

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S&P—Dans une étude récente, des chercheurs de l’université néerlandaise de Wageningen alertent sur le désastre à venir provoqué par le « Green Deal » de l’Union européenne. Au menu : chute des productions, doublement des importations alimentaires et explosion des prix.


Avec la stratégie nommée « Farm to fork » (« de la ferme à la fourchette », ou F2F), votée par le Parlement européen en octobre 2021, l’objectif de l’UE est de parvenir à la neutralité carbone en 2050. Elle consiste à porter à 25% la part de l’agriculture biologique, à ramener à zéro les importations de soja, à baisser de moitié les usages de pesticides et d’antibiotiques vétérinaires, de 20% les épandages d’engrais, et à diminuer de 10% les surfaces cultivées sur le continent — des objectifs « sortis d’un chapeau » , comme les qualifiés Paolo de Castro, vice-président de la commission agriculture du Parlement européen.

Cependant, plusieurs études, dont celle de l’université de Wageningen, sont venues doucher les illusions des technocrates « verts » de Bruxelles, montrant non seulement que le prétendu Green deal allait provoquer une chute des productions et un doublement des importations alimentaires, mais également — et c’est le comble — des conséquences néfastes pour l’environnement.

Les chercheurs néerlandais se sont intéressés à l’impact des stratégies F2F et « Biodiversité » (BD) — votée en juin 2021 par le Parlement européen — sur les cultures annuelles (blé, colza, maïs, betterave à sucre, houblon et tomates) et les cultures pérennes (pommes, olives, raisins et agrumes).

Le premier des quatre scénarios envisagés par les chercheurs suppose une réduction de 50 % des pesticides, y compris le groupe de pesticides le plus nocif pour l’environnement. Le scénario 2 envisage une réduction de moitié des pertes de nutriments [1] et une réduction de 20 % de l’utilisation des engrais, tandis que dans le scénario 3, au moins 25 % des terres agricoles sont utilisés pour la production biologique. Enfin, le scénario 4 combine les objectifs des deux premiers scénarios avec l’objectif de laisser au moins 10 % des terres agricoles à la nature.

Les chercheurs ont mené des études de cas détaillées sur 25 exploitations agricoles de l’UE. Dans chaque cas, ils ont décrit les ajustements que les agriculteurs apporteraient à l’application de pesticides et d’engrais si la nouvelle politique européenne devenait réalité. Ils ont extrapolé l’impact au niveau des États membres de l’UE et utilisé des modèles économiques pour évaluer l’impact sur le marché.

Selon Johan Bremmer, l’un des scientifiques impliqués, la mise en œuvre des stratégies F2F et BD aura un impact négatif. Le scénario 4 analyse un impact cumulé de plusieurs des objectifs de la stratégie F2F. « Considérez la réduction de l’utilisation des pesticides et la prévention de la perte de nutriments : ce scénario montre une baisse moyenne de la production comprise entre 10 et 20 % » et certaines cultures pourraient même connaître une baisse de 30 %.

La politique de l’UE peut également entraîner des problèmes de qualité : « Par exemple, si l’on utilise moins de pesticides, les céréales peuvent devenir sensibles aux toxines fongiques, ce qui les rend impropres à l’alimentation humaine ou animale, écrivent les chercheurs. La réduction de l’utilisation des nutriments et des pesticides peut entraîner une baisse du rendement par hectare de pommes, une réduction de la taille des fruits et une altération de la peau. Les fruits de moindre qualité sont moins appréciés par les consommateurs. Par conséquent, s’il n’y a pas de changement du côté de la demande, cela signifie qu’il faut s’attendre à plus de rareté et donc à une augmentation des prix. Ce qui aura également des conséquences négatives sur la balance commerciale européenne, du fait de la diminution des exportations et de l’augmentation des importations ».

L’UE aura besoin de terres agricoles supplémentaires à l’extérieur de son territoire.

"Si la demande reste inchangée, l’Europe devra combler le manque en important davantage, prévient Johan Bremmer. Plus encore : si l’Europe exporte moins, les pays hors d’Europe devront eux-mêmes produire davantage. Nous avons calculé combien d’hectares de terres agricoles en dehors de l’UE sont nécessaires pour absorber cette combinaison d’effets. Dans tous les scénarios, ce changement indirect d’affectation des terres est considérable."

En avril 2021, le Sri Lanka a voulu devenir le premier pays au monde à passer à une agriculture 100% bio, avant de faire machine arrière six mois plus tard. L’UE se conduira-t-elle en mouton de Panurge, attendant de se retrouver à l’eau pour réagir ?


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[1les nutriments sont les éléments dont se nourrit toute plante, via l’atmosphère et les racines, ou par les apports d’engrais et d’amendements faits par les agriculteurs. Les pertes se font par exportation des récoltes, par lixiviation, par érosion.