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Le « bombardement » russe de la centrale nucléaire ukrainienne, réalité ou fakenews de l’année ?

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Par Karel Vereycken

S&P—Plusieurs analystes émettent de sérieux doutes sur le « narratif » occidental accusant la Russie d’avoir « bombardé » la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia (NPP). Avec ses six réacteurs, elle est l’une des plus grandes d’Europe.

Selon les grands médias, y compris Le Monde, les troupes russes ont pris le contrôle de la centrale vendredi matin 4 mars « après l’avoir bombardée » pendant la nuit. Le maire local (de la ville d’Enerhodar) a affirmé dans un message sur Telegram que la centrale était « en feu » en raison des « tirs ennemis continus ».

Puis, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a déclaré sur Twitter que la Russie a attaqué la centrale « de tous les côtés » et a averti que si la centrale nucléaire « explosait », cela serait « 10 fois plus important que Tchernobyl ». Un autre responsable ukrainien anonyme aurait également déclaré au sénateur américain Marco Rubio (R-Florida) qu’un réacteur a été « touché » tout en ajoutant qu’une fusion du cœur était « peu probable ».

Selon le site Antiwar.com,

"le service d’urgence de l’État ukrainien a, quant à lui, publié une mise à jour confirmant qu’un incendie s’était déclaré dans un ‘bâtiment de formation à l’extérieur de la [centrale nucléaire]’, suggérant qu’il ne posait aucune menace pour ses six réacteurs et n’observait ‘aucun changement’ dans les niveaux de radiation de la centrale puisque l’incendie n’a pas affecté les équipements essentiels.

Plus tard dans la nuit, Volodymyr Zelensky, a accusé la Russie de se lancer dans le « terrorisme nucléaire » :

Aucun pays n’a jamais tiré sur des blocs nucléaires à l’exception de la Russie", a déclaré Zelensky. "C’est la toute première fois. Pour la toute première fois dans notre histoire, dans l’histoire de l’humanité, le pays terroriste est revenu à la terreur nucléaire."

Le président ukrainien a ensuite discuté de la situation avec Joe Biden. « POTUS (Le Président) a parlé avec le président Zelensky ce soir pour recevoir une mise à jour sur l’incendie à la centrale nucléaire de Zaporijjia », a tweeté la Maison Blanche. La secrétaire d’État américaine de l’Energie, Jennifer Granholm, a également déclaré être en contact avec le ministre de l’Energie de Kiev. Zelensky s’est également entretenu avec le Premier ministre britannique Boris Johnson, qui, « à la demande de plusieurs pays » a convoqué en urgence une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU. Le sénateur américain Lindsey Graham et d’autres élus républicains ont ensuite lancé leurs appels à « dégommer » Vladimir Poutine.

Pour Le Parisien du 4 mars, aucun doute n’est permis :

"Voilà ce qui s’appelle mettre une menace à exécution. Vladimir Poutine avait laissé entendre le 27 février qu’il pourrait faire usage de l’arme atomique. Quatre jours plus tard, le chef du Kremlin a joint la parole aux actes en s’en prenant au site nucléaire de Zaporijia."

Dans les faits

Or, il est important de savoir que les troupes russes se trouvaient proche du site dès le lundi 28 février, une réalité pleinement confirmé par l’Agence internationale de l’Energie atomique (AIEA), qui affirme ce même jour, dans sa mise à jour n°4 publiée sur son site web :

"Le dimanche 27 février, le ministère ukrainien des Affaires étrangères a informé l’AIEA que les forces militaires russes avançaient près du plus grand des sites - la centrale nucléaire de Zaporijjia - dans l’est de l’Ukraine. Des informations supplémentaires reçues le 28 février de la part de l’exploitant ont confirmé que les forces russes étaient opérationnelles près du site mais qu’elles n’y avaient pas pénétré au moment de l’établissement du rapport."

Ensuite, le mercredi 2 mars, l’AIEA écrit dans sa mise à jour n°6 :

"La Russie a informé l’AIEA que ses forces militaires ont pris le contrôle du territoire autour de la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia, a déclaré aujourd’hui le directeur général Rafael Mariano Grossi. Dans une lettre officielle adressée au directeur général en date du 1er mars, la mission permanente de la Fédération de Russie auprès des organisations internationales à Vienne a également indiqué que le personnel de la centrale a poursuivi son "travail visant à assurer la sécurité nucléaire et à surveiller les radiations en mode de fonctionnement normal. Les niveaux de radiation restent normaux."

Sur le plan stratégique, seuls des fous pourraient imaginer une situation où l’armée russe « bombarderait » une centrale nucléaire contrôlée par ses propres forces ! A cela s’ajoute qu’irradier et donc rendre impraticable le théâtre de guerre sur lequel on opère, semble également une idée assez surréaliste.

Enfin, la centrale de Tchernobyl, est aux mains des forces russes depuis le jeudi 24 février et désormais cogérée sans incidents avec l’armée ukrainienne...

La version russe

Le ministère russe de la Défense a présenté sa propre lecture des événements. Selon l’agence TASS,

"le porte-parole du ministère russe de la défense, le général de division Igor Konashenkov, a publié vendredi matin une déclaration officielle sur la fusillade et l’incendie qui ont eu lieu à la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia plus tôt dans la journée. ‘La nuit dernière, le régime nationaliste de Kiev a tenté de mener une horrible provocation à proximité de la centrale’, a-t-il annoncé, affirmant que les troupes russes qui patrouillaient sur le territoire avaient été attaquées par un groupe de saboteurs ukrainiens. Selon le porte-parole, les forces ukrainiennes avaient attaqué les soldats russes vers deux heures du matin, heure locale, en ouvrant un feu nourri depuis le centre d’entraînement situé à côté de la centrale électrique afin de ‘provoquer une attaque de représailles sur le bâtiment.’ La patrouille russe a neutralisé les points de tir du groupe, mais les saboteurs ont mis le feu au centre d’entraînement lors de leur repli, a déclaré M. Konashenkov. L’incendie a été éteint par les pompiers du service d’urgence de l’État ukrainien. "

Les images vidéo, prises par les caméras de surveillance, confirment effectivement ce récit et rien d’autre. La lumière vive apparaissant sur les images a été identifiée par un militaire professionnel comme provenant d’une grenade éclairante (une arme utilisée dans les opérations de commando) et non d’un bombardement.

« Les déclarations précipitées de Zelensky, dit le ministère russe de la Défense, sur la prétendue menace contre la centrale nucléaire et ses entretiens avec Washington et Londres ne laissent aucun doute. L’objectif de la provocation du régime de Kiev sur une installation nucléaire est une tentative d’accuser la Russie de créer une source de contamination radioactive », poursuit le ministère.

Antiwar.com rappelle que la centrale nucléaire de Zaporijjia « a déjà été attaquée par le passé, bien avant l’invasion de la Russie la semaine dernière. Une bande de militants ultranationalistes ukrainiens a attaqué la centrale en 2014 pour expulser des ‘agitateurs pro-russes’ qui, selon eux, se trouvaient sur le site, mais ont été désarmés par la sécurité. »

Nous vous encourageons donc, chers lecteurs, à signer et à faire circuler l’appel de l’Institut Schiller à convoquer une conférence internationale afin d’établir une nouvelle architecture de sécurité et de développement pour toutes les nations.